Pour prétendre exercer dans la moyenne, grande, très grande ou « gigantesquissime » entreprise de vos rêves, il faut passer par la case départ : le recrutement.
Sauf si vous êtes archi-pistonné ou mieux encore, le fiston ou la fifille du CHEF SUPRÊME.
Dans cette configuration, vous passez directement à la case RH pour signer un contrat de travail que j’imagine avantageux compte-tenu de votre affiliation.

Cette case départ consiste, en gros, à montrer sa bouille sous son meilleur jour et à faire croire qu’on est LA personne de la situation et qui plus est, la meilleure. Bref, le candidat exceptionnel et parfait qui sera capable de tout faire, qui acceptera tout sans broncher et surtout sans faillir, qui s’entendra avec tout le monde même avec les emmerdeurs, les abrutis, les prétentieux, les connards et j’en oublie. Le candidat si recherché par le recruteur mais qui n’existe que dans une vision surréaliste dudit recruteur.

Le candidat que je nomme : le crocodile à 5 pattes = une rareté !

A une époque, il arrivait qu’on passe des test psycho-bidons mais j’observe que cela se pratique de moins en moins.
Je me souviens, dans une autre vie, avoir été convoquée pour passer des test durant un après-midi entier, tests tous plus soporifiques les uns que les autres.

Les tests consistaient, par exemple, à cocher en un temps record les lettres Z, D et U sur une page entière, les lettres Z, D et U étant mélangées à d’autres lettres, hiéroglyphes, chiffres et signes cabalistiques. De quoi vous faire loucher, avoir mal à la tête et avoir envie de vomir votre déjeuner !.
Et tous les tests étaient du même style, sans aucun rapport avec le poste à pourvoir tel que décrit dans l’annonce, les compétences requises et la profession à exercer.

A la mi-temps, la gamine désobéissante que je suis, la rebelle diront certains, l’anarchiste penseront d’autres – comme vous y allez – n’en jetez plus – en a eu assez de faire « mumuse » avec les tests et a mis à profit le besoin du recruteur qui me surveillait, dès fois que j’aurais triché, d’aller aux toilettes – et sans qu’on ne me propose d’y aller également – pour me barrer et planter là ce recruteur et ses tests à la con.

Aujourd’hui encore je ris de la tête qu’a bien pu faire ce recruteur en revenant du cabinet d’aisance ! Il y a des photos qui se perdent.

De nos jours on est bien plus subtil : morphopsychologie, ne vous pointez pas après un arrachage de dent avec une gonflette de la joue accompagnée d’un hématome arc-en-ciel, le recruteur en déduirait que vous êtes bagarreur et, de plus, l’entreprise n’a rien à faire d’un « elephant man », donc adios ! Graphologie, sachez, par exemple, que vous si vous liez bien les lettres de vos phrases, on en déduira que vous êtes intelligent, astrologie, boule de cristal et pendule.

On vérifie également si vous êtes sur les réseaux sociaux et quelles âneries vous y racontez, quelles photos vous montrez, quelles sont vos opinions politiques, sociétales, économico-existentialo-temporelles.

On vous pose des questions sur votre parcours, vos motivations – il faut montrer qu’on a la niaque – même si vous n’en avez aucune – ni motivation, ni niaque, z’êtes mal barré ! et même si vous n’avez besoin du job que pour payer les factures et les crédits que vous avez sur le palto et que, faire cela ou autre chose, vous vous en fichez éperdument.

On vous pose des questions auxquelles personne ne sait généralement quoi répondre – grand vide intersidéral – grand moment de solitude – se préparer vous dis-je, il faut se préparer ! – du genre : « quel est votre plus gros défaut, quelle est votre meilleure qualité », toutes questions très relatives car une qualité peut être vue comme un défaut pour quelqu’un d’autre selon la configuration mentale de chacun et lycée de Versailles !

On vous demande ce que vous pourriez apporter à l’entreprise et patata et carottes.

Relax Max, le recrutement est une pièce de théâtre dans laquelle chacun tient un rôle.

Si z’avez bien appris et répété votre rôle, ce sera « finger in the nose » !

Il faut, ainsi, regarder droit dans les yeux votre interlocuteur, vous asseoir confortablement et bien calé au fond du siège mais sans être avachi et attendre qu’on vous invite à vous asseoir, porter des vêtements neutres – éviter que le recruteur se focalise sur les pois roses bonbons de votre cravate, vos cheveux bleus ou sur les têtes de mort de votre chemise -, parler en faisant des phrases claires et courtes – absence d’esprit de synthèse et besoin de raconter sa vie, allez voir ailleurs -, mettre en valeur vos expériences mais en restant modeste, sans la ramener quoi, dire que vous aimez travailler, j’ai utilisé cette formule un nombre incalculable de fois et cela fait mouche à chaque fois !, ne pas baisser la cabeza quand vous répondez à une question, on penserait que vous mentez, être aimable et souriant sans être rigolard, être POSITIF et ne pas faire de phrases avec des – ne – pas – ni – ou des tournures négatives pour dire quelque chose de positif, ….

Pour parvenir à leurs fins, certains candidats, conscients de la rude concurrence, n’hésitent pas un instant, êtres sans scrupules et sans morale, à mentir sur leurs compétences, à enjoliver leurs parcours, leurs savoir-faire, leur savoir-être et tout le toutim, sur leur CV et en entretien.

C’est de bonne guerre et compte-tenu du parcours du combattant que représente, bien souvent, la case recrutement.
En effet, le recrutement peut comporter un tel nombre d’étapes que certains n’iront jamais jusqu’au bout, chaque étape pouvant être éliminatoire : entretiens avec 1, 2 ou 3 représentants des ressources humaines chargés de l’écrémage puis entretien avec le N+1, généralement un directeur, puis entretien avec un sous-directeur puis entretien avec le responsable puis entretien avec la personne avec qui vous travaillerez en direct – z’avez intérêt à lui plaire – et parfois, pour clore ce parcours bétonné, un entretien avec le N+2 pour recueillir son ressenti.

Ce parcours peut être programmé en sens inverse, les entreprises n’ayant pas la même logique dans leur politique de recrutement, et beh oui, qu’est-ce vous croyez, il y a une politique du recrutement dans la majorité des entreprises, m’enfin.

J’ai observé de nombreuses fois que le recrutement pouvait ainsi durer 6 mois et plus !
Bon, les directions des ressources humaines dans les grandes et très grandes entreprises et qui relèvent plus de l’armée mexicaine qu’autre chose, doivent justifier le nombre dément de personnes qui travaillent dans ces directions.
Vous savez, c’est comme dans les directions de la communication, on y trouve un nombre de personnes et de stagiaires de dingue.

La plus grosse angoisse de l’entreprise est de se planter et de se retrouver avec un individu dont il pourrait être difficile de se débarrasser et bien que grâce à « El Connerie » et au gouvernement actuel, il soit devenu plus simple de virer les salariés.

Ainsi voit-on, dans certaines entreprises, ce que j’appelle « les clones », autrement dit des salariés recrutés sur des critères identiques, qui ont sensiblement les mêmes parcours, les mêmes attitudes, les mêmes manières de : penser, considérer, travailler, s’habiller, …
Certains nomment cela la « culture d’entreprise », concept prompt à faire passer des vessies pour des lanternes, c’est moins dérangeant que de parler de clonage, n’est-ce pas ?
Ceci est le fait d’entreprises qui n’ont pris aucun risque lors des recrutements. Personne ne détonne dans ce monde du travail bien lisse et où tout le monde se ressemble.

Aucun look expérimental, aucun mot de travers, aucune fantaisie vestimentaire ou capillaire, vous pouvez mettre au placard vos piercings, tatouages, bijoux fantaisies, vêtements différents et autres signes qui font « genre » ou mauvais garçons, bande de révolutionnaires que vous êtes !

Votre chroniqueuse, qui en bonne méditerranéenne qu’elle est, raffole des couleurs et des motifs, porte des vêtements uniques en leur genre, très colorés et très « motifés » mais chics quand même, pas hippie hein, suis pas zinzin, ai besoin de croquer et ne veux pas me faire lourder manu-militari. Des collègues attentionnés, régulièrement, mine de rien, l’air de ne pas y toucher, dans le style : « j’y vais, j’y vais pas, je lui dis, je lui dis pas », lui font remarquer que ses vêtements sont très colorés. La remarque ne se veut pas un reproche parce que les collègues pressentent bien que si reproche il y avait, ils se feraient envoyer sur les cactus mais le message est régulièrement transmis, sous-entendu : « tu es la seule à te vêtir de la sorte ici où le style est très classique ».

Votre chroniqueuse se contrefiche de ces remarques ambigües et, quand elle a besoin de renouveler ses vêtements, en achète des encore plus colorés, nanananèreureureureu !

Dans les petiotes entreprises, c’est plus simple, on a moins peur de se planter lors du recrutement et, de plus, la proximité avec le patron, le boss étant différente, le parcours est moins long et on se décide rapidement parce qu’on a d’autres hérissons à fouetter que de passer 6 mois à recruter.

Dans le groupe où j’exerce et c’est la première fois que je constate cela dans ma carrière parmi les plus de 35 entreprises privées où j’ai exercé mes talents irremplaçables – oh que ça fait du bien de se passer la crème chantilly à soi-même ! -, le recrutement et manifestement depuis longtemps, a abouti à une pyramide inversée. Il y a plus de vice-présidents, directeurs, sous-directeurs et responsables que d’employés, cherchez l’erreur !

Résultat, un nombre incompressible de mecs bien en-costumés et en-cravatés brassent de l’air toute la journée et c’est à celui qui le brassera en ayant l’air le plus occupé, charrette-deborded, ….

Bienvenue dans le monde merveilleux de l’entreprise !