Impressionné… Combien étaient-elles et ils à la Bastille, dimanche dernier, à l’appel du Front de Gauche ? Je dirais cent mille, pour arrondir, mais en tout cas trois fois plus qu’espéré (30 000, selon l’organisation, la veille). Remarquable et même franchement remarqué par l’opinion et la classe politique. Melenchon devrait grimper logiquement dans certains sondages, et placer, sans trop avoir à négocier, nombre de communistes et de membres du Parti de gauche à l’Assemblée. Mais cette dynamique se maintiendra-t-elle ?
J’y suis allé en simple badaud, voulant voir, sur le tard.
J’en suis revenu sympathisant, pas forcément de Jean-Luc Mélenchon, dont j’ai apprécié le discours retransmis sur écran géant alors que la foule, enfin !, commençait à se disperser, mais des manifestants.
Ouf, dispersion, car j’avais eu, non peur, mais une très, très forte appréhension.
Une déferlante…
Habitué aux manifs et grands rassemblements, plus par profession que par goût, parfois par conviction (ainsi des dernières manifs pour les retraites…), j’ai vraiment craint le pire, la panique… sauf pour ceux réfugiés dans les rares arbres qui entourent la place.
Soit la conjonction d’une poussette d’enfant et d’un fauteuil d’handicapé renversés, d’une sorte de bousculade, alors que, même si nous étions prêts d’étouffer, tout le monde tentait de se glisser, qui vers les rues adjacentes, qui vers le Génie de la Bastille.
Jean-Luc Mélenchon avait des accents à la Malraux, et même parfois gaulliens, en insistant sur des « nous », gommant le « je ». Il a été plébiscité, sans forte ferveur pour sa personne, ce qu’il ne recherche pas, mais avec détermination, soit une véritable envie d’implication. La campagne, très pédagogique, du Front de Gauche, semble porter ses fruits auprès de gens de convictions.
Parmi les cent mille de la Bastille, sans doute maints électeurs du Parti socialiste et d’autres formations, qui n’ont pas forcément arboré des auto-collants, hormis peut-être celui frappé d’un simple orthographiquement fautif « égalitée » appuyant le discours féministe du candidat.
J’ai eu ouï dire de quelques rares tiraillements entre partisans du Parti de Gauche et membres du PCF ou des Jeunesses communistes.
Le PdeG ne voulait pas que soit trop manifeste ce qui le devint à la Bastille où les stands du PCF et des JC dominaient très largement.
Eh, c’est vrai qu’hormis les drapeaux bretons, les gwen a du, de rares emblèmes syriens ou palestiniens, et quelques autres oriflammes, les étendards rouges et blancs du PCF ont fini par dominer en fin de manif. Ce n’est pas plus mal qu’un PC de moins en moins « stal » soit revigoré.
Donc qu’il puisse compter des adhésions : ce mouvement a besoin de militants structurés, sachant organiser des événements, allant au contact de la population. Ce qui est aussi le cas du PdeG, qui s’attirera, au moins au-delà du second tour des législatives, des sympathisants plus résolus, moins dubitatifs, faisant fi d’un sentiment de résignation qu’avait su un temps canaliser et transformer Ségolène Royal…
Cela vaut ce que cela vaut : une consultation en ligne du Figaro donne à peu près 50-50 à la question d’estimer si le Front de Gauche est un mouvement durable, qui s’enracinera. Très certainement si Hollande était devancé par Sarkozy d’une très courte tête au second tour, plutôt assurément, en fonction des résultats aux législatives et d’autres mouvements de revendications unitaires. J’ai ressenti, chez mes interlocutrices et interlocuteurs, comme une nostalgie de Front populaire, y compris chez les plus jeunes pour qui cette époque n’évoque plus que ce qu’en ont fait les manuels scolaires depuis une quinzaine d’années, soit bien peu, tant une sorte de révisionnisme rampant a fait son œuvre.
Les deux formations n’ont pas tenté de profiter de l’aubaine pour se livrer à du recrutement et placer des bulletins d’adhésion, et cette foule souriante s’est fortement mélangée, les plus anciens ayant tourné la page d’un Programme commun perçu parfois comme la concrétisation d’un rapport de forces. C’est du moins mon sentiment d’observateur, y compris en lisant les commentaires de ce lendemain. À gauche, les sceptiques commencent à prendre Mélenchon, et cette vaste mouvance, très au sérieux.
« Place au peuple » : le slogan devient crédible.
La Bastille fait suite à Clermont-Ferrand qui fut aussi le temps de ce que Mélenchon qualifie de « fantastique communion populaire ». Avec des jeunes prenant conscience de « cette réalité ressurgie des nappes profondes de la culture politique de notre pays. ».
Face à l’idéologue du profit qu’est Sarkozy, Mélenchon répond idéologiquement. Ce n’est pas qu’habile. Bien sûr, il en profite pour obtenir le ralliement des plus à gauche des écologistes, mais il se gagne surtout une légitimité historique.
Ses partisans, du PCF, du PdeG, de la Gauche unitaire et surtout d’ailleurs, ont désormais le sentiment qu’un pallier est passé, qu’ils sont sur un marche-pied, qu’ils vont gravir une pente vers un sommet accessible. Cette gauche rouge-verte pourrait même séduire quelques « noirs » (abstentionnistes résolus, anarcho-j’menfoutistes et autres). Ses attaques frontales, relayées par des militantes et des sympathisants qui s’impliquent vraiment, pourraient même faire douter l’électorat populaire du côté du FN et de Sarkozy. Chapeau, l’artiste !
Le Front de Gauche ne va certainement pas tripler ses voix aux présidentielles comme la participation à la manif de la Bastille, mais il risque fort, qu’Hollande l’emporte ou pas, de s’inscrire dans le long terme, aux législatives et dans les élections locales. Les « votes de résignation » PS peuvent basculer.
Marine Le Pen commence peut-être à s’inquiéter pour sa troisième place. Il lui faut désormais dénoncer une collusion Sarkozy-Medef-Mélenchon (sur l’immigration) et travestir Mélenchon, fils de postier et d’institutrice, ancien prof de français en LP après maints petits boulots, en « grand bourgeois ». Bayrou aussi, dont les partisans sont aussi tentés par le vote « utile » (contre Sarkozy ou contre la gauche), peut se retrouver gêné par la montée de Mélenchon, surtout s’il parvient à convaincre des abstentionnistes. Cette campagne finit par devenir un peu plus intéressante. Merci à celles et ceux qui se sont déplacés de la Nation (sans moi) à la Bastille…
Je doit dire que je suis aussi de cet avis et surtout j’en suis heureux je crois aux idées de Melenchon pas toutes peut être mais en gros c’est aussi ma ligne politique.Alors que de tendance socialiste mais je les trouve trop mou.
Petite précision : si, à la Bastille, vers la fin, le PCF semblait plus présent que le Front de Gauche, et je l’estime sincèrement, les autres photos de la manif montrent une très forte présence du Parti de Gauche. Il est possible que des délégations des régions françaises aient pris la tangente avant d’arriver à la Bastille ou que je ne sais quelle raison m’ait suscité cette impression.
[i]Mediapart[/i] a eu la bonne idée d’interroger des gens n’arborant pas des auto-collants.
Beaucoup voteront Hollande mais voulaient participer au rassemblement.
D’autres étaient sans doute des gens ayant préféré l’abstention.
Le Front de Gauche, c’est le PCF et le Parti de Gauche, plus quatre autres organisations.
Lesquelles vont se poser la question : rejoindre le Parti de Gauche ou le PC, ou peser pour que le cartel reste à l’identique. Il se dessinera forcément quelque chose aux législatives.
[b]Ah mais quel beau dimanche revigorant!!![/b] 🙂 🙂 🙂
Jef, faut pas avoir peur de la foule…du peuple!!! 😉
Pour Jacques Monnet : répondu, je supprime le message (pas besoin de laisser traîner un courriel en ligne).
Pour Siempre : euh, si, on peut avoir peur de toutes les foules, quelles que soient leurs natures, en cas de très forte bousculade. Ce n’est certes pas des individus venus écouter Méluche que j’ai eu peur en tant que tels (vraiment sympa, ces gens souriants).
Je me souviens – antan – m’être retrouvé juché sur une barrière, derrière mon objectif, entre des gendarmes mobiles et des syndicalistes, a priori les uns et les autres plutôt bien disposés à mon égard, et rétrospectivement, j’avais eu chaud (mais quand on mitraille, on n’y pense pas).
Là, c’était vraiment impressionnant.
Je remarque qu’à la Bastille, les gendarmes mobiles se sont fait fort discrets et courtois, renseignant les gens un peu perdus dans le métro.
Allez, bonne soirée.
[quote]Je remarque qu’à la Bastille, les gendarmes mobiles se sont fait fort discrets et courtois, renseignant les gens un peu perdus dans le métro. [/quote]
C’est vrai et vrai aussi que la foule peut-être dangereuse, mais hier ,justement, on ne ressentait aucune tension…Encore une fois, ça fait du bien! 😉
Un rassemblement remarquable, très bien relaté par JLM, dans son blog
[url]http://www.jean-luc-melenchon.fr/2012/03/19/de-la-fete-aux-larmes/#more-11270[/url]
L’angoisse des mouvements de foule ;D ;D ;D
Ah ben, voui. Il y avait risque comme le raconte Mélenchon sur son blogue-notes :
« La place de la Bastille est pleine. Les avenues et les rues immédiatement adjacentes se remplissent. Les issues de dégagement de la place seront donc bloquées dans peu de temps. Le parcours jusqu’à Nation est toujours plein. Et la place de la Nation ne s’est toujours pas vidée ». Pour décoincer un système qui est déjà quasiment incontrôlable, il faut vider la place de la Bastille ou du moins la débonder. Trop de gens commencent à s’écraser sur les barrières, notre propre service d’ordre ne peut plus circuler, les véhicules de secours ne pourraient pas passer, il y a beaucoup d’enfants au milieu de la foule. Bref il y a danger. Je dois donc limiter la durée de mon temps de parole. « On pense qu’une fois que tu auras fini, les hymnes étant chantés, la place se videra. Ton discours étant filmé il pourra être diffusé une seconde fois quand la place se sera remplie une seconde fois. Mais là encore il ne faudra pas bloquer trop longtemps car la place de la Nation continue de se remplir » De cette façon le flux sera possible. J’approuve le dispositif qui m’est proposé. Je me suis donc adapté. Faire plus court que les trois quart d’heure de prise de parole prévue sur le format de notre premier meeting place Stalingrad en juin dernier.