J’avoue, toute vanité sirotée, que de retrouver mon nom en page 212 du très beau et volumineux (280 pages) catalogue de l’exposition consacrée par l’Historial de la Vendée à Georges Simenon, constitue la raison initiale de cette évocation. J’avais réalisé, voici une vingtaine d’années, divers entretiens avec des adaptateurs de G. Simenon au cinéma, et celui avec Bertrand Tavernier a été repris sur une double page. Cherchez en ligne les autres, vous trouverez. Fin de l’incipit.
Pour tout vous avouer, j’ignorais totalement que le créateur de Maigret avait séjourné en Vendée du 30 septembre 2011 au 26 février 2012… Euh, non, cela, c’est la durée de l’exposition aux Lucs-sur-Boulogne. Or donc, Simenon vécut, entre 1940 et 1945, à Vouvant, Fontenay-le-Comte, aux Sables d’Olonne, et en d’autres localités, sans doute pas en péniche, mais cinq ans quand même. Le temps de produire une quinzaine de romans, dont L’Aîné des Ferchaux. « Simenon, le Vendéen », conclut Bruno Retailleau, qui préside le Conseil général du Huit-Cinq. D’Outremeuse (à Liège) aux abords du Breton Pays de Retz et du Marais Poitevin, il s’écoule 24 ans pour Simenon, qui séjourne en Vendée brièvement en 1927.
De retour en 1940, cette fois pour y résider, changeant six fois de domicile (pourchassé par des maris jaloux ou des parents sourcilleux, allez savoir…), il va y concevoir maints récits, dont son premier autobiographique, Pedigree. Maigret, lui, avait déjà neuf ans (première apparition en 1931, dans Pietr le Letton). On sait que Simenon ne l’abandonna pas en pays chouan, avec sa première femme, Tigy, mais qu’ensuite il partit aux États-Unis et épousera Denyse Quimet. La suite suisse, avec Theresa, est connue, n’y revenons plus.
En fait, si vous ne vous y retrouvez pas, ou plus, consultez donc le très bon dossier de presse de l’exposition.
Les animations
L’exposition se double d’événements, cinématographiques notamment, et de conférences, dont celle, le 14 octobre, de Claude Gauteur et de Sylvette Beaudrot, qui était scripte sur le tournage de Le Chat (1970), auxquels je dois peut-être, vu le thème, « l’adaptation cinématographique des romans », de figurer dans le catalogue. Il y aura aussi un jeu de whodunit et des spectacles de théâtre, ainsi que d’autres animations.
Rien sur les pipes, qu’on verra à l’expo, celles en bruyère (et donc, aussi, celle de Bruno Cremer) en tout cas. C’est un peu dommage : une conférence sur les bouffardes, soit les autres partenaires multiples de l’écrivain, n’aurait pas manqué d’intérêt. Je ne sais si les enregistrements de sa voix diffusées dans le cadre de l’expo, notamment lorsqu’il dicte ses textes au magnétophone, marquent des pauses d’inspiration (au sens le plus large) et d’expiration (de fumée), mais le sujet mériterait d’être approfondi. Je me serai d’ailleurs bien vu dans la peau de Simenon pour une reconstitution de dictée. Mais cela m’y à part, l’exposition semble plutôt aussi exhaustive que possible. Je ne savais pas que Maigret avait sa statue aux Pays-Bas, que Simenon avait été croqué ou peint par Cocteau, Vlaminck et Buffet (avant, évidemment, qu’il n’en parte, à 86 ans, assurément des méfaits du tabac, nous assure-t-on, ce que ne relève pas Wikipedia qui le donne vivant, entre 1940 et 1945, non point en Vendée, mais en Charente-Maritime, en une « période, assez mal connue, sujette à de multiples soupçons » ; je viens de rectifier « et en Vendée ».).
Le Catalogue
Du coup, ayant rectifié la page Simenon de Wikipedia, j’ajoute en bibliographie : « Collectif, Georges Simenon, de la Vendée aux quatre coins du monde, Somogy éds d’art, 2011, catalogue de l’exposition à l’Historial de la Vendée.». Nous verrons bien si cela subsistera (en général, Wikipedia sucre ma ou mes pages, et considère que je ne suis pas assez congru et féru en mes domaines d’expertise, mais bon, je n’en tiens pas rigueur aux rédacteurs).
C’est un in-cékoidon, un 24,6×28 cm (aussi de 2,5 cm de tranche), dont on ne sait où il a été imprimé en Italie ? Dommage, l’ouvrage aurait mérité un colophon, de même, que sur le rabat de la une de couv’, il soit précisé à qui est due la photo de Simenon (prise en 1955, attribuée à la collection John Simenon). Ces deux petits chipotages mis à part, c’est une parfaite réussite. Beaucoup d’illustrations, dont celle de la machine à écrire Royal qu’utilisait Simenon en Vendée (par la suite, j’ai obtenu le modèle fabriqué en Allemagne, « sous supervision des troupes d’occupation », circa 1948, je le signale incidemment, faire offre…). Mais aussi celle la pipe en or lui ayant appartenu (était-ce une allusion à la teinte du silence pendant l’acte ?). Michel Simon lui en avait offert une autre, en bois et céramique, dont l’embout semble neuf (les centres d’intérêts privés de Michel Simon étant connus, on pouvait s’attendre à un autre cadeau de sa part). Les fac-similés de documents personnels, de couvertures de livres, d’affiches de films, mais aussi de cartes reportant les périples de ce très grand voyageur alternent avec des textes des meilleurs spécialistes. Plus de 500 illustrations. Rare.
Mais je vois que je ne parle que de pipes. Arrêtons de pétuner.
C’est bien sûr le chapitre de Christophe Vital, « La Vendée observée et la Vendée remémorée » (pp. 176-184), auteur par ailleurs de L’Agriculture en terre vendéenne (chez Somogy aussi), qui donnera aux amateurs de Simenon l’envie de se retrouver dans les pas du fumeur de… (bon, voilà que cela me reprend). Pas vraiment polémique. Juste cette remarque : « Était-il prisonnier ? » (en tout dernier paragraphe). La Vendée a été libérée et l’allié belge qu’est G. S. se voit-il toujours, à la Libération, obligé de pointer chaque semaine comme sous l’Occupation ? On ne le saura pas, pas davantage qu’un début d’explication n’est effleuré. En fait, c’est dans l’article de Benoît Denis, « Le tournant : la période vendéenne » (pp. 86-96), qu’il est mentionné : « il subira une mesure d’assignation à résidence de la part des nouvelles autorités locales issues de la Résistance. ». Peut-être parce qu’il avait cédé des droits d’adaptation à la Continental. C’est sans doute… effleuré. L’essentiel reste que la période vendéenne marque la mue, la transformation de Simenon, auteur populaire, feuilletoniste, journaliste, en très grand romancier.
Je ne suis pas spécialiste de Simenon, assez pourtant pour savoir que le personnage était vraiment complexe, assurément « hors norme ». Dix-huitième auteur mondial de par ses tirages (non, pas de…), écrivain prolifique, quatrième le plus traduit des francophones, créateur de plus de 9 000 personnages, ayant inspiré bien plus de 250 adaptations à l’écran (249 pour les Maigret), Simenon serait peut-être passé à la postérité tel un Balzac ou un Zola s’il s’était davantage impliqué dans la vie publique. Il aurait pu aussi laisser accoler son nom, laisse supposer Danielle Bajomée, qui emploie le terme de « contre-pittoresque » pour caractériser ses reportages, à un « nouveau journalisme » (proche d’un certain antijournalisme).
Ce catalogue n’intéressera pas que les spécialistes, mais aussi très certainement le profane, et lui donnera envie de prolonger cette lecture ; ce que Michel Schepens, simenonien compulsif, sait si bien transmettre, en évoquant les simenophages et les simenovores. Tiens, au fait, si plutôt que d’aller me réapprovisionner en tabac (non pas à…) en des terres lointaines, j’allais faire un tour en terre vendéenne ?
Exposition jusqu’au 26 février 2012, Historial de la Vendée, Les-Lucs-sur-Boulogne ; catalogue en vente dans les bonnes librairies (ou sur commande) au prix de 35 euros.
Bonjour
Vous pouvez aussi ajouter à votre article que tous les ans, a lieu le festival Simenon aux Sables d’Olonne.
Il y a aussi un lieu de rendez vous à ne pas manquer : la guinguette à deux sous.
Tous les ans Catherine et Dominique organise un vrai bal populaire dans la rue ; le succès est grandissant.
Ce festival se situe au mois de juin.
http://www.festival-simenon-sablesolonne.com/festival.php
Merci pour cet article.
Excellent! wwww.vendeeinfo.net