C'est une polémique qui enfle, et l'archevêque anglican de Cantorbéry, Rowan Williams, doit bien se demander ce qui lui a pris de s'exprimer sur la charia, déclarant son application partielle en Grande-Bretagne inévitable. Depuis samedi, sa démission  est réclamée par le "Sun" le plus vite possible, et ce n'est pas à tort que certaines réactions pointent du doigt l'application de la charia dans certains pays musulmans, dans lesquels les chrétiens sont persécutés. Plusieurs évèques ont élevés leurs voix également et parmi les membres du synode de l'Eglise d'Angleterre qui réclament eux aussi son départ, Alison Ruoff le déclare inapte pour sa fonction et ajoute "Les chrétiens, notamment dans les pays islamiques où ils sont persécutés, en sont vraiment bouleversés".

Pourtant l'archevêque pourrait être un précurseur et il ouvre un débat qui prendra tout son sens à l'avenir avec la multiplication de personnalités musulmanes sur nos sols européens. Ne nous voilons pas la face (si l'on peut dire), sur ce sujet comme nous le faisons sur tant d'autres, l'apport de l'immigration musulmane aura tôt ou tard des incidences sur la façon de concevoir les lois et sur leur application. Déjà des articles de presse ont relaté les dérives de prêches de certains imams, comme ce fut le cas en Italie, avec cet imam turinois qui invitait ses fidèles à ne pas composer avec les athées, qu'il fallait les tuer ou encore que les femmes sont des êtres inférieurs, qu'il faut battre et soumettre pour qu'elles "filent droit". Ainsi un autre imam, français celui-ci, expliquait dans un magasine de quelle façon il convient de battre sa femme. Le débat existe parmi les musulmans eux-même, dans l'interprétation de versets du coran.
L'archevêque a reçu un soutien venant du Caire, de l'université al-Azhar plus précisément, avec le cheikh Abdel Fattah Allam, qui estime que ces propos « encouragent le dialogue entre les cultures et les civilisations dans un cadre de respect mutuel des religions ». L'université Al-Azhar a une grande influence dans le monde sunnite. C'est elle notamment qui avait lancé une fatwa contre le converti Mohamed Ahmed Higazi , le condamnant à mort pour sa conversion ainsi que sa femme. A vrai dire, cela n'encourage pas volontiers l'application de la charia… En témoigne une fatwa lancée par un professeur, qui conduisait les hommes à téter le sein de leurs collègues de bureau, cinq fois précisément,  et qu'il a finalement annulé. Rappelons également que la charia condamne en théorie à mort les athées, mais aussi les musulmans qui se convertissent et que les chrétiens n'ont en terre d'islam qu'un statut inférieur, ce que les dirigeants musulmans de certains pays appliquent.
Un article paru dans le courrier international fait le parallèle entre les déclarations de l'archevèque anglican avec les propos du pape à Ratisbonne, or justement, le pape prêchait tout le contraire. Il évoquait la nécessité de ne pas séparer la religion en tant qu'apport morale, et la raison, c'est à dire la science, plus particulièrement dans le domaine de l'éthique, pour l'avortement par exemple ou pour la fin de vie. Mais c'est bien l'Europe qui était visée et pas l'islam, ce que finalement peu d'analystes ont su saisir à la lecture de ce texte, qui explique que notre athéisme constitue un quasi scandale dans un monde resté religieux en grande partie tout en rappelant la nécessité d'une collaboration entre foi et raison, qui pour lui sont complémentaires et nécessaires pour l'un comme pour l'autre, afin d'éviter les dérives (de chacun). Le pape avait juste cité un texte, sans fatalement se l'approprier, dans lequel il était question d'islam, mais le propos n'était pas direct : le texte condamnait toutefois l'usage de la force par la religion.
Pour provocateur que soient ces propos, l'archevèque a mis le doigt là où cela fait mal. Il avait précisé qu'une dizaine de tribunaux islamiques existent déjà sur le sol anglais, pour les problèmes conjugaux ou financiers et il n'est pas si saugrenue de penser que la charia prendra de plus en plus de place dans nos sociétés. Lui-même en excluait les aspects les plus extrèmes dans sa déclaration. Toute la question est donc de savoir de quelle façon et dans quelles conditions cela se fera, ou plutôt de savoir où commence la charia et où elle s'arrête. C'est là le bien-fondé de l'accueil de personnalités comme Ayaan Hirsi Ali, actuellement à Paris. A chacun de répondre à la question de savoir si cette application est vraiment souhaitable…