Hervé Gaymard, ex-ministre, député savoyard réélu et candidat à la présidence du groupe UMP, qui, comme Poubelle, a prêté son patronyme à un nom commun homonyme (un gaymard = 600 m² dans les beaux quartiers aux frais des contribuables), vient d’accorder un singulier entretien à Philippe Cohen, de Marianne. Selon lui, droitisé, l’UMP serait devenu « un pâté réduit à la cuisson ». Il y a des pains qui se perdent…

Candidat à la présidence du groupe UMP à l’Assemblée, Hervé Gaymard s’est fendu d’une lettre aux députés de son bord. C’est intitulé « Que faire de l’UMP ? » et le but est de décrocher on ne sait quelle fonction après le congrès de sa formation. Il résume son propos pour Marianne et considère que ce n’est que la ligne Buisson qui a perdu et Sarkozy et les élections régionales, cantonales, législatives (sans compter maintes municipales). Le bling-bling ? Oublié.

Au passage, on relèvera à ce propos que Valérie Tierweller se montre digne de Carla Bruni : François Hollande conservera, pour elle et des invités de marque, la somptueuse résidence de La Lanterne, confisquée à Fillon par Nicolas Sarkozy…

Gaymard estime que le non-Premier ministre Fillon et l’évanescent Juppé incarnaient, comme Henri Guaino, le « greffon séguiniste » de l’UMP sarkozyenne. Pas la moindre mention de Raffarin ou de Villepin… Ni du fait que Borloo, qui aurait pu l’incarner s’il n’avait pas été torpillé par Fillon et tant d’autres, fait désormais cavalier seul. Mais un Philippe Séguin aurait-il encore sa place dans l’UMP de l’après-Sarkozy ?
On peut franchement en douter. 

L’opération Gaymard, après le virage « droite seule » qui aurait fait déraper, s’apparente à un « centre droit toute » après la « reductio ad Frontis » du sarkozysme. Le député savoyard va même jusqu’à ne pas penser qu’il n’y aurait pas une filiation directe entre la Guépéou ou les Khmers rouges et le Front de Gauche : quelle audace !
Il se déclare opposé à s’accommoder du Front national au prétexte qu’on ne pourrait « tenir le même discours à des anciens pieds-noirs installés dans le sud et à des ouvriers devenus chômeurs du Nord. ». Oh, mais, que si, l’on peut : la Droite populaire comme la « sociale » de Wauquiez ne s’en sont pas privés.

Dans sa lettre, d’ailleurs, Gaymard parodie les termes de l’ex-députée-maire d’Aix-en-Provence. La gauche aurait « optiquement » gagné les élections législatives. Y compris dans des circonscriptions de l’étranger taillées sur mesure par l’UMP ? Et pas question de se montrer critique à l’endroit de Sarkozy, les lourdes pertes sont dues à l’abstention et à une « certaine démotivation » de l’électorat UMP. Démotivation certaine – voire franc dégoût – aurait été mieux venu et par endroits beaucoup plus conforme à la réalité.  

De nouveau, les députés UMP seraient « les plus légitimes » d’entre tous les représentants de la Nation. Car ils sont forts de davantage d’expérience. En effet. Gaymard, président de l’Office national des forêts, lot de consolation obtenu en 2010, cumule divers mandats dont celui, fort rémunérateur, de président du conseil général de Savoie, et diverses retraites ministérielles. 

Ce court texte de langue de bois est plus ou moins issu d’un fascicule éponyme qu’on trouvera sur le site personnel du candidat. Il y rappelait fort à propos ce mot d’André Santini : « vous sous-estimez complètement la violence de nos électeurs à notre égard. ». C’était au sujet de la dissolution voulue par de Villepin. Bizarrement, Gaymard s’y félicite de l’instauration d’un ministère de l’Immigration et de l’identité nationale : du moment que cela marche…

 

Il voyait pourtant juste : « il n’y a pas d’idéologie de droite à proprement parler » (outre que celle de la réussite et du profit personnels, aurait-il pu ajouter, pour une vaste majorité de celles et ceux s’en réclamant, chacun sachant « que les ambitions personnelles sont consubstantielles à la politique… ».).

En filigrane, bien sûr, s’inscrivait une critique voilée du sarkozysme : « l’art du politique, cédant devant l’instinct de démagogie et la dictature de l’instant qui sans cesse le menacent d’incliner à la lâcheté, en sortira définitivement dégradé. ». Gaymard estime donc que le retour à l’état antérieur est possible. Avec qui ? Les Balkany ? Une NKM totalement décrédibilisée par son numéro de girouette en tant que porte-parole du candidat Sarkozy ? Christian Estrosi qui estimait, le 17 dernier, que le sarkozysme n’est pas mort, ce qu’il vient de réitérer dans Nice-Matin Nicolas Sarkozy reste notre leader naturel ») ce 20 juin ?

Certes, dresser le bilan du mitterrandisme n’avait guère profité à Lionel Jospin. Mais se renier après cinq ans à jouer les godillots et les courtisans – sauf pour de très, très rares sénateurs et députés UMP – n’abusera pas grand’ monde. Le maire de Bordeaux, qui a joué les Juppé-bis aux Affaires étrangères (faisant fuiter ses désaccords, cirant les pompes de Sarkozy en conseil des ministres), abuse-t-il encore quiconque ?

D’ailleurs, c’est Christian Jacob qui a été réélu à la tête du groupe UMP. On a préféré l’original à la copie, soit Xavier Bertrand, qui avait peut-être inventé d’avoir obtenu téléphoniquement le soutien de Nicolas Sarkozy (en tout cas, Hortefeux dément).

 

Selon Anna Cabana, intervenant dans Le Point, un ancien ministre UMP lui aurait déclaré : « Nicolas, on ne l’aimait déjà pas quand il faisait gagner la droite, mais maintenant qu’il l’a fait perdre, on voudrait juste juste l’oublier… Arrêtez de nous parler de lui, s’il vous plait. ». C’est un peu tard.

On lira à présent Roselyne Bachelot-Narquin, dont le frère se présentait à la députation en allié du FN, dans À feu et à sang (Flammarion). Nicolas Sarkozy aurait « gâché ses chances ». Et celles de quelques députés du Maine-&-Loire où, après avoir tant posé en faisant la bise à l’ex-président, l’ancienne ministre a préféré sagement ne pas se représenter. Bachelot jouant sa Rama Yade, c’est tellement crédible ! Elle aurait préféré pomper les voix des homosexuels de droite et des immigrés ou ex-immigrés présentables et possiblement prébendés (tel Patrick Lozès, qui avait accepté une mission sur la lutte contre le racisme et le communautarisme sous Sarkozy). Quant à estimer que Xavier Bertrand ou NKM auraient « refusé toute compromission » (avec la ligne de Patrick Buisson), quelle blague ! Leur réélection s’est faite sur le fil du rasoir.

Dans le Grand Ouest, le vote Sarkozy n’a progressé que dans les cantons les plus fortement catholiques, voire traditionalistes religieux. Tout rétropédalage les offrira au FN. Même un Philippe Daubresse, ex-ministre sortant Un quinquennat si tranquille (L’Archipel éd.) fera encore longtemps figure de capitaine Haddock encombré de son sparadrap sarkozyen. Il voit d’ailleurs dans l’ex-président un recours, par défaut, en 2017.

 

Il faut fort, fort longtemps pour se faire oublier et en revenir à l’opportunisme de base, tel un Alain Madelin, ancien, comme Longuet, et tant d’autres, de l’extrême-droite. Même Thierry Solère, qui s’était maintenu contre Guéant, et que Jacob vient de réintégrer à l’UMP (alors que Solère qui n’avait cessé d’être accusé de faute grave) aura du mal à se débarrasser de son passé sarkozyste. Il n’y a peut-être que Chantal Jouanno qui pourrait, sans trop faire sourire, incarner le recentrage de l’UMP.

Jean-Michel Helvig a titré, dans La République des Pyrénées, « À l’UMP, la boîte à gifles est ouverte ». Plutôt celle à tapettes, et le « je te tiens, tu me tiens… » durera sans doute jusqu’à la veille des municipales et des autres consultations de 2014. Le « ni-ni » (trop pro-rapprochement avec le FN, trop social, trop libéral, trop… mais quand même assez) risque de perdurer un bon moment. Certains s’y tromperont eux-mêmes, mais tromper son monde à la mesure d’un Sarkozy n’est pas donné au premier venu, surtout s’il passe pour n’être pas né de la dernière pluie RPR puis UMP…