J'avais d'abord résolu de ne pas l'évoquer : Eric Zemmour a porté plainte contre le rappeur Youssoupha, suite à une phrase à son encontre dans l'une de ses chansons. Le rappeur y "déclame" en effet, au milieu de de son morceau : "J'mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d'Eric Zemmour".

Le propos a été interprété comme une menace par Eric Zemmour et l'est depuis quelques temps déjà, par certains blogues. "Mettre un billet", "faire taire", cela vous a un petit air de scénario pour un de ces nanars que nous servent à la télévision nos chaines en mal d'inspiration.

Oui, j'avais décidé de ne pas en parler. Il y a tant de choses à dire, au-delà des élucubrations communes et attendues des rappeurs de nos cités, si prompts à se poser en victime de la société, et si peu enclin à se remettre en question!

 

 

 

Mais cela prend une toute autre allure avec les différentes prises de position. L'on s'amuse ici et là de ce qu'Eric Zemmour, dont la verve est bien connue, réagisse de manière si outragée, et par voie d'huissier, lui qui use de son verbe avec tant de hauteur et de facilité, en face de ses invités, durant ses chroniques télévisées.

Et cependant, les propos du rappeur sont assez expressifs : "faire taire" quelqu'un, pour un esprit un peu simple, c'est le faire taire… définitivement. Cela n'a rien à voir avec "contredire" quelqu'un, lui apporter la réplique, ce qui diffère de le soumettre à la question , de lui délier la langue ou de s'entretenir avec lui… Les mots ont un sens qui peut être dévoyé. Youssoupha peut-il l'ignorer?

Pour sa défense, il s'est fendu d'une tribune dans le journal le monde, article critiquable sur le fond, mais écrit dans les règles du bon français, avec ce qu'il faut de nuances dans le choix des mots, pour la compréhension du lecteur. Il n'y a pas une faute, pas un pli. Le rapeur maitrise suffisament le verbe pour en tirer ce qu'il en faut, au moins dans une tribune.

Faire taire quelqu'un… Cela vous a un double sens certain, surtout pour des esprits faibles, gavés à la série américaine et aux films de série B, surtout pour certains jeunes dévoyés, amateurs de rap, au fin fond de leur cité.

Il y a de la provocation dans les propos de Youssoupha, mais aussi dans sa tribune. Les rappeurs n'y apparaissent que comme des artistes qui s'expriment, censurés par une société bourgeoise qui les comprendrait mal, harcelés par des réactionnaires par trop rétrogrades. "Le faire taire? Il faut l'entendre dans le sens le plus élémentaire: le remettre à sa place, le mettre face à ses contradictions." dit-il dans sa tribune.

Le titre de la tribune est "Ces artistes fantômes que sont les rapeurs français". "Assimiler un rappeur à un agitateur dangereux n'est pas un fait très original." y proclame-t-il. Cette déclaration est bien trouvée mais laisse à penser que le discours du rap n'a pas un fond bien original, ni même rien de subversif. En réalité, Il trace, avec ironie, son propre portrait d'Eric Zemmour.

Il faut lire la tribune de Philippe Bilger. Tout y est dit : "Si j'étais Eric Zemmour, je retirerais ma plainte". Et quand c'est un Avocat Général près la cour d'appel de Paris qui vous le dit… La meilleure solution était bien, comme le dit Bilger, d'inviter le rappeur sur le plateau de Ruquier… pour voir s'il aurait pu "le mettre face à ses contradictions". On voit mal, d'ailleurs, le tribunal trancher dans sons sens…

La partie du texte incriminée donne, dans son paragraphe entier : "A force de juger nos gueules les gens le savent/Qu'à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards/ Chaque fois que ça pète on dit qu'c'est nous/J'mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d'Eric Zemmour".

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