Il ne reste rien du Théâtre de verre (Paris Xe arr.)

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Voici quelques mois que le Théâtre de verre, qui occupait un ancien entrepôt de la Sernam, rue de l’Échiquier (Paris, dixième arrondissement) s’était replié dans un local de l’impasse Bonne-Nouvelle. Ce dernier a aussi été évacué, et les nouveaux squatters de l’immeuble de la rue de l’Échiquier ne se livrent plus à des activités artistiques. Ils ne pourront migrer vers l’immeuble de la place des Vosges, occupé puis évacué à son tour…

 

Pour qui avait suivi la saga du Théâtre de verre, une bonne nouvelle : il reprend ses activités de création artistique, plastique, théâtrale et musicale au 17, rue de la Chapelle (Paris XVIIIe), début février.  Dans un premier temps, rue de l’Échiquier, il avait occupé tout l’espace laissé vacant par un entrepôt de la Sernam (filiale de transports routiers de la SNCF), fermé vers la fin des années 1990. Pour mémoire, ce n’est qu’en novembre 2004 que le Théâtre de Verre avait pris – illégalement – possession des lieux, le transformant en espace d’expositions, de concerts, d’animation théâtrale… Mais aussi en rendez-vous dominical convivial. Après quelques démêlés avec les riverains (le bruit était mal maîtrisé, cela s’arrangea), il fallut céder la place. Un local situé impasse Bonne-Nouvelle se transforma en salle de concert (milongas) et de danse (tangos et autres). Il ne faisait guère concurrence au Memphis (l’une des plus vieilles discothèques « modernes » de Paris, créée en 1946) tout proche,  mais drainait du monde de partout. Celui-ci fut à son tour évacué fin 2009 et pendant des semaines, rien ne se produisit si ce n’est l’arrivée de squatters dans l’immeuble en façade de la rue de l’Échiquier.

 

Mais cette fois, c’en est bien fini des lieux et les engins de chantier sont entrés en action, révélant le tissu urbain de ce quartier et de la rue plusieurs fois mentionnée par Balzac et qui abrita les amours de Juliette Drouet (se partageant encore entre le prince Anatoly Demidoff et Victor Hugo). Il est vrai que la rue abrita nombre d’amours célèbres : en 1593, le Vert Galant, Henri IV, y avait un pavillon de « chasse » (actuellement, c’est l’Holliday Inn et son restaurant, La Table du Pavillon). Beaucoup des immeubles actuels datent du temps de Zola qui avait pris pour modèle un grand magasin de la Porte Saint-Denis pour son Au Bonheur des dames. La Ville de Paris contribue à un vaste réaménagement qui consistera à créer 85 logements sociaux, livrés au quatrième trimestre 2011, un espace vert et une liaison entre la rue et l’impasse. Cela évitera aux riverains le détour par les rues de Mazagran et Hauteville pour se rendre tant à la poste qu’à la station de métro Bonne-Nouvelle.

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Cette implantation de logements sociaux rassure ceux qui craignent une trop rapide gentrification (en français actuel : « boboïsation ») qui paraît néanmoins inéluctable à terme. Face à l’ancien entrepôt, un « pub » à l’enseigne du Horseman s’est implanté depuis quelques semaines, en février ouvrira Choco-Story, le musée parisien du Chocolat, entre l’impasse Bonne-Nouvelle et la rue de Hauteville. Mardi  26 février, dans la rue d’Enghien, parallèle de la rue de l’Échiquier, au numéro 7, ce sera l’inauguration d’un nouveau bar à vins, garantis « bio » : Tombé du ciel ! Cet établissement n’a pas chu dans le Sentier Turc (dit aussi « La Petite Turquie », ou « Le Bosphore ») tout à fait par hasard. Après la rue Oberkampf, après les Batignolles, les îlots proches des restaurants pakistanais ou indiens du passage Brady ont accueilli, dans la cour des Petites-Écuries ou à proximité, de plus en plus de jeunes trentenaires dont l’un des rendez-vous est Chez Jeannette (coin du faubourg Saint-Denis et de la rue d’Enghien). De même, cette nouvelle clientèle qui débordait jusqu’au Sully (proche de l’arc de triomphe) a permis à son patron d’envisager de reprendre le bar Le Château d’eau (au coin de la rue homonyme) : le passage de relais entre Saïd (on disait aussi « Chez Saïd » comme La Gitane, rue d’Enghien, est plus connue pour être « Chez Ali ») et la nouvelle équipe, prévu ces jours prochains, a été repoussé début février.

theatre_verre_3.png Ce n’est certes pas demain la veille que, à l’instar des quartiers des anciens squats de Berlin, on verra de belles voitures sélectivement incendiées en manière de protestation « ciblée » contre la hausse des prix de l’immobilier. Mais Le Petit Duc, sur le boulevard Bonne-Nouvelle, a fait peau neuve, et d’autres établissements vont entrer en rénovation. Plus haut, rue des Petites-Écuries, la Ferme, qui accueille les musiciens des studios et les amateurs des concerts du New Morning, a changé de mains. Il en a été de même de « Chez Fred », Le Bleu Cerise, dans la cour. Pour le moment, il n’est pas déjà question de voir un Ed ou le récent Lidl faire place à un Monop’. Mais on découvre tous les jours que les activités du quartier ont muté : ce n’est que récemment que j’ai appris qu’il était le siège, depuis mai 2008, de la maison d’édition Rue de l’échiquier. Écologie, économie sociale et solidaire, sont les thèmes défendus par ces éditeurs. Parmi les auteurs, Allain Bourgrain-Dubourg… Tiens, la ressemblance entre ce passant aperçu voici peu dans la rue n’était pas fortuite. Et finalement, cette fille toute simple que j’avais croisée, n’était-ce pas Marion Cotillard ? Si fait, cela m’a été confirmé (mais je ne vous dirais ni par qui, et donc pas où elle a quelques discrètes habitudes, et non, ce n’est pas au Sesto Senso, l’un des authentiques restaurants italiens de Paris, ni au Kibelé). En tout cas, si la rue vaut déjà plus d’une douzaine de mentions sur le blogue-notes de Mathilde, Chroniques d’une Parisienne avertie,  sa « staracisation galopante » (lu sur le blogue-notes, à propos d’une autre) nous mènera-t-elle du trot au trop ?
J’en étais resté au familier Murray Head, chanteur dont le double CD Live Tour sortira pour le 1er avril 2010, et pilier du quartier de longue date. Il va falloir que je mette à jour. Mais, non, n’insistez pas : même si vous m’offrez un calepin, je ne me convertirai pas pour vous en chasseur d’autographes. La page du Théâtre de verre est tournée, d’autres s’ouvrent… On vous tiendra (peut-être) au courant.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !