Suite de : Essaim sismique dans les Alpes Apuanes, en Italie du Nord. Premier chapitre.
La conjoncture tectonico-essaimique que connaissent, depuis le 21 Juin 2013, les Alpes Apuanes, et tout particulièrement les vallées de Lunigiana et de Garfagnana, trouve ses racines au cours d’essaims sismiques antérieurs, l’un du 08 au 19 Septembre 2011, – 87 aléas sismiques localisés, répertoriés et enregistrés de magnitude comprise entre 2.0 et 3.8, de profondeur focale au foyer majoritairement superficielle, entre 2 et 9 kilomètres ; et une kyrielle de microséismes de magnitude égale ou inférieure à 1.9 – ; un second du 24 au 27 Janvier 2012, – 6 aléas sismiques localisés, répertoriés et enregistrés de magnitude comprise entre 2.1 et 5.0, de profondeur focale au foyer limite superficielle-intermédiaire, vers 60 kilomètres ; et une kyrielle de microséismes de magnitude égale ou inférieure à 1.9 -, perdurant, épisodiquement, surtout par des microséismes non ressentis par la population jusqu’au 07 Décembre 2012 ; et un troisième, du 25 Janvier au 09 Février 2013 – 47 aléas sismiques localisés, répertoriés et enregistrés de magnitude comprise entre 2.0 et 4.9 ; et une kyrielle de microséismes de magnitude égale ou inférieure à 1.9 -, continuant, par intermittence et tout particulièrement par une microsismicité de magnitude égale ou inférieure à 2,5, jusqu’au 16 Juin 2013.
Concernant le troisième essaim, démarrant fin Janvier 2013, – outre celui du 27 Janvier 2012, magnitude 5.0, épicentre à 500 mètres de Roccaferrara, à 3 kilomètres au Nord-Nord-Est de Marra et à 4 kilomètres au Nord-Ouest de Corniglio, fortement ressenti dans les Alpes Apuanes -, trois tremblements de terre qui ont suscité de vives inquiétudes et des craintes parmi les habitants de la région gardant en mémoire le séisme destructeur et meurtier du 07 Septembre 1920, ont été bien ressentis par la population : un le 25 Janvier, magnitude 4,9 et hypocentre 15 kilomètres de profondeur ; un le 30 Janvier, magnitude 3.3 et hypocentre 10 kilomètres de profondeur ; et un le 15 Juin, magnitude 3.5 et hypocentre 2 kilomètres de profondeur.
Au plan scientifique et historique, ces séismes en essaims à répétition, ne sont pas des événements surprise car, comme pour l’Emilie-Romagne, la Versalia, susceptible de subir des liquéfactions, et, d’Ouest en Est, les vallées de Lunigiana, de Garfagnana, de Mugello et de Val Tiberina, zébrées par des systèmes de failles actifs et sismogènes, sont deux zones, à prime abord moins dangereuses que celles des Abruzzes ou de Calabre, à haut risque sismique tels que les séismes du 07 Août 1414, Radiocondoli, magnitude 5.0 ; du 05 Juillet 1481, entre Fivizzano et Comano, magnitude 5.6 ; du 05 Juillet 1481, entre Fivizzano et Comano, magnitude 5.6 ; du 06 Mars 1740, Barga, magnitude 5.5 ;du 22 Janvier 1767, Fivizzano, magnitude 5.3 ; du 11 Avril, 1837, Equi Terme, magnitude 5.8 ; du 10 Septembre 1878, Fivizzano, magnitude 5.1 ; du 27 Juillet 1903, Filatierra, magnitude 5.3 ; du 27 Octobre 1914, Ponte a Mariano, magnitude 5.8 ; du 7 septembre 1920, entre Nicciano Garfagnana et Lunigiana, magnitude 6.5 ; du 15 Octobre 1939, Barga, magnitude 5.2 ; et du 10 Octobre 1996, Veserano, magnitude 5.1 ; le démontrent sans ambages.
Aussi ne serait-il pas surprenant, les temps de récurrence incitant à la méfiance, il est probable, – mais difficile de prévoir, de nombreuses lacunes sismiques étant latentes, où et quand cela se produira-t-il ? -, qu’un séisme d’au moins une magnitude 6.0, environ trente fois plus fort que celui du 21 Juin 2013, affectera les vallées de Lunigiana, de Garfagnana. Outre le fait que les Alpes Apuanes, – leur sismicité historique se concentrant, principalement, dans certains domaines très spécifiques -, se localisent sur la zone axiale de l’Apennin, – Haut-Val Tiberina, Casentino, Mugello, Garfagnana et Lunigiana, définis comme grabens tectoniques ou bassins inter-montagnardes profondes formées au Quaternaire, géologiquement récents, entourés par des systèmes de failles complexes, des domaines mis en scène dans des tremblements de terre destructeurs avec des centaines de morts -, le séisme du 25 Janvier 2013, de magnitude 4.8, qui a touché l’ensemble de la province de Lucques, Nord de la Toscane, en est, possiblement,.l’un des événement sismiques anté-précurseurs. Ce séisme, donnant l’alarme non seulement dans la zone épicentrale, près de Castiglione, mais aussi sur la Riviera Apuana et la Versilia, où la population n’est pas pleinement consciente des risques de liquefactions auxquels les deux territoires sont soumis à la suite de séismes intenses, a été ressenti dans une grande partie de l’Italie du Nord. Dans la Garfagnana, il a secoué maisons et clochers et les cloches, par effet d’oscillation induite, ont battu durant plusieurs minutes.
En outre, les Alpes Apuanes sont soumises a un paroxysme tectonique qui a débuté avec l’ouverture concomitanten dès le Bartonien, – 40 à 37 Millions d’années -, de bassins d’effondrement ayant généré la fracturation de la chaine de montagne pyrénéo-provençale et l’éclatement oriental du continent liguro-iberico-provençalo-apilien avec détachement en deux temps des terranes Apulia, Maghreb au sens littéral, Calabre, Sicile, Kabylie, Corse, Sardaigne et îles Baléares, et s’étant concrétisé par la formation du Rift Nord-Ouest Méditerranéen, ou provençalo-baléarien se prolongeant par le bassin Sud-baléaro-algérien, d’une part, et, d’autre part, du Rift Thyrrénien séparant l’Apulie, la Calabre et la Sicile de la Corse et de la Sardaigne. Ces trois bassins d’effondrement se caractérisent par la présence de dorsales et de fonds océaniques, la dorsale médio-thyrrénienne enclenchant la rotation anti-horaire de l’Apulie, l’accélération de la fermeture de l’Océan Thétysien Alpin, le volcanisme dans Nord et le Sud du Massif Central et, à partir du Ruppelien, – 34 à 28 Millions d’années -, la surrection de la Chaine Alpine.
Un second moteur tectonique intercède, de même, dans la sismique de l’Italie apulienne, des Apennnins et des Alpes Apuanes, la subduction de la microplaque Adriatique qui plonge sous le terrane Apulia. Le mouvement d’approche entre ces deux entités provoque une compression nette, avec des structures de charriage, sur le Piémont des Apennins ensevelis sous les dépôts de la vallée du Pô, une compression qui contrarie la tectonique d’extension engendrée par la subsidence du bassin Liguro-thyrrénien et la relaxation lithosphérique des grabens Lunigiana, Garfagnana, Mugello et Val Tibérine, d’axe Nord-Est/Sud-Ouest, comme cela s’est produit lors du séisme du 25 Janvier 2013. Il ne peut donc pas être exclu que, compte tenu de la tectonique afférente à ces éléments structurels, de la sismicité historique dans ces domaines et des séismes en essaim à répétition propres à des grabens actifs, les prochains tremblements de terre, aux foyers proches, ou implantés sur, des failles bordières peuvent s’avérer être d’intensité croissante.
Enfin, il y a la particularité de la Versilia, à une vingtaine de kilomètres de Garfagnana, avec son type de sol de sable fin, sa faible profondeur de l’aquifère, près du niveau du sol côtier, et, les « effets de site » pouvant se produire, en présence d’un choc intense, dans des zones éloignées de 25 à 50 kilomètres de l’épicentre, située à quelques dizaines de kilomètres seulement de l’axe central des Apennins. Une telle conjoncture, sable fin, granulométrie uniforme, plutôt poreux et légèrement épaissi, et nappe phréatique très proche de la surface du sol, représente les conditions idéales pour le développement de la liquéfaction car les ondes sismiques se comportent comme un liquide ou une masse visqueuse et, dans tous les cas, l’eau remonte rapidement à la surface, presque bouillante.
03 Juillet 2013 © Raymond Matabosch