Haïti : est-ce qu’on va se moquer de nous encore longtemps ?

Rappel des tristes faits : le 7 janvier à 15h53 heure locale, un séisme de magnitude 7 sème la désolation aux alentours de Port-au-Prince, la capitale. Selon les estimation de l’OMS, il y aurait plus de 50000 victimes (soit plus de 20 fois les attentats du 11 septembre…) et environ 250000 blessés, qui sont en train, hélas, de mourir de surinfections de leurs plaies et d’autres maladies que plus aucune structure hospitalière ne peut soigner (vu à la télévision : un homme victime d’un accident vasculaire cérébral qui aurait pu être soigné sans trop de problème en tant normal mais qui, dans cette configuration, le laissera paralysé ou le tuera inévitablement). L’électricité, l’eau et les réseaux de communications sont coupés, au milieu des bâtiments détruits et des décombres des maisons. Les survivants ont tout perdu, que ce soient des biens matériels ou des membres de leur famille, la catastrophe est difficilement mesurable.

Tout ceci est bien entendu, le message est passé, les visions d’horreur montrées par les journaux et la télévision sont très explicites, nous sommes tous bouleversés et j’ai été la première à faire un don… avant de réfléchir quelques instants.

 

 

Qui donne encore et toujours ? Ceux qui rament ! Certes, quelques stars hollywoodiennes ont fait des efforts conséquents (qui se comptent en millions de dollars) comme George Clooney ou encore Bradangelina Jolie Pitt, mais on tend encore la main à ceux qui ne peuvent pas se permettre de donner alors que la situation est un véritable crève coeur. Pire : on les culpabilise avec des appels style "1 sms = 1 euro pour Haïti". Pourquoi donc ne pas l’envoyer, ce texto ? Et l’Unicef, la Croix Rouge, la Fondation de France, le Secours Catholique, ASF, Aide et Action, la Chaîne de l’Espoir, les initiatives personnelles sur Facebook et j’en passe, pourquoi ne pas se fendre d’un petit don en se passant d’un café ou deux ? Trois concerts ont eu lieu dimanche 25, deux au Bataclan (25€ la place) et un au Zénith (gratuit mais retransmis pour inciter aux dons). Qui paye ? Nous ! Encore et toujours nous ! Ces artistes que l’on salue pour avoir avoir eu l’extrême gentillesse (!) de faire un concert (que dis-je, TROIS !) pour les sinistrés ne pouvaient-ils pas, aussi, verser un pourcentage de leurs droits A EUX pour aider ces pauvres gens ? N’ont-ils donc aucune économie pour ne pas donner qui 100000, qui 500000 euros pour sauver un pays ?

Ca suffit comme ça. Donner contre le cancer, le sida, donner au téléthon, donner pour les maladies orphelines, pour le don de plaquettes, pour Perce Neige, pour les Enfants Bleus, pour Médecins sans Frontière ou du monde, pour les sans abris, pour  ceci et cela, avec le plus grand coeur du monde, c’est juste impossible. Choisir une cause ? Et pourquoi ? Et laquelle ?

Faites cette expérience : tapez sur un moteur de recherches "cachet acteurs hollywood". Ca donne le vertige. Si chacun de ces monstres du cinéma américain donnait un tout petit million de dollar, Haïti serait reconstruite et sauvée. Mais non, c’est encore à nous que l’on demande, nous qui hésitons entre le riz et les pâtes dès le 15 du mois, nous qui, depuis la crise et même avant, juste depuis l’euro, avons abandonné la part de budget "loisirs" pour mettre de l’essence dans la voiture et des coquillettes sans beurre dans l’assiette.

C’est encore à nous, les nouveaux pauvres, ceux qui doivent s’en sortir avec un smic, un loyer, l’électricité, le chauffage, les fournitures scolaires des gosses, à nous qui, même en se fournissant exclusivement en "hard  discount", savons pertinemment que nos dernières vacances étaient sans doute nos DERNIERES vacances, que l’on tend encore la main, en insistant sur notre chance d’avoir un toit qui ne s’est pas effondré sur nos têtes, des hôpitaux et de l’eau potable. On joue sur notre culpabilité pour nous arracher larmes et derniers centimes alors que ceux qui en ont largement les moyens ne lèvent pas le petit doigt, surtout pas pour attraper leur chéquier.

Nous avons tous une peine immense pour les misères de ce monde, pour les maladies, les catastrophes, la déchéance humaine, nous aimerions tous gagner au Loto et donner à tour de bras, mais il existe, par exemple, dans la loi juive, ce que l’on appelle la "tsedaka", souvent traduit à tort par "charité". La "tsedaka", ce n’est pas la charité mais l’équité, celui qui a doit donner à celui qui n’a pas pour que le monde fonctionne et reste respirable.

Ouvrir sa boîte mail est devenu une agression : "Donnez, donnez, donnez sinon vous êtes un gros méchant vilain pas beau…". STOP. Adressez-vous à ceux à qui quelques dizaines voire quelques centaines de milliers d’euros ou de dollars ne manqueront pas, pas à ceux qui calculent déjà la déduction qu’ils vont faire de leurs impôts sur leurs dons ni à ceux qui rêvent de s’asseoir simplement à la terrasse d’un café déguster un modeste expresso et oublier quelques instants les malheurs de ce monde…

Une réflexion sur « Haïti : est-ce qu’on va se moquer de nous encore longtemps ? »

  1. D’un côté, faisant partie de ces « pauvres » j’ai quand même donné 5 euros sur les 45 de surplus remboursés par la caf…
    D’un autre côté je suis quand même d’accord avec ça, donner oui mais quand on voit que ceux qui le peuvent vraiment préfèrent s’habiller bling bling… hier mon p’tit frère au lycée me disait qu’un de ses amis se pointe avec 2000 euros de fringues sur le dos… c’est limite scandaleux.

    Je crois que malheureusement notre mentalité est ainsi, plus vous êtes démunis plus vous avez tendance à vouloir aider. Plus vous etes aisés, plus vous voulez oublier les démunis. Je généralise certes, mais c’est comme ca dans le monde entier (à l’exception près): le paysan pauvre vous ouvrira plus facilement sa porte que le riche du Paris 16eme, cloitré dans son luxe.
    C’est triste.

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