Finirons-nous tous comme Mayotte ?

Référendum. Craignez ce mot ! C’est très démocratique, dit-on. C’est même la démocratie directe, enseignent les juristes. Seulement, il est dangereux pour le futur de l’Afrique. Tout indique que c’est en effet par le truchement du référendum que le serpent de la colonisation entrera à nouveau dans la maison Afrique.

Le premier acte de cette stratégie de la recolonisation de l’Afrique s’est joué le 29 mars dernier à Mayotte. Cette île, qui compose avec la Grande Comore, Anjouan et Mohéli (et quelques îlots) l’archipel des Comores, a été « victime » d’un référendum organisé par la France. Appelés à se prononcer sur la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en collectivité unique appelée département, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et régions ? », les braves Mahorais ont répondu massivement oui.

Mayotte a ainsi consacré son refus de l’indépendance et sa soumission totale à la France, dont elle sera, à compter de 2011, le 101 e département et le cinquième département français d’Outre mer (Dom). Il s’agit donc, en l’occurrence, d’une victime consentante, si l’on se fie au formalisme démocratique mis en oeuvre pour cette opération de rapt. Car, il s’agit bien d’un coup fourré. Si l’Allemagne nazie s’était rendue célèbre avec son concept de blietzkrieg (guerre éclair), la France apporte à la civilisation une géniale trouvaille : le référendum en catimini. Tout a été fait de façon démocratique. La preuve, les associations de défense de la démocratie et des droits de l’homme, qu’on a coutume d’entendre sur tout et rien, n’ont rien trouvé à redire. Confiance totale en l’autorité du coin installée par la puissance occupante française. Partis politiques, associations, syndicats, tous étaient d’accord pour dire oui. Dans les médias, il n’y avait place que pour le oui. C’était antidémocratique de murmurer non.

D’ailleurs, qui l’aurait répercuté ? En métropole, les grands démocrates avaient décrété un « circulez y a rien à voir. C’est une affaire des seuls Mahorais . » La France, qui occupe cette île en dépit d’une vingtaine de résolutions des Nations unies rattachant Mayotte aux Comores, a aidé matériellement, psychologiquement les Mahorais à dire oui à la sécession avec les Comores. Aux quelques voix éparses qui se sont inquiétées de cette départementalisation, les bien-pensants français ont répondu invariablement que les Mahorais étaient assez majeurs et intelligents pour savoir où se trouvaient leurs intérêts. Ces intérêts, parlons-en. Les Mahorais n’aiment pas entendre dire qu’ils auraient voté oui à la dépendance envers la France juste pour bénéficier des aides sociales, du revenu minimum d’insertion, de la Sécurité sociale, etc. bref, il se serait agi d’un oui alimentaire. Après tout, il faut bien manger quelque chose, et ce ne sont pas ces voisins misérables d’Anjouan qui pourraient leur fournir le pain.

Mayotte a donc fui la pauvreté des Africains dans l’espoir de goûter à la richesse du colon français qui racheta jadis le territoire à un sultan affairiste pour une rente de 5 000 par an. Sékou Touré disait préférer la liberté dans la pauvreté à l’abondance dans l’esclavage ? Les habitants de Mayotte ne se reconnaissent guère dans cette philosophie. C’est donc à cause de la pauvreté de l’Afrique que Mayotte a choisi « volontairement » de tourner le dos au continent et rester esclave de la puissance coloniale. Il se dit aussi que c’est également en raison de l’instabilité permanente des Comores, à l’image d’une bonne partie de l’Afrique que les Mahorais ont choisi un tout autre destin. Or que faire, quand un peuple décide de se mettre des chaînes aux pieds ? Doit-on, peut-on faire le bonheur d’un peuple contre son gré ? Tous les hommes cherchent le bonheur, même ceux qui vont se pendre, professait Pascal. Les Mahorais qui se sont enchaînés à la France cherchent donc le bonheur, et en sont même contents.

Tant mieux pour eux. En tout cas, il faut espérer pour eux qu’ils n’ont pas pris des vessies pour des lanternes. Car, souvent, en croyant fuir le malheur de façon indigne, on en rencontre pire. Que les Mahorais choisissent un statut que les autres DOM rejettent n’est pas bon signe pour Mayotte.

Il se peut que, dans vingt ans, trente ans, peut-être moins, ils se rendent compte que les promesses de la France n’étaient que mirage et abandonnent ce statut de privilégiés par rapport aux voisins, mais de sous-Français traités avec mépris par les « vrais » Français de métropole. Il n’y a toutefois pas lieu d’abandonner Mayotte à son sort. Car c’est l’avenir de l’Afrique qui est en jeu. La France a amplement profité, encouragé, voire suscité et financé des actions de déstabilisation des Comores pendant plus de cinq décennies, ce qui a eu pour conséquences de créer le chaos et de paupériser les habitants de l’archipel.

Pendant que Bob Denard était actionné pour ces basses besognes, les Français installés depuis le XIXè siècle à Mayotte organisaient la séparation de l’île d’avec ses voisins, y injectant des aides financières diverses qui ont rendu l’endroit plus paisible et moins pauvre qu’alentour. Du coup, les Comoriens fuyant la misère se sont rués à Mayotte, jusqu’à ce que le visa « Balladur » soit mis en place en 1995 pour faire des autres Comoriens des clandestins à Mayotte. Nous risquons tous, en bien des endroits en Afrique, de finir comme Mayotte : départementalisés ! On crée et on entretient le désordre dans nos territoires, puis on crée une enclave où il fait mieux vivre, puis on y organise un référendum pour savoir si les populations veulent continuer à vivre ce bonheur ou finir misérables comme les voisins. Après les entreprises de « somalisation « des États africains, voici venue l’ère de la « mayottisation ». Gare aux îles du Cap-Vert que l’Europe et l’Otan lorgnent. Gare au golfe de Guinée où de mystérieux groupes veulent s’approprier des territoires. Gare aux îles Bijagos, au large de Bissau, où les narcotrafiquants sudaméricains dictent leurs lois et sont acclamés par les occupants qui leur versent quelques narcodollars…

Le 29 mars, jour de « bonheur » pour les Mahorais, jour de deuil pour l’Afrique amputée d’un morceau de son territoire, dans l’indifférence quasi générale. La France a achevé, sans tirer le moindre coup de feu, le travail de sape de Bob Denard.

Honte à nous.


Par Valentin Mbougueng
Dépêché par So. Hwoussewesso

3 réflexions sur « Finirons-nous tous comme Mayotte ? »

  1. « jour de deuil pour l’Afrique amputée d’un morceau de son territoire »

    depuis quand Mayotte était-elle Africaine ? selon quel critère ? mes vagues souvenirs sur les plaques tectoniques me disent que Mayotte est indienne.
    bref, quelle imposture de ces africains de croire que Mayotte leur revient… quelle vision archaïque du Monde…

    plus sérieusement, le droit d’autodétermination des peuples leur donne aussi le droit à se rattacher à un pays autre. peut-être qu’un jour Mayotte changera de camp…

    maintenant je ne peux m’empêcher de penser que les Mahorais ont privilégié le rmi et autres avantages à la perte des « privilèges » de l’Islam dont faisait partie la polygamie légale encore dans ce pays.

  2. Pour info:[quote]L’archipel des Comores forme un ensemble d’îles situées au sud-est de l’Afrique, à l’est de la Tanzanie et au nord-ouest de Madagascar. Elles sont partagées entre un pays indépendant, l’Union des Comores, et Mayotte, une collectivité d’outre-mer française de fait. Cette présence française aux Comores a été condamnée à plusieurs reprises par la communauté internationale. Selon les sources, l’îlot du Banc du Geyser et les îles Glorieuses peuvent ou non être rattachées à l’archipel.[/quote] WIKIPEDIA.

    Que vient faire l’INDE par ici ? Revoyez votre géographie, Berton.

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