Cachez ce pétun que je ne saurais voir… Le Royaume-Uni (Angleterre d’abord, l’Écosse simultanément ou plus tard) va, dès avril 2012 dans les supermarchés, pas plus tard qu’avril 2015 pour les petites boutiques, bannir hors de la vue des consommateurs tout paquet de cigarettes, de cigares ou de tabac. Cela implique quoi ? De masquer la marchandise derrière des placards ou dans des tiroirs. En attendant mieux : les paquets de tabac, sous toute forme, quasi « génériques ».

Voilà des mois qu’il est question, en et hors d’Europe, de ne plus laisser apparente, sur les emballages des produits à base de tabac (cigarettes, cigares, tabac à pipe ou à rouler, &c.) que les mentions légales sous forme d’avertissement du genre « le tabac tue ». Mais après quelques autres pays anglo-saxons ou scandinaves, voici que le gouvernement anglais entend dissimuler tous ces produits de la vue des consommateurs s’approvisionnant dans des magasins. Déjà, dès octobre prochain, les automates distributeurs de cigarettes, fréquent dans les pubs, devront disparaître. Ensuite, dès avril 2012, au moins en Angleterre (et Cournouailles et Pays-de-Galles), les grandes surfaces devront dissimuler le pétun maléfique. Des dérogations sont cependant prévues en cas d’inventaire ou de « circonstances spéciales ». En clair, il ne faudra pas tirer un rideau pour recharger les tiroirs ou les placards. La mesure est déjà appliquée en Irlande et au Canada, en Australie (dans certains États) et en Islande. Il faudra, dès avril 2015, au moins en Angleterre, repérer les boutiques vendant du tabac : il n’est pas encore question de cacher les briquets ou divers petits accessoires.

Évidemment, les commerçants renâclent, tandis que les fabricants de mobilier adapté se frottent les mains. De même, que, bien sûr, les contrebandiers et les vendeurs à la sauvette, voire les contrefacteurs.

En Norvège, un tiers du tabac consommé proviendrait de l’étranger, ramené par des voyageurs ou introduit clandestinement. Pourtant, les saisies auraient doublé de 2008 à 2009. C’est à peu près la même chose au Canada, et cela fait le bonheur des réserves indiennes qui ne sont pas tenues d’appliquer la loi générale. En Australie, le tabac à rouler, vendu en vrac, a multiplié ses adeptes. En Irlande, selon Philip Morris, c’est plus d’un quart du tabac consommé qui est acquis sous le manteau. Et tant qu’à faire, les contrefacteurs ne se donnent plus la peine d’imiter les paquets légaux, frappés d’avertissements. Ces données sont bien sûr des estimations, hormis celles provenant des douanes, qui ne constatent que les quantités saisies.

Je finirai par me demander à quoi visent au juste ces mesures. À des fumeries clandestines, comme pour l’opium dans certains pays asiatiques ? À inciter les fumeurs de tabac à passer à d’autres substances ? Futur fumeur repenti pour la xième fois (mon record : cinq ans), devenir fraudeur le temps de me reprendre et de tenter, librement, d’arrêter de nouveau de fumer, ne me tente aucunement. Mais bon, puisque c’est pour mon bien que nos avisés dirigeants se mobilisent, que rétorquer ? Que le groupe de pression des fabricants de moquette est à l’œuvre ? Ces conjectures m’enlise en conjonctures, ou plutôt, inversement. Combien d’ongles meurtris en refermant un placard ou un tiroir ? Simenon, Tati, Eddie Constantine, revenez ! Et les « carottes » et autres enseignes, devront-elles disparaître aussi en France ? Bizarre, alors que j’en vois de moins en moins, les enseignes des pharmacies me semblent pulluler…