« En l’an 2000 on fera tous les bilans, qui est qui, qui est devenu quoi et qui fait quoi dans la vie… », chantaient alors les enfants terribles du Zouglou dans l’album qui les révéla au grand public africain. Mais avec la déconfiture d’un nième spectacle raté au Cameroun en février 2009, le bilan de Espoir 2000 ces dernières années lui est un chapelet de fric-frac spectaculaires avec ses producteurs de spectacles, en dehors, hélas, des scènes de spectacle.
Au Cameroun, on garde le souvenir évanescent d’un groupe de chanteurs ivoiriens jeunes loups du Zouglou, qui marqua la fin des années 90 par une chanson, « série C » qui fit un tabac populaire au pays de Eto’o Fils. Ce rythme, le zouglou, allait être l’ancêtre d’autres manière de danser comme le coupé décalé, Mapouka, « faro-faro » et « sagacité », emblème de viveurs et accros de boîtes de nuit entre Douala et Abidjan.
En février 2009, le duo ivoirien fait un retour fracassant, c’est le cas de le dire, dans les esprits des Camerounais avec une séries de concerts qui se révélèrent être des bides assaisonnés d’une affaire d’escroquerie avec celui par qui ils devaient se produire à Douala et Yaoundé en ce mois de février où fête de la jeunesse rime avec celle des amoureux au Cameroun.
Pour autant, si l’affaire implique les deux jeunes Ivoiriens au non moins jeune promoteur culturel camerounais Arthur Maurel Ndzana, elle est une véritable histoire d’un désamour annoncé. Elle va être ébruitée bruyamment en direct d’une émission très populaire de la station de radio Sky one à Yaoundé. Arthur Maurel Ndzana taxe alors en direct à l’antenne les deux chanteurs Ivoiriens d’escroquerie qui doivent être arrêtés illico presto…en vertu d’un mandat d’arrêt qui leur avait été décerné par Interpol à la suite d’une précédente affaire de contrat de concert non honoré par le duo de zougloumen, qui en la matière, n’en sont pas à leur premier organisateur de spectacle à rouler dans la farine. Désiré Kouadio, en fît en effet les frais lui aussi.
C’est donc avec un concert de casseroles, d’esbroufe, que Hugues Patrick Ossohou dit « Pat Saco » et le peu volubile Valery Doubo Thea alias « Valery » arrivent au Cameroun. Arthur Maurel Ndzana garde encore en travers de la gorge un précédent spectacle où le groupe lui a posé un lapin au Cameroun en 2008 après avoir empoché là encore un acompte. Mais il avait peut-être trop présumé de sa marge de manœuvre sur ses partenaires qui n’en sont pas à deux mandats d’arrêt internationaux près. Il espérait sans doute que sous la menace de se faire arrêter, les deux zougloumen se tiendraient à carreau. Mais dès leur arrivée au Cameroun à Douala, Espoir 2000 va se torcher du contrat d’exclusivité qui les lie en essayant de se vendre eux-mêmes à d’autres organisateurs de spectacle locaux dont un certain Siméon Feussouo, alias « Yaya », promoteur d’un night club à Yaoundé. Le prétexte pris est le manque de « professionnalisme » de l’organisateur, « pas de promotion », selon les propos du manager et le leader du groupe, violant au passage l’article 3 du contrat de spectacle signé le 13 décembre 2008 qui stipulait que « le groupe s’engage à respecter la feuille de route qui lui sera remise dès son arrivée au Cameroun ». Le groupe ivoirien a prétendu également dans un média camerounais qu’ils n’ont pas reçu de billet d’avion de l’organisateur du spectacle et que arrivés au Cameroun, ils n’ont pas été nourris.
Espoir 000 (triple zéro) ?
Des allégations que Arthur Maurel Ndzana fait tomber comme un château de mensonges en présentant trois billets d’avion aller-retour, deux réservés auprès de l’agence de voyage Lanta Travel à Douala le 31 janvier 2009 pour une somme de 724 600 F CFA aux noms de Ossohou Hugues Patrick et Doubo Thea Valery avec arrivée le 2 février et départ le 23 février par Air Ivoire. Un autre billet a été émis le 4 février par West Travel Bureau pour le manager du groupe, Daddy Ambroise Dano, avec arrivée le 11 février et départ du Cameroun le 23 février, en même temps que ses poulains. Contrairement aux allégations de Espoir 2000 et de leur manager donc, visiblement, des dispositions auraient été prises pour leur transport. Sur la préparation du spectacle, et le manque de « promotion », divers contrats et factures montrent que les salles des centres culturels français de Yaoundé et Douala avaient été louées et payées (350 000 F CFA pour le Centre culturel français de Yaoundé). L’esplanade arrière de l’hôtel de ville de Yaoundé avait été louée à 200 000 FCFA le 28 janvier 2009 pour le concert prévu pour le 14 février. La salle du Collège de la Salle à Douala avait été réservée elle aussi le 11 décembre 2008 pour une somme de 300 000 F CFA après la signature du protocole d’accord entre le manager d’Espoir 2000 et Arthur Maurel Ndzana directeur général de Sunrise Entertainment.
Au demeurant, sur le plan de la promotion, sur la foi des documents produits par monsieur Maurel Ndzana, il apparaît qu’une affiche du spectacle avait été réalisée, la réalisation d’un spot publicitaire radio d’annonce avait été payée le 24 janvier 2009. Le 21 janvier, le présentateur d’une émission très écoutée sur Sky one radio avait également perçu une avance de 50 000 F CFA pour la promotion du spectacle du groupe ivoirien de zouglou. Le même jour, Billy Show, un animateur d’une FM de Yaoundé était lui aussi passé à la caisse en empochant la somme de 200 000 F CFA pour la promotion du spectacle du groupe Espoir 2000 en sa « qualité de président du Cartel ». Pendant ce temps, encore le même jour, le payement de la diffusion d’un spot d’annonce sur la chaîne de télévision privée Canal 2 ainsi qu’un crawl…Le 3 février, celui qui se considère alors comme l’unique représentant légal du groupe au Cameroun conformément au contrat signé le 13 décembre et l’avance de 1050 euros envoyés au manager, signe un contrat de spectacle supplémentaire dans l’Olympic Night Club, le night club d’un hôtel de la place avec son promoteur « Yaya ». Ce que Pat Sako et « Valery » n’ont pas digéré, même si le contrat qui les liait autorisait un tel « concert supplémentaire » au Cameroun. Peut-être que la promotion n’a pas été suffisante, peut-être aussi le promoteur voulait-il se faire justice lui-même sur un précédent litige avec le groupe. Et peut-être que finalement, le groupe ivoirien ne fait plus recette, tout simplement, et attire peu de spectateurs. Face à leurs compères du Magic System, bien plus visibles, et à qui on les confond souvent.
Les dénégations du groupe Espoir 2000 semblent donc finalement ne pas tenir la route face aux preuves apportées par le directeur général de Sunrise Entertainement.
Là encore, comme dans bien d’affaires, des médias camerounais ont visiblement servi des contrevérités à leurs lecteurs contre quelques petits cadeaux généreux en billets de banque. D’autant plus que l’ambassadeur du Côte d’Ivoire au Cameroun en a fait une affaire personnelle, en favorisant le départ en douce du Cameroun de ses compatriotes contre qui pèserait un mandat d’arrêt international.
A force de collectionner des casseroles dans les coulisses plutôt que des ovations sur scène, il faut bien craindre que Espoir 2000 ne devienne Espoir triple Zéro (000). Après Désiré Kouadio, Arthur Ndzana, quel est le prochain promoteur de spectacle à se faire rouler dans la farine au rythme d’un zouglou de mauvais goût?
François BIMOGO