J’avoue que j’éprouve une certaine gêne en apprenant l’assassinat de Ben Laden par un commando américain. Bien sûr, le chef d’Al-Qaida a des milliers de morts sur la conscience et ne mérite pas qu’on apitoie sur son sort, mais quand on se présente comme un état de droit, on a des principes. « Justice est faite, proclame-t-on à l’Elysée » après avoir envoyé le premier ministre en délégation à la béatification de Jean-Paul II. On se dit catholique ? J’ai du mal à comprendre.

Voilà bientôt trente ans que la France a aboli la peine de mort et on applaudit à l’exécution d’un ennemi. Quelle hypocrisie ! On n’ose pas dire que si un missile venait à tomber par hasard sur la tête de Kadhafi, ça nous ôterait une belle épine du pied. Hélas, ce sont de jeunes enfants qui sont morts. Qui oserait dire que ce ne sont que les petits enfants du dictateur libyen ou que ce sont des dégâts collatéraux.

Etats de droit mais méthodes de voyous.

Je partage l’avis du directeur de l’Express qui trouve déplacées les scènes de liesse pour la mort du terroriste : "La démocratie, c’est la civilisation donc la retenue dans ce genre d’événement"

L’homme cultivé ne peut pas se réjouir d’une justice expéditive, sinon on revient à la barbarie. On va me répondre : « Et les milliers de morts du 11 septembre 2001 ? »

Ça n’a aucun rapport, je parle ici de principes, d’éthique et de cohérence. C’est comme si on disait « Je suis contre la peine de mort sauf pour les terroristes »

Si on assassine Ivan Colonna d’une balle dans la tête, va-t-on dire que justice est faite ?

Peut-on considérer que tuer Ben Laden est un fait de guerre ? Pouvait-on faire autrement que de l’abattre ? Bien d’autres questions vont sans doute se poser, en particulier sur l’opportunité d’une telle nouvelle.

Quand on voit les marchands de tee-shirts et de casquettes se dépêcher de vendre des produits à l’effigie de l’homme le plus recherché de la planète, on se dit que la civilisation a parfois des ratés.