Adaptation du livre de Philippe Djian « oh », « Elle », le premier film français du néerlandais Paul Verhoeven n’a pas été retenu au Festival de Cannes malgré le très bon accueil qui lui a été réservé. Porté principalement par Isabelle Huppert qui campe le rôle d’une Michèle, femme d’affaire divorcée, mère d’un jeune Vincent, (Jonas Bloquet), assez simplet . Depuis que ce dernier s’est empêtré dans une histoire qu’il prend pour une douce romance, Michèle vit seule dans sa grande propriété.
Ambitieuse au caractère trempé, elle est à la tête d’une entreprise de jeux video qu’elle dirige d’une main de fer. Paul Verhoeven donne d’emblée le ton du film : fond sonore angoissant, écran noir d’où jaillit une scène sordide. La vie de Michèle vient de basculer avec le surgissement d’un inconnu cagoulé qui la viole dans sa cuisine en lui assénant des coups d’une violence à glacer dans les veines le sang des spectateurs ! Après l’agression, Michèle se remet aussitôt debout au sens propre et figuré du mot. Perchée sur ses grands talons, elle ne court pas au commissariat du coin, elle passe juste un simple coup de balai avant de prendre un bain et de se commander des sushis. Sans doute par instinct de survie, son curseur mental est passé de la position victime à à celle de battante, et la voilà qui se lance en solo dans la traque de ce violeur qui la matraque de textos obscènes.
Entre Elle et le sang, il y a une sorte de magnétisme comme en témoigne ses fantasmes et surtout les jeux vidéo où d’après ses mots d’ordre, sang et violence doivent être de la partie. Tout comme en témoigne la liaison dangereuse qu’elle entretient avec son violeur. Paul Verhoeven semble se délecter de mettre à nu les travers humains à travers sa caméra : perversité, hypocrisie, sadisme, vices… La famille en prend pour son grade et pour cause entre un père qui s’est rendu coupable des pires horreurs, une vieille mère volage, un fils candide, Michèle traîne un héritage lourd à porter dont les incidences en filigrane sur sa vie ne manquent pas. Loin d’avoir le monopole de ces tares, les autres personnages du film ont presque tous une propension inavouée, inavouable, à la transgression. Alors que les hommes obéissent à des pulsions du genre « baupiniste »en puissance, les femmes, non moins perverses, font de la manipulation leur art de prédilection. Même Rebbeca, (Virginie Efira) animée par une foi inconditionnelle n’est pas exonérée dans cette satire. D’ailleurs le monstre de père de Michèle se voulait également très pieux. Comédie humaine où souvent humanité rime avec animalité…
Du début jusqu’à la fin, la tension est omniprésente et atteint son paroxysme avec la séquence viol sur fond de musique appropriée, à laquelle nous avons droit bien plus d’une fois, entre celles subies et celles que Michèle revisite mentalement avec ou sans remaniements. Même s’il y a moyen de deviner assez précocement le nom du violeur, le suspense est bien entretenu au point parfois de faire douter de nos certitudes. Savamment dosé, l’humour qui sous-tend le film permet de casser un peu le climat assez dérangeant que crée cette situation propre à apporter de l’eau au moulin des partisans de circonstances atténuantes pour les violeurs. Et dire que ce film est interdit juste au moins de 12ans. Pour les treize, quatorze ans ou un peu plus, l’entrée est autorisée malgré un impact désastreux sur des jeunes.
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