Le choix de son métier ne serait pas l’oeuvre du hasard !?

Mais pourquoi j’ai choisi d’accompagner des enfants en grande souffrance psychique sur le chemin d’une guérison hypothétique et espérée?

De longues années de thérapie et de recherche personnelle m’ont amenée à contacter en moi une petite fille en grande souffrance psychique …. comme Charlène, l’une de mes petites protégées, qui me renvoie chaque jour en miroir ma souffrance et mon humilité

Aider ces enfants, c’est aider la petite fille malade en moi ; Aider la petite fille malade en moi, c’est aider ces enfants.

 

Charlène est une petite fille intelligente qui a la capacité de verbaliser les voix et les phobies qui la hantent, mais cela ne suffit pas à la soulager. Dès qu’une peur disparaît, une autre apparaît, nouvelle ou récurrente, au travers de son discours et de son comportement.

Au prise avec ses délires incessants et persécuteurs, et une incohérence verbale ne permettant aucun échange lucide et constructif, Charlène incarne sa folie.

L’intervention de l’adulte pour stopper les débordements suscite des réactiions systématiques de paranoïa, de victimisation, de culpabilisation …

" Je vais le dire à tout le monde que t’es méchante avec moi !

  Je ne suis pas méchante avec toi, mais avec ce qui est méchant en toi et avec toi ! "

Ces paroles finissent par faire sens et par apaiser 

" Je sais c’est pas contre moi, mais contre la bête dans ma tête ! "

 

La poterie et la peinture sont des modes d »expression privilégiés pour cette enfant à l’imaginaire débordant, qui a aussi une compréhension fine du travail proposé.

Lors d’une séance de modelage, il est suggéré à Charlène de faire un pot, d’y mettre ses peurs en les nommant une par une, de refermer le pot, puis de détruire le pot avec ses peurs dedans …

Soulagée et contente, avec chaque fois un sentiment d’avoir " de l’air dans sa tête ", Charlène utilise cette stratégie libératrice dès qu’elle en ressent la nécessité jusqu’à  réussir, de manière ponctuelle mais signifiante, à prendre du recul vis à vis de ses peurs.

 

Pourtant chaque nouvelle expérience ou situation restent anxiogène pour cette courageuse petite fille, qui passe alors  de la fermeture boudeuse à la plainte pleurnicharde jusqu’à la menace …

Dans ces phases elle fait montre d’une opposition bornée et acharnée, d’une mauvaise foi éprouvant toute proposition d’aide telles qu’elle finit par épuiser les meilleurs soignants ; elle met à mal jusqu’à susciter renoncement, abandon ou rejet.

Il ne reste alors que le câlin silencieux …

Accueillir Charlène, sa folie, ne pas discuter, ne pas négocier, ne pas tenter de convaincre, ne pas discuter vainement avec la bête qui veut toujours avoir le dernier mot.

Imposer le silence par le silence, dans des bras ouverts et maternants.

Ces câlins infatigables et inconditionnels durent le temps que Charlène s’apaise …

Un profond soupir, un " ça va mieux ! " en marquent la fin.

Une porte s’est ainsi ouverte dans l’univers fermé de sa folie …