Hotel Monterey de Chantal Akerman

 

Hotel Monterey de Chantal Akerman est un film expérimental de 1972 qui se déroule à New York.

 

L’espace du film

L’accent est mis sur l’espace : un hôtel. Mais aussi sur la caméra qui est omniprésente, elle se fait alors elle aussi lieu. Le film est espace.

Les couleurs sont plutôt chaudes au niveau des lieux, mais la manière de filmer transmet plutôt une attitude froide. Les déplacements de caméras sont très lents, on est quasi dans du image par image ou dans du diaporama. Les mêmes lieux, les mêmes personnages, les mêmes plans se répètent souvent, donnant alors l’impression d’un « tout est pareil ».

On l’aura compris, la réelle histoire du film c’est l’espace en toile de fond, et au premier plan celle de la caméra, de sa trajectoire. Le spectateur se trouve alors dans un regard, une certaine façon de voir l’espace, subjectif et qui dans ce cas là tient réellement de l’exploration. Il nous semble que la caméra découvre au même moment qu’elle nous montre.

 

Deux motifs importants de cet espace

Deux motifs semblent importants à l’intérieur des lieux : l’ascenseur et les couloirs :

L’ascenseur parle d’un mouvement vertical, il monte et descend. Il nous permet également de penser la relation par rapport aux personnes de l’hôtel. Les résidents de l’hôtel, de manière générale tout au long du film, sont en retraits. Les lieux, le vide, me semble t-il, prennent davantage de place que les corps et ce qu’ils peuvent représenter. Le seul moment où les corps imprègnent de façon forte le lieu c’est l’ascenseur. L’espace existe sans corps pour l’habiter, l’ascenseur lui ne monte pas, ni même ne descend tout seul. Il est lié à une fonction utilitaire, sans l’homme celui-ci n’est rien. Les personnes qui l’utilisent paraissent comme à l’affut du regard, de la caméra, refermées comme si la caméra était ostensiblement visible. Et qu’alors les personnes devaient s’apprêter à jouer un rôle, à composer pour paraître plutôt que pour être. Le lieu tend à penser le regard, ici le regard de la caméra. Pourquoi ne sommes nous pas les mêmes lorsque l’on a conscience d’être enregistré sur une pellicule video? Pourquoi ce comportement, même inconscient, face à la caméra? Que révèle t-elle? Pourquoi s’en méfier?

 

Les couloirs comme motif peuvent être clairement opposés à l’ascenseur. Le mouvement de ceux-ci est horizontal, il parle de linéarité. Ils sont généralement vides, pas de figures, rien ne se passe hormis le déroulement du regard. Ce motif est d’une répétition extrême, accentuant sur le caractère obsessionnel du lieu mais surtout de la trajectoire, du déplacement. Cette obsession du lieu, du trajet, de la répétition des déplacements dans le lieu nous présente l’espace comme un espace bouché. Alors cet hôtel devient inquiétant, ce lieu se fait prison, enferme le regard, empêche l’ailleurs.

Un film muet

Ce manque de son souligne le caractère bouché du lieu. On a l’impression qu’il ne se passe rien dans cet espace : des déplacements lents, peu de personnes, beaucoup de vide. Mais en réalité c’est nous qui ne pouvons rien faire. La caméra-regard est bloquée. Elle découvre à mesure qu’elle avance, mais en réalité elle tourne en rond, patine, ne s’en sort pas. C’est alors que par de là le côté obsédant du film et des lieux, le film devient plus qu’inquiétant, il devient séquestrateur de regard, bourreau même. Et nous spectateur vivons ces mêmes lieux en boucle, quasi comme un supplice. La caméra, et nos yeux sont liés malgré eux à cet espace devenu insoutenable.