«Vous voulez que je vous dise ce que pense mon mari ? Mon mari n’est pas le secrétaire d’Etat, c’est moi ! Si vous me demandez mon opinion, je vous donnerai mon opinion.» Une réponse sèche, cinglante, frôlant la goujaterie ; voilà ce qu’a reçu un étudiant congolais de l’Université de Kinshasa, a une simple question qu’il posait à Hillary Clinton, ce Lundi.

 

 

De passage dans une institution de haut-savoir, dans le cadre de sa tournée africaine, la secrétaire d’État américain a semblé interloquée après qu’un étudiant lui ait demandé ce que «Monsieur [Bill] Clinton pense […] de  l’interférence de la Banque mondiale à propos de contrats passés avec la Chine.» Question pour le moins anodine. Mais, visiblement agacée par les dernières actualités, qui ne tarissent pas d’éloges à l’égard du succès de Bill en Corée du Nord ; allant jusqu’à éclipser le pèlerinage africain de sa dame, Hillary a préféré envoyer paître l’étudiant et passer à la question suivante. Plutôt singulière comme attitude, pour quelqu’un dont le tact et l’atticisme du discours, en sa qualité de chef de la diplomatie, devraient être les attributs. Mais à la décharge de Mme Clinton, une mauvaise traduction de la question serait à l’origine de l’imbroglio. Car en effet, l’étudiant n’aurait pas demandé à connaître l’avis de monsieur Clinton, mais bien celui de Barack Obama, l’autre kid kodak du moment.

 

Parions que la réponse de son interlocutrice aurait été sensiblement la même. Puisque d’une façon ou d’une autre, le public s’en fout de ce que Hillary pense de «l’interférence de la Banque mondiale à propos de contrats passés avec la Chine. » !

 

 


L’engouement de l’Afrique pour l’actuel chef d’État  américain est sans équivoque. Nul besoin de discourir longuement sur le sujet. Un président américain, dont le père issu des entrailles encore chaudes du continent mal-aimé, engendra un fils, né pour régner. Entré triomphalement sur le dos de sa mule démocrate dans Washington, la Jérusalem américaine. Pas étonnant que les petits africains, assoiffés d’espoir et de désillusion messianique se demandent «Hillary qui ?», en voyant arriver au milieu d’eux cette femme, probablement connue que pour n’être l’épouse cocue de l’autre président…

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A ce propos, parlons-en de Bill. Qu’a-t-il fait pour l’Afrique ? A part de légaliser le pillage des ressources naturelles du Zaïre, avec la signature de l’Africa New Opportunities Act, en 1995. Ou encore d’avoir fermé les yeux sur les exactions de l’ American Mineral Fields Inc, une multinationale créée dans le bastion des Clinton en Arkansas, en 1995. Et dont les tentatives de déstabilisation du gouvernement zaïrois, n’ont servi qu’à instrumentaliser le désir impérialiste des Etats-Unis dans la région. Georges Moose, sous-secrétaire d’Etat de Bill Clinton, n’aurait pas pu mieux exprimer ce désir ; tandis qu’il s’adressait au sénat américain en 1993 : « Nous devons assurer notre accès aux immenses ressources naturelles de l’Afrique, un continent qui renferme 78% de réserves mondiales de chrome, 89% de platine et 59% de cobalt.»

 

Alors peut-être que dans le fond Hillary a bien raison de faire de l’urticaire, quand elle entend prononcer le nom de son époux, sur un continent où trop de sang a coulé par sa faute…

 

Toutefois, restons pragmatique. Car la politique n’est-elle pas qu’un concours de popularité ? Un jeu où l’on cherche toujours à avoir les projecteurs braqués sur soi, jusqu’à en faire un… malaise vagal ? Hillary ne se soustrait certainement pas à cette règle. D’ailleurs, la journaliste américaine Tina Brown, gagnante de 10 National Magazine Awards, déplorait récemment l’absence flagrante de la secrétaire d’État, en soulignant qu’il «est temps que Barack Obama permette à Hillary Clinton d’enlever sa burqa.»

 

Ah ! Nous y sommes, le nœud du problème ! La raison de la montée de lait inopinée de Mme Clinton, sur un petit étudiant qui voulait simplement faire le malin en posant une belle question géopolitique, probablement pour épater ses profs. Ainsi donc, Barack Hussein Obama ne voudrait pas laisser sortir de la maison Blanche cette pauvre Hillary, sans qu’elle ne soit couverte de sa burka politique ?  Elle en est à présent réduite à jouer les seconds violons ; la barbie de service qui va serrer des mains aux réunions mondaines, ou répondre aux questions iconoclastes des petits étudiants. Mais pour ce qui est des gros dossiers, ah non ! Pas question ! Et pour cause ; on mandate Bill Clinton pour la libération de journalistes en Corée du Nord ; on mandate George Mitchell pour les discussions au Proche-Orient ; on mandate Richard Holbrooke au dossier de l’Afghanistan et du Pakistan ; on mandate Dennis Ross, appelé d’urgence à la Maison Blanche à titre de conseiller du président, au dossier iranien. Et enfin, Barack Obama quant à lui, se charge de régler l’épineux dossier géorgien avec la diplomatie russe, le jour même de sa fête. Finalement, la secrétaire d’État n’aura qu’à ramasser les dossiers qui restent. Non moins importants pour les relations internationales américaines, certes, mais en tous les cas, beaucoup moins médiatisés. Comme sa visite de trois jours en Inde ou son périple en Afrique qui, hormis la petite anicroche à l’université de Kinshasa, aurait été un franc succès.

 

Hillary Clinton finira-t-elle comme Colin Powell, dans un coin de la Maison Blanche ; quelque part entre une imprimante et une plante verte ? On l’écoutera poliment quand elle prendra la parole, mais dans les faits, se seront ses lieutenants qui seront à la barre de la diplomatie américaine. Si Powell quitta avec fracas le cabinet Bush en 2005; insulté de n’être devenu qu’une postiche, au profit de Condee Rice, la Warrior princess, en sera-t-il de même pour Mme Clinton ? Pour l’instant aucun divorce ne semble augurer à l’horizon. Bien qu’en coulisse, une petite algarade de pouvoir se dessine bel et bien, entre Holbrooke et Ross reconnus pour leur liberté de décision et Mme Clinton. Hillary a toutefois l’avantage d’être «une secrétaire d’État très coriace, très disciplinée et très expérimentée », aux dires de Richard Murphy, expert au Middle East Institute. Cependant, il ne s’agit pas tant d’être «coriace» que d’apprendre parfois à ravaler sa fierté et laver son linge sale en famille, surtout quand le monde entier nous regarde…

 

 

Visionnez l’extrait de la colère d’Hillary:

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