Coup dur pour le gouvernement portugais. La cour constitutionnelle a retoqué des mesures d’austérité visant les retraités et les fonctionnaires. Du coup, le Premier ministre Pedro Passos Coelho annonce des coupes sombres dans les budgets de l’Éducation, de la Santé et de la couverture sanitaire sociale. Mais, pour contourner la décision de la cour, il aurait été un temps envisagé de régler un mois d’émoluments et de pensions de retraites avec… des bons du Trésor public. Une manière de forcer l’épargne, et de privilégier la dette intérieure pour avoir moins recours aux marchés financiers.
Sur le papier, ce qui s’est produit à Chypre revient à forcer des déposants à troquer des liquidités contre des actions qui, à terme, pourraient rapporter un peu davantage que ce qu’offrent les taux bancaires. Mesure autoritaire, certes, mais, théoriquement au moins, ne représente pas une spoliation pure et simple.
Pour se désendetter vis-à-vis de l’étranger, les gouvernements ont longtemps fait appel à des emprunts patriotiques (notamment en temps de guerre) ou en incitant les citoyens à souscrire des obligations et bons du Trésor public. Cela peut conduire à la ruine des épargnants (comme entre les deux dernières grandes guerres) ou les enrichir, comme ce fut le cas de l’Emprunt Giscard, qui coûté davantage à l’État que le remboursement d’une dette extérieure.
Avec des taux de 6,6 % actuellement, l’État portugais creuse sa dette extérieure alors que, en France, les taux sont faibles et même négatifs en Allemagne.
The Wall Street Journal a indiqué hier soir que le gouvernement portugais avait tenté de contrer les décisions sa cour constitutionnelle, qui bloquait la suppression des primes aux fonctionnaires, la non-revalorisation des pensions de retraite, et une diminution des aides sociales (pour les chômeurs, ou pour raison de santé). Le dispositif envisagé aurait consisté à verser un mois de retraite ou d’émoluments des fonctionnaires en bons du Trésor.
Il en a été décidé autrement et le Premier ministre Coelho, dans une allocution télévisée, a indiqué que les décisions de la cour ne seraient pas compensées par une nouvelle hausse des taxes et impôts mais des restrictions budgétaires sévères dans les domaines de la fonction publique (et entreprises assimilées, comme celles des transports publics), notamment dans ceux de l’Éducation et de la Santé.
Il n’empêche : régler des dépenses en émettant des sortes de stock options gouvernementales (l’émission de bons du Trésor ou d’actions revient d’une certaine manière à cela) est-il un dispositif confiscatoire ?
Une chroniqueuse du WSJ, Katie Martin, a même émis l’idée que les « eurocrates » pourraient être rétribués en dettes souveraines des pays européens dans le besoin : si cette dette « est aussi solide que l’immobilier, pourquoi pas ? ». Bref, on prendrait ainsi les technocrates bruxellois ou de Frankfurt au mot.
Le Portugal, dont les prévisions de croissance annoncées étaient positives mais fallacieuses, puisque le pays fait face au mieux à une stagnation (on prévoit plutôt une récession supérieure à deux pour cent), s’est vu fixé un objectif de déficit budgétaire de 5,5 % cette année (ce déficit a représenté 6,4 % du PIB l’an dernier, mais le total de la dette dépasse 123 % du PIB).
On peut se demander qui, du gouvernement portugais, ou de la Troïka, a écarté la possibilité d’émettre des bons du Trésor pour compenser le non-versement de primes aux fonctionnaires ou la non-revalorisation des retraites. Peut-être que de limiter la portée de la mesure aux rémunérations supérieures de la fonction publique aurait donné un mauvais signal : si cela se faisait au Portugal, pourquoi pas dans d’autres pays, y compris ceux plus prospères que d’autres ?
Et pourquoi ne pas aussi régler Christine Lagarde, du FMI, pour partie en obligations souveraines des pays qu’elle assure remettre sur le bon chemin de la rigueur budgétaire ?
Le gouvernement portugais peut décider des coupes budgétaires, mais sa marge de manœuvre est faible : rétribution des fonctionnaires (environ 29 % du budget) et pensions de retraite (à peu près autant), tendent à grimper à 60 % de ses charges.
Du côté des bonnes nouvelles, on remarque que la Russie donne de l’air à Chypre, concédant une baisse d’intérêts de sa créance (2,5 contre 4,5 % précédemment) dont le remboursement sera rééchelonné jusqu’à 2021 (soit cinq ans après l’échéance initiale).
Jacob Lew, le ministre étasunien des Finances, qui veut sans doute favoriser les exportations des États-Unis vers l’Europe, suggère aux gouvernements européens de mettre la pédale douce sur le frein de l’austérité. Il faut « soutenir la demande », a-t-il confié à Jose Manuel Barroso à Bruxelles.
C’est ce que fait le gouvernement hongrois : il a fait adopter à la banque centrale hongroise une directive de 40 pages, visant à soutenir l’économie, en 35 petites minutes. Du coup, le directeur-adjoint de la banque a présenté sa démission, considérant que cette relance à court terme représentait un grand péril à moyen terme.
L’une des mesures préconisées par Wolfgang Munchau dans le Financial Times reviendrait peu ou prou à ce que les Hongrois veulent tenter : que la BCE appuie directement les entreprises des premiers et seconds marchés en acquérant des actions. Les banques seraient incitées à mieux financer les PME-PMI. Mais c’est moins juteux…
Côté britannique, le gouvernement n’aura plus à régler la pension de Margaret Tatcher : elle vient de décéder d’un arrêt cardiaque, à 87 ans… Du coup, David Cameron, qui se trouvait en Espagne, écourte sa tournée européenne. Il était attendu ce soir à Paris, puis à Berlin. Il a au moins eu le temps de déclarer que le Royaume-Uni serait favorable à ce que les paradis fiscaux britanniques d’outremer et des îles britanniques échangent des informations avec les autres pays pour réduire la fraude fiscale. C’est déjà un pas vers moins de désunion face à l’adversité que l’Union européenne doit affronter.
[b]Ce serait aussi bien de ne plus avoir à régler certaines pensions, comme les anglais pour la ferraille, en France !
Mitterrand au moins a eu l’élégance (la seule ou presque) de ne pas nous laisser ce fardeau en cadeau, les autres en sont encore à nous saigner abondamment y compris de leur inutilité (politique)voire nuisance[/b]