A hauteur de Sète, il est difficile de résister au chant des sirènes et de ne pas succomber à l’appel de « l’ile singulière(1). » Ville natale de Georges Brassens, de Jean Vilar, de Paul Valéry…, la cité sétoise est un site touristique avec des quartiers pittoresques traversés par des canaux où se reflètent les façades colorées.

 

 

Mais la découverte du monde très particulier qui la côtoie est encore plus excitante. Le Bassin de Thau, là où les eaux douces rejoignent la lagune d’eau salée dans un mouvement créateur de richesse, est un monde à part dans un univers à part. Séparé de la Mer Méditerranée par la « baleine » le Mont Saint Clair et un cordon littoral de sables fins et blonds, il s’enorgueillit d’un patrimoine écologique remarquable.

 

Le Bassin de Thau, le plus grand étang du Languedoc-Roussillon.

 

L’étang de Thau, ou bassin de Thau, d’une superficie avoisinant les 7.500 hectares, est le plus grand étang de la région Languedoc-Roussillon. Ses eaux d’un bleu intense, véritable « mer intérieure », s’étendent, sur 20 kilomètres de long, depuis Balaruc le vieux jusqu’à la Pointe des Onglous à Marseillan, et 4 à 6 kilomètres de large. La largeur minimale, entre les pointes de Balaruc et du Barrou, est de 1.400 mètres. Mais, derrière son caractère tranquille, l’étang s’emporte, parfois, dans de brutales et violentes tempêtes, toujours extraordinaires.

Avec une profondeur moyenne de 5 mètres, il est aussi le plus profond des étangs languedociens qui n’excèdent pas les 3 mètres. Au large de Balaruc-les-Bains, le gouffre de la Bise, un entonnoir de plus de 100 mètres de diamètre, atteint une profondeur de 32 mètres. C’est une résurgence d’eau douce d’une température constante de 21° C. Elle draine une partie des eaux souterraines issues des collines calcaires de la Montagne de la Moure et du Causse d’Aumelas. Et certaines zones, situées à plus de 7 mètres de profondeur, sont parcourues par d’étranges séries de « cadoules(3) » dont l’origine reste encore inconnue.

 

L’étang de Thau est un étang tectonique, lieu de confrontation des eaux douces du bassin versant et des apports d’eaux marines.

 

Sa grandeur et ses profondeurs s’expliquent par la géomorphologie du secteur. Étant le synclinal d’un plissement dont l’anticlinal est la montagne de la Gardiole au nord-est, le réseau hydrographique se compose d’une dizaine de petits cours d’eau drainant le versant sud des massifs et des plateaux environnants et la plaine agricole avant de trouver leur exutoire dans l’Étang de Thau. L’essentiel de ce réseau possède un caractère non pérenne durant toute la période sèche.

En outre, c’est un étang tectonique avec une grande profondeur moyenne, de première ligne, en relation directe et permanente avec la mer par des graus à Marseillan, le Pisse Saume, et à Sète. Il ressort un volume d’échange d’eau important entre les deux milieux, avec théoriquement une salinité de type polyhalin en hiver et hyperhalin en été.

 

L’Étang des Eaux Blanches et son comblement à cause de la bêtise humaine.


Il se prolonge à l’est, près de Sète et Balaruc-les-Bains, sur 600 hectares, par l’étang des Eaux-Blanches, aujourd’hui partiellement comblé. Les raisons en sont simples, la main de l’homme ! Les eaux résiduaires urbaines et des boues des communes de Balaruc le Vieux, de Balaruc les Bains, de Frontignan la Peyrade et de Sète étant traitées à la station de traitement située dans la zone industrielle des Eaux Blanches à Sète, depuis 1972. Celles de la commune de Mireval sont, de même, traitées à la station de traitement située au lieu dit « Maupas » depuis 2001. Toutes ces eaux, plus ou moins dépolluées de leurs effluents organiques et chimiques, sont déversées dans cette partie d’étang favorisant son comblement.

En outre, le canal du Midi prolongé par le canal du Rhône à Sète, avec leurs apports alluvionnaires, au lieu-dit « les Onglous », dans la commune de Marseillan, débouchent dans l’étang de Thau. Une ceinture de végétation plus ou moins développée s’implante.et se développe et présente des « bandage » végétaux depuis le large vers les berges : les herbiers immergés, la végétation flottante et les « roselières » composées de roseaux, de scirpes lacustres, et de massettes. Les herbiers immergés sont dominés par les characées à l’origine de matelas denses et rêches. Les secteurs abrités hébergent, eux, une forte diversité floristique de potamots, d’élodées, de myriophylles …

 

Le Grand Étang, un site protégé au détriment de l’Étang des Eaux Blanches.


 

Dans sa partie centrale est le Grand Étang, d’une superficie de 6.900 hectares, propriétés du Conservatoire du littoral et réserve ornithologique protégée. C’est un écosystème complexe et précieux à préserver. L’étang joue un rôle régulateur vis-à-vis des crues des rivières, des inondations et des intrusions marines et il assure un rôle épurateur grâce à une importante activité biologique. Sa lagune et ses berges possèdent une remarquable capacité d’accueil d’oiseaux. Près de de 250 espèces y sont recensées.

Elles viennent y nidifier, s’y alimenter ou s’y reposer par milliers au cours de leurs migrations annuelles, avec des espèces rares comme le balbuzard pêcheur et la cigogne noire. Les flamants roses, les hirondelles, les avocettes ou les aigrettes « garzette » fréquentent le Grand Étang. L’hiver, des rassemblements de canards, de sarcelles, de milouins, de colverts ou de souchets s’y produisent. Des espèces remarquables y nichent comme l’échasse blanche et le gravelot à collier interrompu, l’alouette « calandrelle » ou le butor étoilé. Enfin, la diversité des milieux est favorable à la présence de nombreuses espèces de plantes, parfois rares et menacées.

 

Le Bassin de Thau et ses atouts touristiques et économiques.


 

Taquiné par les vents sous l’œil protecteur de sa majesté le Mont Saint Clair, l’étang de Thau s’est organisé une vie bien à lui dans l’intimité d’une vocation conchylicole héritée des romains qui consommaient les huitres en grande quantité et qui en faisaient commerce.

Ici, le soleil trempe ses rayons dans les eaux lagunaires et décline la palette des bleu-verts. Si la route ménage de belles perspectives sur les allées géométriques des parcs à huitres, elle révèle, aussi, un patrimoine à la richesse insoupçonnable.

 

Notes :

 

(1) « L’ile singulière », expression due à Paul Valéry, appelée aussi « l’île bleue », Sète est une ville à part, possédant une identité culturelle forte, avec ses traditions, sa cuisine, son jargon. Ville d’artistes, elle oscille inlassablement entre tradition et avant-garde.

(2) La « baleine », cetus en latin, la forme du Mont Saint Clair, vue de la mer, évoque, aux yeux des marins celle du cétacé.

(3) Les cadoules sont des buttes, de type tumulus, noyées sous l’étang de Thau