Études de genre : la marque d’une droite complexée, froussarde, hypocrite

Faute de pouvoir raviver le thème du mariage pour tous, qui n’émeut plus guère l’opinion, l’ultra-droite veut entraîner l’ensemble de la droite dans un combat contre les études de genre. D’abord en travestissant les faits pour marquer les esprits avec une mythique « théorie » du genre, faire croire que le Parti socialiste dispose encore de références idéologiques, ensuite, en obtenant des postes, des sièges… Mais pourquoi donc jouer à (se) faire peur ?

Il se trouve effectivement des électeurs de François Hollande dans la mouvance des archarné·e·s de l’abrogation de loi sur le mariage pour tous. Les arguments de Frigide Barjot, qui plaide pour le remplacement de la loi par une autre, prônant un contrat social de vie commune (un Pacs élargi), conviennent à cette fraction – très – minoritaire. Mais il ne faut pas se voiler la face, ce qui est visé par la majorité c’est – faute de pouvoir revenir sur le Pacs, la suppression de l’adultère en tant que faute entraînant la nullité d’un mariage,ou la dépénalisation de l’homosexualité des adultes – contraindre les partis de droite à leur accorder de l’influence, des sièges, des facilités (donc, des fonds, aussi).

Mais cette – très large – majorité n’est pas qu’hypocrite. Elle est sincère en ce sens qu’après la régression des prêtres ouvriers, de la théologie de la libération, elle craint vraiment que l’influence du goupillon régresse. Or, pour les religions, en particulier et de manière éloquente, les trois monothéistes principales, si le sexe est froidement considéré, tout s’effondre : plus de clergé, plus de fidèles à rassembler, le grand vide…

La fixation sociale des tabous sexuels garantissant la survie des religions et cultes est le véritable ciment de toute confession ou obédience. Certes, quelques autres peuvent séduire des fidèles, dont le fameux « tu ne tueras point » qui n’a jamais empêché israélites, mahométans et chrétiens de s’entretuer (entre israélites, chrétiens, musulmans) et de tuer massivement les païens, infidèles, dissidents, &c.
La condamnation du lucre vise surtout à faire en sorte que les moins fortunés se contentent de leur sort et que la concurrence industrielle et commerciale ne génère pas des duels, tueries, massacres, enfin, pas trop fréquemment.

Mais l’emprise sur le sexe, les couples, les familles, là, c’est primordial. Essentiel. Or, malencontreusement, anthropologie sociale, ethnologie et études de genre tendent à le mettre de plus en plus clairement en évidence. Partout où les mœurs relèvent de la conscience individuelle, les religions régressent. Oh, cela n’empêche certes pas les incartades de la part des fidèles : les très religieux États-Unis le démontrent statistiquement de manière irréfutable. On peut y être un jouisseur, à condition de rester discret, ou une « traînée », à condition d’être très riche et plutôt vraiment célèbre. Mais mieux vaut s’y dire sataniste qu’agnostique ou, encore pire, athée.

Comme le mouvement « anti-mariage gay 2.0 », ou ce qu’il en reste, soit des clans totalement divisés et même carrément antagonistes, ne peut se l’avouer (quoique, parmi elles et eux se trouvent des athées qui singent la foi afin de conforter des églises estimées essentielles à leur conception de la paix sociale), il faut bien trouver d’autres moyens. Il est donc inventé que les études de genre qui, comme leur intitulé l’indiquent, constatent le réel mais ne le préconisent pas, visent à détruire la famille hétérosexuelle fondée sur le couple mari-femme sans élément extérieur (amante, amant… fuck friends…).

Mais l’invention de la néfaste, forcément néfaste « théorie » du genre comporte aussi des visées accessoires : faire comprendre que l’ordre naturel ne doit pas être bouleversé dans le domaine de la transmission des fortunes, positions sociales, &c.

Car les études de genre ont la mauvaise idée de mettre leur nez là où il ne faut pas et donc de pointer du doigt ce qui, faute de pouvoir être dissimulé, ne doit pas être ressenti.

À quoi s’intéressent par exemple les études de genre ? Malencontreusement pour l’ultra-droite, le plus souvent nationale (et absolument pas sociale si ce n’est en paroles et vœux pieux), cela peut donner cela : un colloque sur le thème « idéologies de la justification des inégalités sociales : leur impact sur la perception de soi des femmes et des hommes ».
C’est animé par une professeure de l’université Descartes participant au laboratoire de psychologie des menaces sociales et environnementales. Il s’agit d’un séminaire Sexe et Genre s’appuyant sur des chercheuses et chercheurs en sciences de la vie et sciences humaines.

Et puis, les études de genre peuvent aussi se pencher sur les politiques publiques de développement et de santé au Yutacan (Mexique). Une sociodémographe et une anthropologue ont étudié les populations mayas, en s’appuyant sur la perception des concepts de classe sociale, d’origine ethnique, d’autres facteurs, &c. Selon Arlette Gautier, du département de sociologie de l’université de Brest, les politiques publiques au Yucatan ont incidemment pour effet (ce n’est pas l’essentiel de l’étude) « une reformulation du patriarcat en faveur des administrateurs et médecins au détriment des hommes mayas ».

Il se trouve que, sauf à être totalement abrutis, hommes et femmes des composantes des mouvements anti-mariage homo, se reconnaissent soit parfaitement (et s’en félicitent), soit un peu plus nettement que confusément, dans ce que décrivent les études de genre. Le médecin célinien s’en contrefout, la doctoresse s’estimant pétrie de charité chrétienne, les administrateurs et gérantes emprunt·e·s de spiritualité en ressentent comme un vague malaise.

Donc, cachez donc ce sein, ce genre que l’on ne saurait voir.

Le côté « un papa, une maman » est une vaste foutaise totalement hypocrite. Les mêmes soutiennent des pensionnats de jeunes filles tenues exclusivement par des religieuses ou de jeunes gens n’ayant que des professeurs (et peut-être une lingère, ex-bonne de curé, d’âge avancé). Que des mamans pour fifille, que des papas pour le fiston.
Ce n’est pas que la contestation de l’homosexualité soit accessoire. Mais c’est parfois un simple prétexte. Ce qui compte, c’est l’ordre décrété naturel, immuable, de tout temps figé au stade désigné soit par la bible, soit par le coran, en fait par les églises.

Si cet ordre était le matriarcat, sanctifié par des prêtresses, ce serait la même chose. Madame portant le pantalon et monsieur en jupe plissée arrivant sous le genou seraient vent debout pour la défense de l’ordre établi. Il s’agit de défendre le pouvoir, politique et « spirituel » (enfin, prétendu tel), mais aussi économique, d’une classe s’estimant naturellement possédante.

Le problème n’est pas du tout les travestis, les transsexuels, &c. Mais le fait que Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, s’intéressant à ces catégories sociales, globalement, s’appuient sur des critères utilisés dans les études de genre. Ces deux auteur·e·s présentent l’inconvénient de publier La Violence des riches – Enquête sur les casseurs de vie (éds La Découverte). Pour les riches, la richesse est « naturelle », et donc qu’ils méritent beaucoup plus que d’autres. D’ailleurs, si autrefois ils le proclamaient par un bide proéminent, à présent, c’est l’inverse (s’ajoutent le bronzage, divers petits critères). 

Le coup du « un papa, une maman », c’est aussi bidon que celui de la presse majoritairement à gauche. Pourquoi donc des investisseurs emploieraient-ils des gens de gauche en leur versant un salaire décent alors qu’ils pourraient employer des gens instruits à des salaires d’ouvriers (entre faire cela et vendre des hamburgers pour le compte d’un patron, beaucoup n’hésiteraient pas). En fait, ils versent au moins des salaires de contremaîtres : il ne faut pas que le journaliste (sauf le pigiste kleenex jetable, le sachant trop bien) se sente appartenir à vie à la plus « basse » classe. Cela fonctionne fort bien. Évidemment, il se trouve des gens viscéralement de droite, comme un J.-F. Kahn, de Marianne, pour s’illusionner ou faire semblant de n’être pas hostile à la gauche.
Comptez les titres de presse en Scop ou autre forme de coopérative, et constatez.

En fait, il faut faire croire à la police des esprits, à la Guépéou totalitaire, et faire passer François Hollande pour un Kim nord coréen. Tout simplement. Non réellement pour des raisons sociétales mais parce que le «  goulag fiscal » aurait été instauré. Le reste est de l’habillage.

Chacun·e s’étend un tant soit peu penché sur la question constate que les études de genre ne sont pas plus monolithiques que la médecine (allopathique, homéopathique, chinoise, traditionnelle, &c.). La plupart des chercheuses et chercheurs sont issus de la bourgeoisie et finissent par l’intégrer pour celles et ceux achevant un doctorat et ayant des parents ou proches ou relations bien placés. Ce n’est pas parce que ces disciplines (et d’autres) concluent que les femmes peuvent être aussi cruelles que les hommes qu’elles prônent l’ascension sociale des femmes et la parité. Prôner, c’est le rôle des militantes et militants féministes. Que peuvent prôner des biologistes ? Mais elles ou ils peuvent préconiser (ainsi, comment obtenir des soldates et soldats plus efficaces, mieux aptes à combattre en étant privés de sommeil).

Qui n’a pas compris que si les femmes politiques de droite étaient aussi largement majoritaires par rapport à leurs collègues masculins (comme les maîtresses et directrices d’écoles primaires, par exemple) que dans d’autres métiers ou secteurs, elles auraient la même attitude : une maman élue, un papa éduquant les enfants (enfin, pour cela, il y a des précepteurs, des hommes de maison). Les papas opineraient : l’épouse a forcément raison puisqu’elle est mieux placée socialement.

Bref, l’imposture va perdurer. Seule l’extrême division des composantes du mouvement anti-études de genre fera qu’il s’affaiblira progressivement. Il ne restera plus qu’à l’UMP de reprendre ses thèmes à son propre compte, en les rendant moins agressifs. Bien joué. Aussi au Vatican de faire semblant d’avoir entendu tout le monde… Aux imams et rabbins de continuer à prétendre mener les consciences. En fait, c’était le but. Tout comme des étudiants bourgeois d’extrême-droite sont devenus ministres, une fois élues, stipendiés, les femmes et hommes conspuant la « théorie » du genre se calmeront. Ce n’est qu’une question de moyens et de temps.  

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Études de genre : la marque d’une droite complexée, froussarde, hypocrite »

  1. Il faut bien se défausser sur la droite, vu qu’à gauche c’est du tango argentin qu’on nous balance ! Quand on n’a rien à dire, la droite, c’est pratique, sauf qu’elle n’est pas au pouvoir. Qu’il est doux de tirer sur les ambulances !

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