Georges Brassens, on l’a oublié, était un personnage facétieux et anticonformiste. Plusieurs de ses chansons ont été interdites d’antenne à leur sortie. Antimilitariste, anticlérical, il écrivait régulièrement dans des journaux anarchistes comme « Le libertaire » après la guerre.

Certes son tempérament ne le portait pas vers l’activisme, mais il est resté fidèle à l’anarchisme jusque la fin de sa vie. Sur scène, à Bobino, où j’ai eu la chance de le voir en 1969, après la chanson « Hécatombe », il avait pris l’habitude de dire à son contrebassiste, à l’encontre du public : «Ces trous du cul ! Ils ne savent pas du tout ce qu’est l’anarchie ! » (Propos rapportés par Maxime Leforestier). Cette chanson a d’ailleurs encore de nos jours un certain pouvoir de subversion puisqu’un jeune homme a été condamné à 200 euros d’amende pour avoir fredonné la chanson du marché de Brive la Gaillarde.

 Pour toutes ces raisons, il est difficile de rendre hommage au poète à la pipe sans tomber dans le poncif. Le téléfilm « Brassens, la mauvaise réputation » qui sera diffusé sur France 3, le mercredi 19 octobre, est éreinté par le magazine Télérama qui lui reproche de trahir justement l’esprit subversif de Brassens. « Guimauve, effusions, bons sentiments … » L’hebdomadaire culturel est sévère, mais l’exercice est difficile et si le produit est imparfait, on ne peut que saluer l’initiative. Il est important que les jeunes générations puissent s’approprier ce grand poète dont on apprend dorénavant les textes à l’école, même si on passe sous silence certaines chansons à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Ces chansons-là, les vrais connaisseurs du grand Georges se les garderont jalousement. Quant à l’idée de mettre sa statue dans un quelconque square, je pense que ce serait pour le coup une vraie trahison. Quand on voit ce que Charleville-Mézières a fait de Rimbaud, on peut craindre le pire pour notre anar chantant.  {youtube}yI9YyFIjhDc&feature=related{/youtube}