L’Agence France-Presse rapporte qu’une campagne de presse mexicaine vise Florence Cassez, Française condamnée au Mexique à 60 ans de détention, dont le recours est actuellement examiné par la Cour suprême mexicaine. Ce n’est certes pas faux, mais il semble surtout que le régime spécial de la prisonnière pourrait lui avoir valu la jalousie de codétenues qui auraient été sollicitées pour la « cafarder ».

Quelles sont donc ces « activités illicites » ou « menées » dont se serait rendue coupable Florence Cassez à la prison de Tepepan, depuis six ans ? De quels « agissements coupables » s’agit-il ? La presse radiophonique ou écrite mexicaine reste fort floue sur leur nature.
El Dia a évoqué des rapports de renseignements du ministère de la Sécurité à ce sujet, W Radio a pu interroger des codétenues (pourquoi donc ?), et Impacto, Uno màs Uno, Ovaciones, selon la dépêche en espagnol de l’AFP, auraient repris les allégations d’« actividades ilicitas » que l’on imputerait à la Française.

Elle serait appuyée dans ces étranges menées par une certaine Kathinka Grabriela Solis Barrrera.
Mais la dépêche en espagnol, contrairement à la version française diffusée par Libération, précise aussi que Juan Carlos Buenrostro, ministre de la SSP (Sécurité publique), ignore tout de ces prétendus rapports de ses présumés services.

Affaire hautement sensible

Au G20 de Cannes, les représentants du Mexique auraient soigneusement évité des contacts avec leurs homologues français, afin de ne pas avoir à aborder le cas Cassez, rapporte Impacto. Pour les autorités mexicaines, et la présidence, le cas est jugé, et les pressions françaises sont malvenues. Florence Cassez a estimé ces accusations « totalement sans fondement » et orientées pour influer sur les membres de Cour suprême de justice. Il se trouve aussi que l’avocat de la Française est le député du Parti du Travail, Gerardo Fernandez Norona, qu’El Dia accuse de « monter un scandale politique contre de hauts fonctionnaires », notamment de la Justice et de la police.

En fait, les détenues anonymes seraient peut-être des surveillantes, si on veut lire entre les lignes d’Impacto. Les surveillantes s’émeuvent de ce que, du fait « d’ordres venus d’en haut », la Française puisse recevoir des visiteurs à toute heure ou presque, même en-dehors des jours de visite. Elle partage une cellule avec une certaine « Diana » bénéficie d’un traitement spécial et d’un régime de faveur. Le quotidien relève que, selon ce qu’il aurait appris, la table de F. Cassez au parloir serait « intouchable », qu’elle l’occupe ou non, et qu’avec Diana, elle évite tout contact avec d’autres détenues. Difficile, dans ce cas, d’inciter les autres à des « activités illégales » menées depuis la prison, ou en tout cas, fort paradoxal.

F. Cassez pourrait se promener librement partout dans la prison, mais suivie de loin par une celadora (surveillante). La Française devrait se soumettre à une demi-douzaine de déclarations écrites signalant qu’elle se porte bien, selon Impacto.

Contrefeux ?

Avant d’accuser la presse ou le gouvernement mexicain de partialité, peut-être conviendrait-il aussi de considérer l’hypothèse que les activités illicites dénoncées consisteraient à inciter d’autres détenues à faire état de diverses pratiques des surveillantes. Mais, si elle autant de fait isolée, on ne voit pas trop comment elle pourrait parvenir à convaincre des détenues de rédiger des rapports qu’elle transmettrait à l’extérieur.

Il serait farce que Florence Cassez reçoive la visite des 33 misses du concours Miss France. Alfred Rodiguez, président de la Chambre de commerce franco-mexicaine, a organisé, selon 24 Horas, une telle visite. Marcelo Ebrard, d’origine française, chef du gouvernement du District fédéral de l’agglomération de la capitale, les accueillerait en personne à Mexico. Une petite visite de beautés provinciales françaises agréerait-elle aux surveillantes de Tepepan ?

Car il semble bien que Florence Cassez ne sera pas libérée. Publimetro (l’équivalent de Métro) signale que les juges Carlos Hugo Luna Ramos et Ricardo Ojeda Bohorquez auraient rejeté les arguments de la Française. Diverses personnalités ont publié un communiqué faisant valoir que la Justice mexicaine « ne doit pas céder aux pressions diplomatiques ».

Pays dangereux à visiter

Ils sont un peu chauvins, les Mexicains. Quand la France alerte ses touristes pour leur dire d’éviter de visiter certaines villes mexicaines, ils mettent cela sur le compte de l’affaire Cassez. Ils ne lisent donc pas leur propre presse ? Genaro Garcia Luna, le ministre mexicain de la Sécurité publique, était aux manettes lors de la très spectaculaire arrestation de Florence Cassez. Il est très protégé, ce monsieur, pas vraiment ses policiers, officiers, gradés ou gardiens de la paix.
Tenez, au menu d’hier du quotidien El Universal, pour l’ensemble du pays, hors district de la capitale (là, c’est recensé ailleurs), voyez un peu le nombre de meurtres.
Elle avait 4 ans, la fille du commandant de la police de Chihuahua (voir aussi en commentaires). Trois autres meurtres dans un autre district, 300 tirs de balles lors de l’attaque d’un élu de Mazatlan (pas de touriste tué par mégarde), une attaque contre un autre policier, un militaire accusé d’avoir assassiné un jeune à Chihuahua (encore), deux jeunes tués de sang froid à Ciudad Juarez. Ah, et puis, un ancien directeur de la Sécurité du Nouveau Léon,
Aldo Fasci Suazo, a été visé. Un policier est mort, une femme est gravement blessée.
Pas mal pour une journée ordinaire, non ?

Eh, si le tourisme se meurt à Acapulco, ce n’est pas la faute du ministre de l’Intérieur mexicain, ni des tirs incessants, c’est à cause du ministère des Affaires étrangères.

Celui des Français, évidemment, revanchards depuis Camerone, sans doute ? J’avais visité, voici deux décennies (ou plus, oublié…), la Baja California. C’était plus calme qu’à présent. J’avais une voiture de location étasunienne, mais pas reluisante (rent a dent, louez un tacot), ce qui m’avait évité de me faire rançonner par la police (ce qui était – voire reste ? – pratique courante). Là, franchement, même si des amis québécois ont vécu au Mexique un bon semestre sans avoir d’ennuis, je me demande si la Libye n’est pas une destination plus paisible. C’est dire.