Face à son miroir, X se regardait, une fois de plus. Son visage, sa poitrine, son ventre, son sexe, ses hanches, ses jambes, ses pieds.

À vrai dire, X ne se reconnaissait plus.

– "Ca s’empire d’années en années", remarqua-t-elle à haute voix,

– "Mais qui es-tu?" continua-t-elle en se regardant…

– "Regardes moi ce cul, il est énorme! Et ce ventre… impossible à faire disparaître ! Et ce visage,… pourquoi?"

Tel un rituel, X prit alors sa crème de jour. Elle en badigeonna de haut en bas sur son visage puis elle le recouvrit de poudre dorée, pour la bonne mine, et utilisa tout un tas de couleurs sur sa bouche, ses yeux, ses joues, pour cacher.

Le masque venait d’être posé.

 

Puis X se tourna alors vers sa garde robe.

Slip ventre plat, bas qui affinent les jambes, talons pour se grandir et s’élancer… puis elle sortit ensuite de son armoire une robe noire.

Le costume venait d’être trouvé.

Puis touche finale, le parfum.

X avait peur qu’on sente son odeur, son odeur qu’elle sentait vieillir et qui l’insupportait, qui lui collait à la peau, celle qui la suivait partout et qui hantait ses nuits.

Un nouveau personnage venait de  naître.

Maintenant X savait qu’on allait s’intéresser à elle, surtout les hommes.

X était seule, et elle ne savait même plus depuis quand, bien trop longtemps sûrement pour ne plus arriver à s’en rappeler.

Etrangement, cette fois X avait oublié ses boucles d’oreilles, ses préférées, celles qu’elle  posait toujours près du miroir.

L’air détaché, X prit le dernier élément de sa parure, mais ce qu’elle redoutait le plus arriva.

Son regard s’arrêta. On pouvait lire dans ses yeux qu’une effroyable peur commençait à la paralyser.

Ses yeux noirs charbonneux, cette robe vulgaire, tous ces artifices…. c’était pourtant bien elle.

Son corps était-il encore à l’image de ce que lui laissait entendre son esprit ?

Non.

Ce qu’elle venait de comprendre depuis toutes ces années c’est qu’elle se dégoutait, qu’elle était devenue une intruse de ce monde rempli de vie.

X se dit en elle que ce n’était pas possible, alors elle oublia et s’imagina autrement.

Sa raison lui avait échappée lentement mais sûrement, sans qu’elle ne s’en aperçoive.

X y arrivait si bien…, quand tout à coup la dure réalité lui remit violemment les pieds sur terre lorsqu’elle fit face à son reflet.

X venait de voir son spectre dans la glace.

Elle resta là, des heures durant. Depuis combien temps cela durait-il ? Au fond d’elle, X le savait…Cela faisait maintenant vingt ans qu’elle se jouait la comédie.

Mais le rideau venait de tomber.

X devait tirer sa révérence.

Triste mort pour cette art-triste, qui n’avait pour public que son reflet drama-triste.