Matthew Maynard, un Gallois, recherché pour un cambriolage, a envoyé une photo de lui à un journal des Galles du Sud. Cela remémore le fameux Patrick Brice qui, recherché pour évasion à la suite d’attaques à main armée, donnait de ses nouvelles au Pays de Franche-Comté…

J’avais l’intention, aujourd’hui, de vous parler de l’exposition collective de masques à la galarie parisienne Le Cabinet d’amateur, avec notamment Roma Napoli, Hélène Lhote, Anne Le Trocquer. Cela ne dure que jusqu’au 15 novembre, et c’est très drôle. Aussi de la nouvelle exposition à la galerie MarassaTrois (89 bis, rue de Charenton, métro Gare de Lyon), avec deux artistes originaires d’Haïti, Valérie Placide Zéphyr et Eddy Saint-Martin. Mais, franchement, cette histoire est trop cocasse pour ne pas sauter sur l’occasion de rappeller les riches heures du narquois Lupin belfortin.

Et quand j’ai lu qu’un suspect britannique en cavale avait posé devant un fourgon de police puis envoyé sa photo à un journal gallois, The Evening Post, un souvenir de Patrick Brice m’est revenu en mémoire…

 

Matthew Maynard, le présumé cambrioleur recherché par la police du sud du Pays de Galles, est-il en mal de notoriété ? Peut-être. Ce ne fut pas vraiment le cas de Patrick Brice, d’abord surnommé le « Gentleman braqueur » puis l’évadé français nº 1. Son livre, L’Amour à main armée, chez Denoël, relate peut-être cet épisode un peu « mariole », qui avait réjoui, vers la fin des années 1970, la rédaction du quotidien Le Pays de Franche-Comté. À l’époque, Patrick était encore dans la région de Belfort où il avait débuté une série d’attaques à main armée. Il fuyait vite en moto et voulait se faire oublier mais faisait encore parler de lui en envoyant des fleurs à une caissière d’agence bancaire qui nous avait déclaré que la visite impromptue du braqueur l’avait traumatisée.
Comme c’était un ancien de l’usine Alsthom, qu’il avait eu pas mal de copains, que son culot et sa prestance – il était plutôt beau garçon – lui valaient quelques sympathies, la presse locale, soit L’Est Républicain et Le Pays de Franche-Comté, le choyaient quelque peu. Mais c’est au Pays qu’il devait adresser la carte postale qui fit sursauter le commissaire Tannière, alors directeur départemental des polices locales.

À cette époque, Patrick Brice n’était pas encore devenu l’amant, puis le mari de Laurence, cette jeune fille du Maine & Loire qui le croyait électricien, posant des lignes pour EDF, alors qu’il filait commettre son cinquième ou sixième braquage (il s’arrêtera à 23, toujours sans tirer pour blesser ou tuer, mais une quarantaine lui sont attribués). Il fréquentait une jeune fille qui travaillait à l’occasion dans la boîte de nuit de son père. Lequel, bien connu des services de police, était un ferrailleur un peu irascible. N’avait-il point, une fois, menacé d’une carabine l’alors encore jeune Gaby Goguillot, chef d’agence de L’Est républicain, à la suite d’un article qui ne lui avait pas plu ?

Et voici qu’un soir le commissaire Tannière annonce qu’il a fait tomber le personnage pour… prostitution hôtelière. Bref, il aurait fait transformer sa boîte en maison claque, en maison de passe. Il se trouvait que le juge d’instruction d’alors, qui était le fils de la patissière du bas de la rue Saint-Aubin à Angers, que j’avais fréquentée dans mon enfance, ne disait jamais rien à la presse. Mais pour la circonstance, je lui téléphonai. Interprétant ses silences ou ses grommellements (dubitatifs lorsque, venu à ce chef d’inculpation, j’essayai de lui faire infirmer ou confirmer que la petite amie de Patrick Brice faisait des passes). Du coup, ma conviction était faite : le commissaire Tannière avait voulu charger le casier du papa. Des mauvaises langues, du côté de la Vieille Ville, et des buvettes des policiers, iront jusqu’à prétendre que c’était plus pour « attendrir » la jeune personne que son père. Allons donc… Je crois que, depuis les entretiens de Mesrine à la presse, ce fut l’une des rares fois où la presse donna la parole à un inculpé présumé si fortement coupable par la police. La sortie du Pays de Franche-Comté risqua même le retard de mise en kiosques pour publier son avis. Du coup, dès le soir, les faits-diversiers du quotidien se retrouvaient privés de main courante et des fameuses conférences du directeur départemental. Cela dura, je crois, trois mois. On peut comprendre que la presse soit surnommée « radio flics » par les malfrats. Ne pas avoir des faits-divers de source policière, c’est prêter le flanc à la concurrence. Laquelle, confraternellement, nous refilait un minimum de tuyaux s’il advenait une affaire importante. À nous de trouver des sources à peu près fiables…

Patrick Brice n’avait pas oublié l’épisode. Un beau jour, alors qu’il en était à sa première ou  seconde évasion, vers 1982, crois-je me souvenir, et en cavale depuis quelques temps, la rédaction du Pays reçut une bien étrange carte postale. Il s’agissait d’un montage avec le dessin d’un vacancier peinard et détendu, voire moqueur à l’égard de ceux restés au boulot, voire à ses trousses, et la photo d’un champ de lavandes. La légende : « Bons baisers d’un pays où l’on respire à pleins poumons ». Malin, Patrick avait dû poster cette carte dans une enveloppe à destination d’une ou d’un complice belfortain car la flamme postale (il en existait alors) et le tampon de la Poste « faisant foi » étaient celles d’un bureau belfortain. Bien évidemment, nous avons publié tant le verso que le recto…

Par la suite, c’est Rémi Lainé, journaliste du Pays devenu coauteur et genre du cinéaste et documentariste Daniel Karlin, qui allait devenir le chroniqueur des braquages et évasions de Patrick Brice. Après qu’il eut, avec Laurence, devenue sa femme, pris des otages pour s’évader de la prison de Moulin Izeure, Rémi Lainé lui trouvera un avocat, Jean Gonnin, ancien associé de Raymond Forni lors de l’affaire de Nicole Mercier (l’histoire du tract « Apprenons à faire l’amour » lu en classe de philosophie, en 1973). Jean Gonnin, qui avait été le défenseur de Pena, dit « l’abbé Pena », et de divers copains (voire aussi que quelques coquins), était tout indiqué. Élizabeth Guigou, qui avait, en tant que Garde des Sceaux, une autre stature qu’une Rachida Dati, allait faire en sorte que Patrick Brice puisse bénéficier d’une conditionnelle de 2000 à 2005. Le livre de Patrick dit peut-être si elle reçut, comme un policier qui s’était montré humain envers lui, une bouteille de champagne. Patrick et Laurence Brice vivent à Rougegoutte, et le commissaire Tanière a sans doute fait une belle carrière. Jean-Pierre Chevènement l’avait fait muter à Paris, aux services centraux.

Si un jour Matthew Maynard se mettait au français en prison, et qu’il ait lu ces lignes, qu’il me communique son adresse : je lui enverrai volontiers le livre de Patrick Brice…