Fahrenheit 451 de François truffaut.
Le film de 1966 est l’adaptation cinématographique d’un roman de Ray Bradbury publié en 1953. Fahrenheit 451 est la température à laquelle brûlent les livres, et ce titre donne d’entrée le ton du film.
La place du double
La figure du double marque le film. Linda et Clarisse sont deux femmes qui se ressemblent énormément physiquement (en réalité il s’agit de la même actrice). Seulement physiquement : Linda est la femme de Montag, un soldat du feu. Celle-ci adhère totalement au régime totalitaire en place qui brûle les livres. Clarisse, au contraire conteste avec douceur la plupart des lois en vigueur. Montag lui se présente comme un personnage à double personnalité. Au début du film il se trouve du côté de Linda et à la fin du côté de Clarisse. De ce fait, au milieu du film lui aussi se positionne dans un entre-deux, essayant d’être du côté du gouvernement avec Linda, et du côté des livres avec Clarisse. Il y a ce doute identitaire de Montag, une ambivalence des identités et des sentiments. La figure du double se présente aussi dans des oppositions nettes : les gens qui se placent du côté du gouvernement et qui adhèrent au système de médias manipulateurs qui passent par la télévision, et il y a les autres qui se placent du côté de l’émotionnalité avec les livres. Soit une opposition délateurs-adhérents/opposants pacifistes.
Des personnages déshumanisés par la violence
Le montage est nerveux : le montage alterné est beaucoup utilisé. Pour tout ce qui touche de près ou de loin au régime les décors sont froids, modernes mais rien ne traîne, pas de place au désordre ou à la fantaisie. La musique est stridente : les voitures de pompiers hurlantes. Le noir et le rouge sont omniprésents, et témoignent d’une violence encore accentuée par la présence forte de la ligne, ligne qui tranche, découpe. Tout cela, accentuant le caractère oppressant du système, les gens sont contrôlés, manipulés, quasi téléguidés. En brûlant les livres c’est la pensée qui disparaît. Et surtout la faculté de penser, de remettre en question qui est évacuée afin de faire de la population des robots. C’est le côté sensible, émotionnel que la tyrannie gomme. C’est donc la vie qui s’efface. Fahrenheit 451 n’est pas sans nous rappeler le passé Nazi, ceux-ci brûlant les livres. Il nous amène alors à penser le poids des mots, leur pouvoir. Que sont-ils? Qu’est-ce que la pensée? En quoi nuit-elle à un régime qui se veut totalitaire ? Il nous permet aussi de penser la vie, son sens dans un monde coupé du langage et donc de la même façon coupé de toute communication entre les individus, de toute sensibilité, émotionnalité, ressenti? Coupé de l’acte d’aimer, en quelque sorte.
L’espoir du film
Dans ce régime totalitaire d’une tristesse absolue, la fin du film apporte une note d’espoir. Les hommes-livres représentent une image forte, magique, magnifique de la transmission de l’art et du savoir. L’objet livre meure, seul le texte demeure. Le film nous parle alors de résistance passive, ce qui est beau c’est de se dire que face à l’oppresseur la pensée résiste. La pensée, la sensibilité sont intemporelles et malgré l’endoctrinement, peu importe à quelle époque dans quel contexte, il y aura toujours une force de la pensée, de l’analyse pour se révolter et conserver ce qu’elle a acquis. L’image également de cette forêt retranchée du monde, dans laquelle vivent ces personnifications littéraires est très belle. Cette forêt c’est le foisonnement de la pensée, tous ces mots en désordre que sont les livres, la littérature, c’est cette résistance face à l’endoctrinement, au minimalisme intellectuel, à la dureté psychologique, et la mort de l’émotion du régime totalitaire. La forêt c’est la vie tout simplement, une métaphore de la littérature en soit.
« Fahrenheit 451 est la température à laquelle brûlent les livres »
C’est plutôt la température de combustion du PAPIER !