En France, c’est l’église de scientologie qui est sur la sellette. Plus à l’est, en Grèce et en Roumanie en particulier, ce sont les églises orthodoxes. Elles sont critiquées de l’intérieur (un syndicat de prêtres dénonçant corruption et autoritarisme s’est formé en Roumanie), et de l’extérieur, notamment en Grèce où les biens de l’église dominante font réagir la contestation sociale.
Contrairement à l’église orthodoxe grecque, l’autocéphale roumaine n’est pas directement soutenue par l’État.
Mais tout le monde se doute bien que la floraison des monuments et lieux de culte de la Biserica (200 par an à présent, 3 000 depuis 1989) ne doit pas tout à la sollicitude des fidèles, au retour en force de la bénédiction des maisons et des appartements, au zèle des prêtres, moines et moniales, à quêter ou distribuer, contre rétribution, des sacrements.
Elle est à présent aussi contestée de l’intérieur, des prêtres s’étant formés en syndicat et venant d’obtenir un jugement de… la Cour européenne.
La hiérarchie s’est aussitôt prononcée : les magistrats européens n’auraient pas très bien compris comment fonctionnent les églises orthodoxes en Europe centrale… Ou trop bien, selon les divers avis.
Tout comme en Ukraine, et autrefois en France et ailleurs, en Roumanie, obtenir une bonne paroisse, c’est comme antan, ailleurs, bénéficier d’une cure confortable. C’est d’ailleurs encore un peu vrai, même pour les temples protestants, en Europe de l’ouest. Mais à l’est, soit on se retrouve dans une paroisse misérable, avec les revenus correspondants, soit on peut rouler en 4×4 et ripailler en compagnie d’élus, voire de mafieux, dans les meilleurs endroits.
Cela commence à bien faire, selon Laurentiu Mihu, de România libera, la revue roumaine haut de gamme, et même selon la rue. Car la contestation est aussi forte en Roumanie qu’en Grèce et les échos grecs (même si le nombre des Grecs est devenu négligeable dans le pays) parviennent un peu partout. De plus, contrairement à la Grèce, la Roumanie voit souvent cohabiter le faste de l’orthodoxie avec la relative sobriété d’églises catholiques diverses (ou protestantes, plus rares).
On reproche aux églises orthodoxes non seulement leurs richesses, mais ainsi que commence à le faire la contestation russe, leurs alliances avec le pouvoir, quel qu’il soit, ou, en Grèce, les liens avec le Laos, parti d’extrême-droite nationaliste (au pouvoir). En Roumanie, le retour en grâce de l’église autonome (pas trop malmenée par le communisme, au nom de l’unité nationale dominée par la majorité roumaine, alors que Hongrois catholiques, et autrefois Souabes et Saxons, Serbes… formaient de fortes minorités), s’est accompagné d’une résurgence d’une sorte de chamanisme des voyantes et des guérisseuses. Une partie de la société civile met tout cela dans le même sac.
En Serbie aussi
En Serbie, quand ce n’est pas directement l’État, ce sont les ministères de la Culture, voire des Sports, qui favorisent l’église orthodoxe nationale, par des voies obscures. Pas d’impôt pour les prêtes, mais diverses aides sociales, un train de vie somptueux dans les meilleures paroisses, et quelques indélicatesses d’évêques puisant dans les caisses diocésaines.
De jeunes évêques veulent un aggiornamento général, et surtout un renouvellement de la hiérarchie, parfois liée au mouvement Obraz (extrême-droite) ou au milieux d’affaires… pas très claires. L’église joue un rôle politique parfois très affirmé : l’éparchie (patriarcat) de la Bačka s’oppose frontalement à la municipalité de Novi Sad. L’auteur monténégrin Andrej Nikolaidis n’hésite pas à comparer la Serbie à l’Iran et dénonce, en intellectuel voisin, que « les antagonismes nationaux et religieux ne sont qu’un masque qui permet aux élites de cacher l’antagonisme fondamental présent dans toutes les sociétés, l’antagonisme de classe… ».
Le Parti radical serbe de Vojislav Seselj, qui recueille près d’un tiers des voix, est conforté dans ses déclarations populistes et nationalistes par une partie du clergé.
C’est à peu près ce que disent (ou continuent à dire) nombre de Grecques et de Grecs confrontés à l’austérité et qui supportent mal de devoir se tourner vers les œuvres sociales de l’église orthodoxe (surtout si leurs opinions exprimées sont connues). Ils dénoncent notamment les liens quasi fusionnels du parti du Peuple (Laos) avec la hiérarchie orthodoxe.
En osmose
La suppression de la mention de la religion sur les papiers d’identité ne remonte, en Grèce, qu’à 2000. Le fondateur et chef de file du Laos, George Karatzaferis, en avait fait un argument central de son programme d’alors. Laos et église vivent pratiquement en symbiose, ou osmose. Comme en Bulgarie, l’islamophobie est entretenue sournoisement par l’église orthodoxe, et le sentiment anti-albanais sert parfois de ciment.
D’un côté, le patriarcat grec dénonce le risque « d’explosion sociale » due à l’austérité et fait valoir ses œuvres sociales : « la patience des Grecs s’épuise, » a commenté Hiéronymos II. Il fait aussi grand cas de la solidarité du patriarcat russe (de Moscou) qui est censé collecter des fonds pour les bonnes œuvres grecques. Il y a étrangers et étrangers, ceux qui sont secourables, ceux qui se livrent au « chantage » et distillent de « mortelles recettes ».
Mais de l’autre côté, les monastères organisent la fuite de leurs capitaux en Suisse et elle ne tient pas trop à voir ses biens immobiliers recensés : le cadastre est plus que moins flou en Grèce, nombre de loyers sont perçus par des associations religieuses. C’est faux selon l’archevêché orthodoxe d’Athènes qui soutient avoir légué la quasi-totalité de ses biens à l’État dans les années d’après-guerre. Mais depuis, la tradition datant de l’époque ottomane de léguer des biens privés à l’église s’est poursuivie. Les salaires, versés par l’État, sont effectivement faibles et l’église n’est pas totalement exonérée d’impôt. Mais ces salaires sont cumulables avec d’autres fonctions (enseignement, ou activités dans le secteur privé), et les recettes de divers rites et sacrements.
De plus, l’église à consenti une réduction des loyers qu’elle perçoit (de 20 %) mais son patrimoine lui rapporte encore 9,1 millions d’euros, selon les déclarations officielles de l’église orthodoxe.
Mais la piété décline : Le Monde narrait récemment les mésaventures d’un peintre d’icônes dont les revenus, depuis 2009, ont décliné pour tomber à 60 euros par mois.
Les Grecs se demandent aussi comment, en réglant des impôts autant qu’elle le proclame, l’église orthodoxe a pu construire tant et tant de nouvelles églises ces dernières années. De plus, l’archevêché d’Athènes a fortement investi dans le développement d’un complexe touristique sur la côte de Lemos, en partenariat avec le Qatar. D’un côté, cela représente des recettes pour la Grèce, de l’autre, construire des hôtels de grand luxe fait mauvais effet.
Charité sous contrôle
L’opinion grecque constate que l’église orthodoxe (mais aussi Caritas, catholique, des associations laïques) vient au secours des plus démunis toujours plus nombreux. Mais elle se souvient aussi du refus, en novembre 2009, de verser 600 000 euros à l’État. L’évêque de Ioannina, Mgr Theoklitos, avait sèchement déclaré : « nous refusons de régler la note des erreurs d’autres que nous. ».
Le denier du culte rapporte certes moins, mais il avait été exonéré d’une taxe de 35 % en 2010. Mais c’est surtout l’opacité de sa gestion à la fois centralisée et très décentralisée, la confusion dans l’esprit des gens entre l’église par elle-même et l’opulence de certains popes, qui posent problèmes. Tout comme dans les pays voisins à majorité orthodoxe, les accointances entre autorités civiles, surtout si elles sont considérées corrompues, et les religieuses, ne provoquent pas forcément une crise de la foi, mais de confiance.
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