Alors que la Grèce vient de se voir vertement tancée par le Fonds monétaire international, les «hedgies » (gestionnaires de hedge funds) de la City annoncent une dégradation imminente de la note française. Valérie Pécresse, dimanche, l’annonçait inconcevable, Sarkozy, hier, minimisait par avance les conséquences, relayé, ce mercredi, par Alain Juppé. En fait, Angela Merkel, annonçant qu’il faudrait des années pour résorber la crise, n’a pas rassuré les marchés.

L’euro passe sous la barre des 1,30 USD, mais l’or retombe à son niveau de juillet dernier. Bonne nouvelle pour la croissance ? Sans doute pas.

Alors que Pécresse, Baroin, Noyer (gouverneur de la Banque de France), affirmaient dimanche que la crainte de voir le triple A de la France réduit par les agences de notation, il semble bien que Sarkozy et Juppé préparent l’opinion à une dégradation imminente, qui fait déjà bruisser la City…

La Grèce vient de se voir tancer d’importance par Paul Thomsen, du FMI, car elle en ferait trop peu en traînant les pieds. La nomination d’un ancien financier en Italie n’a pas vraiment rassuré les marchés, et si les banques françaises ont eu plus massivement recours à la Banque centrale européenne pour profiter de dollars moins chers que sur les marchés monétaires, elles n’ont toutefois pas vraiment la confiance des boursiers.

Du coup, Pécresse servira des petits biscuits lors des fêtes de fin d’années en son ministère et adressera ses vœux par courriel. Traiteurs et imprimeurs font grise mine. Cela a dû rassurer Standard and Poor’s, qui aurait fait savoir que la dégradation de la note française n’était pas d’actualité immédiate. Mais si Moody’s ou Fitch Ratings s’en charge, cela ne changera pas la donne, des emprunts d’État français plus onéreux.

Dans la City, la note française fait figure de dinde bonne à plumer pour être servie à Noël. De fait, les taux des emprunts français à dix ans ont grimpé déjà à 3,22 % (les allemands restant à 1,93). Avec ou sans dégradation, c’est pratiquement la même chose. Selon une consultation en ligne du Guardian, seuls 5,5 % des répondants considèrent que les dirigeants européens en ont fait assez. C’est d’ailleurs l’avis de tous les commentateurs et observateurs, d’autant que divers pays pourraient rallier le Royaume-Uni, et se détacher du plan adopté par le Conseil européen.

Geard Lyons, de Standard Chartered, a traduit EMU (European Monetary Union) par Even More Unemployment pour Sky News. C’est bien le problème : les marchés voient les mesures d’austérité tarder à être appliquées, ce qui les fait douter, et si elles l’étaient, ils anticipent leurs effets sur la croissance, l’emploi, et même si Michala Marcussen, de la SocGen, a estimé que l’effondrement de l’euro ne semblait pas d’actualité, elle n’a pas nié qu’on ne pouvait rien exclure.

Juppé pense que la perte de l’AAA ne sera pas cataclysmique en faisant valoir que les États-Unis l’ont perdu. Oui, mais, leurs emprunts à 30 ans (oui, 30 ans, et non dix) sont couverts avec un taux de 2,925 % (comparez avec les 3,22 pour les emprunts français à dix ans seulement). La comparaison est donc totalement illusoire, voire confine à la désinformation du gogo de base.

À présent, les banques européennes tentent aussi de se fournir en… roubles russes.

Le Wall Street Journal relève que l’Italie contredit l’Allemagne : le dernier sommet n’a pas suffi, considère Mario Monti. Il plaide pour l’émission d’emprunts européens, les euro-bonds, et l’a clairement dit devant le sénat italien. Merkel et son parlement s’y opposent toujours. Un prochain sommet est prévu en mars 2012, mais il n’est pas du tout sûr que l’euro tiendra jusque là…
L’autorité des marchés financiers britanniques, la FSA (Financial Services Authority), réunit déjà les dirigeants des établissements financiers pour étudier la perspective d’un démantèlement de l’euro.

Mario Monti considère aussi que la décision de ne pas faire participer les créditeurs (surtout les banques) aux pertes est une franche « erreur ». Goldman Sachs estime que si l’Allemagne ne concède pas que l’inflation peut progresser, la zone euro actuelle ne survivra pas. L’éventualité d’une sortie de certains pays de l’Eurozone, totalement exclue par les déclarations des uns et des autres dirigeants européen, n’est toujours pas inenvisageable. Le PIB de la Grèce reculera sans doute de 6 % ou davantage. Lucas Papademos l’envisage. Ce qui alourdira d’autant le poids de la dette grecque. Bref, l’horizon est sombre.