Voilà 27 ans que le grand sily (l’éléphant) cassait sa pipe dans un prestigieux hôpital de Cleveland aux Etats-Unis d’Amérique ; des  suites d’une attaque cardiaque. Nous sommes exactement un lundi 26 Mars 1984.  L’homme qui venait de s’éteindre n’était pas seulement le président de la guinée Conakry ; mais avant tout,  le symbole de la Guinée indépendante, et surtout l’incarnation du panafricanisme pur. En effet, El adj. Ahmed Sékou Touré qui venait de mourir fût en 1963 aux côtés des autres l’un des pères fondateurs de la défunte organisation de l’unité africaine (O.U.A).

Au moment où la Guinée rompt avec l’anarchie pour intégrer le cercle très fermé des Etats démocratiques d’Afrique francophones, il est important de revenir sur l’existence de cet homme, grand homme – diraient certains – qui a su en un peu plus  d’un quart de siècle de règne, marqué son époque, avec des idées très nationalistes, mais semble – t – il mal exécutées !

 

 

S’il y’ait à ce jour un seul et unique leader d’Afrique noire qui a pu tenir tête aux colons blancs, c’est sans aucun risque de se tromper Ahmed Sékou Touré ; lui qui le 27 août 1958 a contre toute attente servi un « NON » catégorique à De Gaulle, dans une Afrique francophone où une telle audace était inconcevable. C’est ainsi que le grand Sily  – comme il aimait se faire appeler – s’est désormais érigé pour toute une génération en quête d’identité comme l’incarnation d’une dignité retrouvée du peuple africain.

C’est un lundi 26 Mars 1984 que Ahmed Sékou Touré, 64 ans, rend l’âme dans une structure hospitalière de Cleveland aux Etats- unis d’Amérique.  Il est 15 heures là bas, 22 heures à Conakry. Cependant, compte –tenue des difficultés de communication propres à cette époque et surtout la discrétion qui caractérisait le régime du président Sékou, ce n’est qu’à la mi – journée du mardi 27 Mars 1984 que les guinéens apprendront le décès de leur président de la république. A Conakry, l’information se passe encore de bouche à oreille ; d’ailleurs, beaucoup pensent qu’il ne s’agit que d’une intox montée par le régime en place, pour apprécier les attitudes des uns et des autres, et pourtant !

Le président Sékou est mort comme il a vécu ; discrètement. Samedi 24 mars 1984, dans le palais provisoire qu’il habitait ; le président Guinéen est subitement terrassé par une attaque que les médecins ont dit cardiaque. Dans la nuit du Samedi à dimanche, un avion aux armes affrété par le roi Fahd d’Arabie saoudite amène le chef de l’Etat Guinéen aux Etats – unis, à Cleveland plus exactement, où on retrouve à cette époque les plus grands spécialistes en maladies cardio – vasculaires. Malheureusement, El Adj. Sékou Touré meurt pendant l’opération. Il est 15 heures ce lundi 26 Mars 1984 aux Etats – unis, 22 heures en Guinée. 

L’homme qui s’éteint ainsi après 26 ans de pouvoir aurait été de son vivant, l’un des plus radicaux défenseurs d’une Afrique totalement indépendante et souveraine.

Aux côtés de Houphouët -Boigny  de la côte d’ivoire, Habib Bourguiba de la Tunisie, Julius Nyerere de Tanzanie ou encore Kwame Nkrumah du Ghana et bien d’autres, ils ont mis sur pied dès 1963 l’organisation de l’unité Africaine (O.U.A) chargée de défendre la souveraineté des Etats africains.

Seulement, comme beaucoup de grands leaders indépendantistes de l’époque, Ahmed Sékou Touré supportait très mal la contradiction ; c’est ainsi qu’il fera de nombreux prisonniers et des milliers d’exécution d’opposants.

Au début des années 50, Ahmed Sékou Touré n’était encore que député d’une localité de la haute Guinée. Ce passionné de la lecture ne laissait jamais sur son passage aucun essai philosophique ou documents politiques. Aussi, il adorait des auteurs tels que Marx, Engels et Lénine. Le jeune Sékou était plutôt un garçon serviable et très gentil ; la cigarette restait cependant  pour lui ce qu’est du chocolat pour les tout petits. Formé à l’école d’un syndicalisme inspirée des méthodes et de l’esprit  de la CGT française, il n’éprouvait aucune difficulté à  ressembler autour de lui en un laps de temps des millions de personnes. Une popularité légendaire qui a permis à Sékou, alors qu’on est encore en 1958 de choisir et de réclamer sèchement à De Gaulle l’indépendance de sa chère patrie. A compter de cette date, la Guinée devient le premier pays d’Afrique francophone à avoir son indépendance ; cependant,  considéré comme la plus radicale des colonies françaises, le général De Gaulle décide d’abandonner la Guinée à son triste sort. Le président Français quitte Conakry ce 27 août 1958 avec la promesse de retirer tout son personnel ainsi que leurs matériels de la Guinée. Le 25 septembre 1958, la Guinée accède à l’indépendance. Déterminé bien confronté à une multitude de difficulté, le nouveau pouvoir Guinéen doit se battre pour combler le vide laissé par les Français et surtout mettre le pays sur les sentiers du développement. Avec l’aide de plusieurs autres chefs d’Etats, Sékou Touré essaye tant bien que mal de  sauver son pays du naufrage ; mais c’est très difficile. Dès novembre 1965, le divorce est entièrement consommé entre la France et Guinée : c’est la rupture de toute relation diplomatique. Ce n’est qu’en 1976 avec le nouveau président Français Valéry Giscard d’Estaing que la guinée renoue des relations diplomatique avec la France qui fut longtemps présentée par l’homme fort de Conakry comme le pire ennemi de la Guinée. Sékou Touré se rendra même en France en 1982 et 1983, à l’occasion du sommet France – Afrique. 

Après le décès de Sékou Touré, les Guinéens ont caressé le vœu de voir enfin leur pays basculer dans la démocratie ; que non ! Puisque Lansana Conté qui succédera au grand Sily se révélera encore lui aussi amoureux fou du pouvoir absolu. Ce n’est que tout récemment après le feuilleton Dadis Camara et ses frasques,  que la Guinée a pu élire démocratiquement à sa tête un véritable président de la république au nom de Alpha Condé.

Sékou Touré reste l’un des plus grands dictateurs qu’a connu l’Afrique post – coloniale ; mais aussi, l’histoire retiendra de cet homme, le seul et unique leader noir de son époque qui a pu tenir tête à une France qui se considérait maître absolu d’une Afrique francophone.