Eva Joly ou la preuve en personne que pragmatisme et idéalisme ne sont pas inconciliables

Aujourd’hui, Eva Joly est une des nouvelles voix d’Europe Ecologie. Demain, elle sera très probablement candidate à l’élection présidentielle. Mais auparavant, cette franco-norvégienne de 67 ans a été magistrate, juge d’instruction au pôle financier de Paris, pôle qu’elle a d’ailleurs contribué à créer à la fin des années 80.

Son parcours hors norme donne de l’espoir à tous ceux qui veulent croire qu’on peut être et faire ce que l’on décide. C’est un des éléments que l’on retient en refermant son livre autobiographique "Est-ce dans ce monde là que nous voulons vivre ?" paru en 2004 aux Editions Les Arènes et dans lequel elle revient en partie sur l’affaire Elf.

Née en Norvège, elle est plus familière des champs (ses ancêtres cultivaient les groseilles) et des quartiers populaires (son père était ouvrier dans une usine), que des villas cossues de la haute-bourgeoisie qu’elle va côtoyer en France. En se mariant à un médecin d’abord, au grand dam de sa belle-famille qui l’avait embauchée comme jeune fille au pair, en mettant en garde à vue PDG, ministres et membres de conseil constitutionnel, ensuite !

D’études plus poussées (elle les reprend ainsi en cours du soir et fait son entrée dans la magistrature assez tardivement, à l’âge de 38 ans) en expériences plus enrichissantes, Eva Joly n’arrêtera jamais d’apprendre.

Lors de la décennie que dure la tentaculaire affaire Elf, elle découvre un univers effrayant : celui de la corruption, de la collusion entre hommes d’Etat et hommes d’affaires, du financement illicite de partis politiques, de flux financiers opaques transitant de divers trafics répréhensibles couverts par les intérêts soit-disant supérieurs de la diplomatie.

Envers et contre tout, moyens matériels désuets, cambriolages, fuites d’informations préjudiciables à son instruction et à sa carrière, intimidations via menaces de sanctions disciplinaires et menaces de mort, solidarité toute relative du Parquet et du Ministère –jusqu’aux bâtons dans les roues mis pour retarder au maximum la parution de l’ouvrage en question ici- Eva Joly va jusqu’au bout de ce qu’il est raisonnable de faire. Des vérités sont dévoilées au grand jour, quelques emprisonnements ou démissions s’ensuivent mais dans le fond, peu de changement et encore beaucoup de couvertures et de parachutes en coulisses.

Réellement en danger de mort (on croit « rêver »… ou cauchemarder plutôt… on est bien en France…) et épuisée, elle fuit en Norvège en 2001 en acceptant une mission que lui a proposée le gouvernement de son pays natal : devenir conseillère spéciale pour élaborer les pistes d’une régulation internationale contre la délinquance financière !

Un rôle qu’elle joue tellement bien qu’il n’est pas illogique qu’elle investisse désormais le terrain de la politique,  pour re-moraliser toutes ces branches, finances, justice, diplomatie, affaires, dont on oublie un peu trop facilement et lâchement que derrière elles, il n’y a que des hommes. Eva Joly nous prouve ainsi que l’utopie peut et donc doit gouverner le pragmatisme.

 

A nous tous, citoyens, consommateurs, de prendre les bonnes décisions, de se redonner une place d’acteur en choisissant les bons projets de société, ceux qui remettront de justes lois à de justes places à mettre en oeuvre avec de justes moyens : nos impôts doivent servir à ça !