Alors que des partisans du Printemps pour tous huaient François Hollande sur les Champs Élysées, le secrétaire du PSOE espagnol, Alfredo Pérez Rubalcaba, chef de file de l’opposition au Partido popular, demandait tout simplement au Premier ministre, Mario Rajoy, de se démettre sans délai…

Les affaires de l’UMP ne minent pas trop la principale force d’opposition française, l’UMP, qui aurait, selon les derniers comptages, recueilli cinq millions d’euros pour rembourser les dettes de son candidat à la dernière élection présidentielle, Nicolas Sarkozy. Mais en Espagne, citoyennes et citoyens sont bien moins indulgents. Ce qui a permis à la principale force d’opposition, le PSOE, d’exiger la démission immédiate du Premier ministre et président, Mario Rajoy.

Le PSOE rompt toute relation avec le PP, traitant le parti au pouvoir tel un pestiféré, indigne de gouverner. La démission du Premier ministre est exigée. Une telle radicalité ne serait pas envisageable si les affaires du PP n’étaient pas remontées à la surface, ou si le PSOE appelait à des élections générales. Il ne s’agit que d’obtenir qu’un dirigeant discrédité soit remplacé, jusqu’au prochaines élections, par une personnalité aux mains propres.

En cause, l’affaire Barcenas, du nom d’un ancien trésorier du PP, et les mensonges de Mario Rajoy, qui avait affirmé n’avoir jamais bénéficié du système de corruption généralisé, de marchés truqués, d’évasion fiscale. Non seulement Rajoy recevait des rémunérations occultes, ce qui a été établi, mais pendant qu’il s’en défendait, il continuait de s’entretenir avec Barcenas par MMS.
El Mundo dévoile les messages, sans trop craindre de se retrouver, comme Mediapart dans l’affaire Bettencourt, obligé de les retirer son site, et les commente. Le président espagnol a maintenu un contact direct avec l’ex-trésorier de son parti, de mai 2011 à mars 2013, et lui demandait de camoufler la comptabilité occulte. Le couple Luis Barcenas et Rosalia Iglesias recevait du président des consignes. Les époux n’ont pas supporté que le PP les désigne officiellement tels des escrocs ayant fait du mensonge leur « style de vie ».   

Le PP, pour répliquer, accable encore davantage les époux Barcenas, un peu comme si, en France, au cas au Claude Guéant se voit reproché des faits plus graves, Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé déclaraient qu’il avait agi seul, totalement à l’insu de leur plein gré et même de leur connaissance.

Selon Le Canard enchaîné, Claude Guéant n’aurait aucune intention de jouer les utilités tel Alain Juppé auprès de Jacques Chirac. En Espagne, le PP dénonce que Barcenas ait conservé tous ses dossiers dans l’intention de nuire et de se disculper. Le PP aurait traité Barcenas tel un Cahuzac en France (en sus, Barcenas a été incarcéré).

Rajoy, qui reçoit demain son homologue polonais, Donald Tusk, va tenir une conférence de presse. Nul doute qu’il soit interrogé sur sa position en politique intérieure par les journalistes espagnols.

Il avait déjà été interpellé par la presse espagnole à Berlin, esquivant en déclarant qu’il ne voulait pas influencer le cours de la justice.

Pour le Grupo Popular (PSOE, Izquierda Unida et alliés), Rajoy se retrouve dans la position d’un Berlusconi, et doit au plus vite céder la place. Il est dommageable à l’Espagne. Izquierda Unida va plus loin en demandant la tenue d’élections anticipées.

Le PP, qui avait règlé les honoraires de la première équipe d’avocats de Barcenas, tous proches du parti, se retrouve en fait l’otage des déclarations de son ancien trésorier.

Rajoy, comme Cahuzac en France, est convaincu d’avoir menti aux parlementaires.

Selon El Periodico, toutes les formations d’opposition exigent désormais que Mario Rajoy s’explique devant les parlementaires. L’ERC suggère au PP d’introduire lui-même une motion de censure, le PSC catalan estime la situation « totalement critique » et cruciale.

Luis Barcenas a pris un nouvel avocat, un ancien juge comme Pierre Estoup, tandis que son épouse, une ancienne magistrate, s’occupe de la défense de sa Rosalia Iglesias. L’ancien magistrat, Gomez de Liaño, sent le soufre, il avait été condamné à 15 années de révocation de la profession pour prévarication (à la suite d’une affaire de droits de retransmission d’événements sportifs). En 2000, le gouvernement dirigé par le PP lui accordait une amnistie de fait (parmi plus d’un millier de remises de peine). Ce qui avait permis à Liaño d’assurer la défense du mafieux géorgien Zakhar Kalashov et d’une adjointe à la maire de Malaga, dans une vaste affaire de corruption. Il pourrait plaider que Barcenas a agi sur instruction et que les comptes ouverts en Suisse ne correspondaient pas à une volonté d’enrichissement personnel.

Le Parti populaire est aussi mis en cause dans le scandale du groupe de travaux publics Gürtel. El Plural et un ancien responsable de ce parti, Esteban Gonzales Pons, l’accusent d’avoir utilisé la mémoire d’un intermédiaire, depuis assassiné par l’Eta voici 16 ans, Miguel Angel Blanco, pour faire financer le cartel Gürtel par la Communauté de Madrid. Le gouvernement de la communauté avait truqué des marchés publics. Des factures auraient transité via l’Association des victimes du terrorisme.

Pour sa part, El Pais pointe que le PP de Galice a reçu, en 2006, plus de deux millions d’euros de dons d’origines douteuses. La comptabilité officielle n’en recensait que moins du dixième pour cette année-là. Il s’agissait de couvrir les dépenses de la campagne électorale locale de 2005. Le total officiel des dons était de 208 300 euros, l’occulte faisant état de 2,6 millions. La direction centrale du PP aurait été, selon le quotidien, informée des faits. Les dons provenaient d’entreprises du bâtiment ou des travaux publics, ou de sous-traitants, et pouvaient dépasser le plafond légal de 600 000 euros

Divers groupes donateurs figurent aussi dans la comptabilité occulte de Barcenas. Les contribuables finançaient les travaux et les dons, récupérés lors des versements de fin de travaux ou de prestations.

Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) multiplie aussi les accusations dans les communautés ou les régions. Celui de Tolède accuse la présidente régionale, Maria Dolores de Cospedal, de la communauté de Castille-La Manche, d’avoir couvert « des commissions illégales » ayant bénéficié au PP. Le PSOE veut la traîner devant les tribunaux et le Parlement régionaux pour répondre de financements occultes. Le PSOE régional va plus loin en laissant entendre que la politique d’austérité et de réduction des services publics masque la dévolution de tâches au service privé avec, pour contrepartie, des commissions occultes.

En revanche, des anciens élus ou fonctionnaires de la mairie de Seville (PSOE) se sont retrouvés arrêtés récemment par la Guarde civile dans une affaire de marché truqué. Mais il ne s’agirait cette fois « que » d’enrichissement personnel.

Ces scandales interviennent alors que la Fef (Fundacion de Estudios Financieros) estime qu’en Espagne, « l’économie grise » (le marché du travail clandestin, les fausses facturations, &c.) a représenté environ un cinquième du PIB espagnol (contre 21 % pour l’Italie, dix pour la France et le Royaume-Uni), depuis 2010. Les deux-tiers de cette « économie souterraine » sont liés à la fraude fiscale (ou pour un tiers, au travail au noir). Les montants cumulés pourraient représenter 20 milliards d’euros.

Ces mauvaises nouvelles pour le PP interviennent alors qu’il doit faire passer une augmentation de plus de trois pour cent des tarifs d’électricité (+62 % en trois ans).

L’opposition a commencé à manifester sa rupture des relations avec la majorité PP en boudant des cérémonies officielles en raison de la présence de personnalités du PP, ainsi de la venue du ministre de l’Industrie à l’inauguration d’un parador nacional (établissement hôtelier patrimonial) dans les Asturies.

La réplique du PP est d’avancer que la divulgation des relations épistolaires entre Mariano Rajoy et Barcenas ne change rien puisque l’ex-trésorier du PP n’a rien obtenu, et que le président n’a rien à se reprocher, que les sources de ses revenus sont transparentes, &c.

Barcenas comparaîtra devant un juge demain matin, lundi, à 10 heures 30. Il a reçu voici une heure son nouvel avocat à la prison de Soto del Real (Madrid), lequel a déclaré qu’il emploierait tout ce qu’une telle défense nécessite. Le PP considère que la divulgation des échanges entre Rajoy et Barcenas constitue la « dernière cartouche » de ce dernier. Cela reste à vérifier…