Bien sûr, toutes les œuvres de l’exposition Fakes, du 16 oct. au 28 nov. 2010 à la Folie Wazemmes (Lille), n’ont pas la puissance de celles qui les ont inspirées. Certaines approches résolument ludiques, insufflées peut-être par le facétieux commissaire de cette exposition, Jean-Luc Tachdjian, n’ont parfois qu’une portée anecdotique. N’empêche : ces faux sont aussi des prolongements plus audacieux (question d’époque) que leurs références originales. À noter que cette expo se double d’une autre, sur le courant de la figuration spéculative, dont Jiji Tachdjian est l’un des tenants.

Raté. Débordé, j’ai renâclé un peu trop à faire le trajet Paris-Lille-Paris pour le « vernissage festif » des deux expositions concoctées par Jiji Tachdjian, dit El Rotringo, ce vendredi 15 octobre, à la Folie Wazemmes. On procrastine et l’heure passe, les tâches urgentes s’accumulent. Je pensais me rattraper sur le site fakeyou.org que Tachdjian avait ébauché voici quelques mois. Le problème est que Jiji lance des tas de sites, et passe (trop ?) rapidement à un nouveau projet, une nouvelle création, souvent pour d’autres que lui, et tout autant altruistes. En fait, c’est le mécène le plus fauché de l’histoire du mécénat depuis bien avant les Médicis. L’un des plus foisonnants aussi. L’ébauche à peine esquissée de ce site donnera peut-être lieu, un jour, à un rassemblement puissant. En attendant, il faut aller à Lille…

 

Or donc, tout d’abord, la figuration spéculative. Un courant visionnaire, franchement mis sous le boisseau quand il n’était pas carrément réprimé (en ex-Union soviétique, en ex-RDA, par exemple). Il a eu quelques prolongateurs, comme on dit des câbles s’alimentant aux prises de courant, et on retrouve chez Tachdjian l’inspiration d’un Heinrich Weberin. « Ces travaux novateurs ne sont qu’une infime partie de ce geyser d’idées neuves que cette poignée d’artistes frondeurs ont tenté de défricher. Hélas! Ils figureront au panthéon des disparus de l’art du XXe siècle comme les inédits de Picasso ou le fameux récipient à farine de Salvador Dali, » dit-on d’ici et de là. Je n’en crois rien. En tout cas de la seconde assertion : l’époque se meut vers les vaches maigres et elle se nourrira aussi de ce lait-là, Leila…

 

Fakes : œuvres d’Anef (Anne Faucher), Stéphane Blanquet, Michèle-Anne-Dix, Sophie Dutertre, Nathalie Ficheux, Antonio Gallego, José-Maria Gonzalez, Daniel Guyonnet, Eric Heilmann, Laurent Petit, Knapfla, Koa, La Chrixxx, Yann Legrand, Chloé Poizat, Rocco sans ses frères, The Pit, Ymer Tragga et XXX Prods, et peut-être Zizi Panpan (sollicité, mais donnant trop souvent de la tête chercheuse de part et d’autre au point de n’être jamais là où on l’attend).

 

‘Videmment, il ya trop plein d’interrogations maintes fois comblées par des discours sur le plagiat des GIA (a-grouppements internationaux artistiques), la copie conforme détournée subtilement en c’essais incessants, l’hommage au mages, &c. Fakes fait « La Part des faux ». Au marteau. Piqueur. « En cassant le code de l’image, on bouscule la conviction ». La pièce est démontée. « N’est-ce pas le rôle des artistes ? ». Si fait, si fait, ma bonne dame (qui passe trop souvent, en niveleuse, après le fonceur).

 

Un mot, pas si obligé (mais vous m’obligeriez, la prochaine fois, à m’y convier), sur la marraine, la Ville de Lille, et la Folie Wazemmes. Copié-collé : « Depuis plus de quatre ans, la maison Folie Wazemmes abrite une imprimerie offset, outil d’expérimentation artistique de Jean-Jacques Tachdjian, artiste alter-graphiste et fondateur de (…) La Chienne. De cette machine imposante sont sorties des tonnes d’imprimés, témoins de la recherche continue de Jean-Jacques et de sa jubilation à faire de l’offset d’hier (Ndlr. une Heildelberg) une technique artistique de demain. Maîtriser et détourner une presse offset dans le but de permettre aux artistes d’aller au bout de la maîtrise de leur travail, voilà pourquoi La Chienne (Ndlr. une 1901 plus récente), en tant qu’association éditrice de travaux graphiques, s’est dotée en 2006, en partenariat avec la maison Folie Wazemmes, de sa propre imprimerie : la Machi(en)ne. » J’apprécie fort cet « en tant » utile qui élide un « comme à la gomme ». Cette « folie » est une ancienne filature de lin érigée en 1850. Du lin à la ligne. Du linge aux langes de l’art de demain.

 

De l’art au culte, ainsi va la Faucheuse (Anne Faucher, Anef) au faux cher (non, là, c’est purement gratuit). Blanquet s’est plagié lui-même. Michèle-Anne Dix, dite Michelle-Ann Je, comme Otto II, a pratiqué les Arts modestes de Sète. Elle est aux lettristes ce que les chiffristes en friche ne sont pas encore à eux-mêmes. Bon, vous imaginez les vaseuses que Duthoit aurait pu m’inspirer, Ficheux me ficeler, et comme je n’ai rien trouvé pour Knapfla et d’autres, j’ai préféré renoncer. Vous y échapperez. Autant tenter l’escapade vers la Folie vous-mêmes. C’est de la « faux lie », du nanan.

 

Pour les locaux, il y a aussi un local d’atelier sérigraphique, un autre de vidéo, et pour les ch’tits n’enfants, un autre de « sensibilisation » : guili-guili artistique. Si cela vous chatouille ou vous gratouille, vous saurez vous y rendre.

 

C’est rue des Sarrazins (ceux des galettes blé noir), et les stations Wazemmes, Gambetta ou Montebello la desservent. Vous pouvez aussi obtenir d’authentiques dédicaces du démon du courriel en vous adressant à Jiji Tachdjian à « laniche », chez lachienne (.com). L’entré est total gratuite, et profitez des grèves pour prendre les Thalis d’assaut (pour des Rafale de chez Dassault, c’est tentant, mais ardument able).