une combattante de la liberté, n’est plus.
Ma vie a été «tragique, hippique et belle» ce sont les mots de son discours à Oslo le 19 mai 2009. Invitée par le président du Forum Thor Léonardo Halvorssen Mendoza, à cette conférence, il lui a demandé de parler de sa vie, de ses souffrances endurées et de la manière dont elle les a surmontées. Aujourd’hui tout cela me semble vraiment inutile dit-elle. Je dirai seulement quelques mots sur ma vie, tragique hippique et belle, que ceux qui veulent des détails lisent mes deux livres «Seule ensemble», et «Mères et filles». Ils ont été traduits dans de nombreuses langues. Lisez les mémoires de Sakharov . Dans l’ombre de son mari le physicien prix Nobel de la paix en 1975 Andréï Sakharov, père de la bombe H, la Tsar bomba Soviétique, fut reconnu en Occident comme l’un des symboles de l’opposition avec l’écrivain Alexandre Soljenitsyne. Elle fut pendant 20 années une figure majeure pour la lutte des droits de l’homme en Union Soviétique. La porte-parole des sans voix de l’ère Soviétique et post Soviétique.
Document Vosges matin.
Elle est décédée d’une crise cardiaque à l’âge de 88 ans samedi 18 juin à Boston aux États-Unis ou elle vivait avec ses enfants. Ni le Kremlin, ni les services du Premier ministre Vladimir Poutine n’ont réagi officiellement à son décès annoncé plus de 24 heures auparavant. Un porte-parole du Kremlin, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a estimé que le président Dmitri Medvedev n’émettrait pas de réaction officielle. «Il semble que non», a-t-il répondu, interrogé par l’AFP sur cette question. Un autre porte-parole, interrogé plus tard dans la journée a renvoyé à des déclarations du délégué russe aux droits de l’homme auprès du Kremlin, Vladimir Loukine. Un autre conseiller du Kremlin pour les droits de l’homme, Mikhaïl Fedotov, a de son côté rendu hommage à l’ancienne dissidente.
«C’est une tragédie pour tous ceux qui ont à cœur la liberté, l’humanité, l’honnêteté», a dit Mikhaïl Fedotov, interrogé par la radio Écho de Moscou.
Les États-Unis ont rendu hommage dimanche à l’ancienne dissidente, la qualifiant de «voix extraordinaire parmi les défenseurs des droits de l’homme dans l’ancienne Union soviétique et la Fédération de Russie», dans un communiqué du département d’État. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a évoqué le «courage» d’Elena Bonner, dans sa lutte commune avec Sakharov pour «les libertés fondamentales et la dignité humaine».
Après une cérémonie funéraire à Brooklyn, mardi 21 juin, ses cendres devaient être déposées au cimetière Vostriakovski de Moscou, là où est enterré son époux, mort en 1989.
Née le 15 février 1923 à Mary une ville du Turkménistan de père arménien et de mère juive, Elena Bonner a été élevée par sa grand-mère, Batania, qui lui transmit une culture judéo-russe, plutôt conservatrice. Son père Gevork Alikhanov était un membre actif du Komintern, l’Internationale communiste, pendant la révolution en Transcaucasie, côtoyant ainsi le Maréchal Tito et Gueorgui Dimitrov futur dirigeant communiste de la Bulgarie. Sa mère Ruth Bonner d’origine Sibérienne rejoint le parti communiste en 1924 et s’intéresse peu à ses enfants. Elena Bonner a 14 ans quand son père fut arrêté en 1937 par les Grandes purges staliniennes, il fut fusillé l’année suivante. Sa mère condamnée à 8 années au camp de Karaganda dans le Kazakhstan passera 18 ans entre le camp, la prison, et l’exil. Elle fut donc élevée par sa grand-mère avec son jeune frère.
Le poète Vladimir Kornilov, qui a eu le même destin, a écrit :
«Dans ces années-là il semblait que nous n’avions pas de mères. Nous avions des grands-mères».
Il y avait des centaines de milliers de ces enfants-là. Ilya Ehrenburg les nomma «les étranges orphelins de 1937».
Elena Bonner reprend ses études et s’investit comme infirmière lors de la seconde guerre mondiale ou elle fut blessée à deux reprises. Après la guerre, elle intégra l’Institut médical de Léningrad ou pendant six années de privations et de pauvreté elle devint pédiatre, et se maria avec un médecin de Leningrad et eu deux enfants, Alex et Tatania auprès de laquelle elle a vécu ses dernières années à Boston. Mais elle n’était pas seule tout le monde vivait ainsi. Après la déstalinisation lancée par Nikita Khrouchtchev en 1956, elle entra au parti communiste, «la plus grande erreur de ma vie dira-t-elle» quelles que années plus tard, elle cessera de payer ses cotisations de membre en 1968 après l’invasion de la Tchécoslovaquie par le pacte de Varsovie qui mit fin à ses espoirs de libération du régime communiste, un geste sacrilège en Union Soviétique.
A cette époque Elena Bonner était engagée depuis plusieurs années dans le mouvement des droits de l’homme, et c’est ainsi qu’elle rencontra Andréï Sakharov en 1970 à Kalouga, une petite ville à 100 kms de Moscou ou ils étaient venus assister au procès de deux dissidents. Ils se marièrent en 1972 et Elena Bonner devint son ambassadrice dans le monde. Elle représenta en 1975 son mari empêché par les autorités Soviétiques de se rendre à Oslo pour recevoir le prix Nobel de la paix.
Immeuble du quartier à la périphérie de Scherbinki, à Nijni Novgorod, anciennement Gorki, dans lequel Andreï Sakharov et Elena Bonner vécurent leur exil surveillé de 1980 à 1985. Leur appartement est aujourd’hui un musée.
«Nous étions absolument libre dans un État qui ne l’était pas», aimait à rappeler Elena Bonner évoquant ses années de luttes avec Sakharov. En 1980, Sakharov fut assigné à résidence à Gorki, une ville interdite aux étrangers à 500 kms à l’est de Moscou pour avoir dénoncé l’intervention Soviétique en Afghanistan. Elle devint son seul lien avec l’extérieur. En 1984, elle fut à son tour condamnée à 5 années d’exil à Gorki pour avoir systématiquement diffusé des infos calomniant l’Union Soviétique. Un an plus tard, elle reçut un appel de Nikhaïl Gorbachov annonçant la levée de l’exil de son mari. Après le décès de celui-ci le 14 décembre 1989, elle poursuivit son combat, elle devint membre de la commission des droits de l’homme du président Boris Elsine, mais le quitta lors de l’intervention en Tchétchénie. Ces dernières années, elle ne ménagera pas ses critiques envers Vladimir Poukine qu’elle considéra une menace pour les libertés et les droits de l’homme en Russie.
Dans son discours à Oslo le 19 mai, elle dit les pays Occidentaux ne sont plus vraiment intéressés à Sakharov.
«L’Ouest n’est pas très intéressé par la Russie non plus, un pays qui n’a plus de vraies élections, plus de tribunaux indépendants ou de presse libre. La Russie est un pays où journalistes, activistes des droits de l’homme et immigrés sont régulièrement tués, presque quotidiennement. Une corruption extrême fleurit, d’une manière et avec une ampleur qui n’avaient jamais existé auparavant en Russie, ni nulle part ailleurs. Mais de quoi discutent principalement les médias occidentaux ? Du gaz et du pétrole dont la Russie est très riche. L’énergie est son seul atout, et la Russie l’utilise comme un instrument de pression et de chantage. Et il y a aussi un autre sujet qui ne disparaissent jamais des journaux, qui gouverne la Russie ? Vladimir Poutine, ou Dimitri Medvedev ? Mais quelle différence cela fait-il, puisque la Russie a complètement perdu la dynamique pour un développement démocratique que nous pensions avoir perçue, au début des années 90. La Russie va rester ce qu’elle est maintenant pendant des décennies, à moins qu’il ne se produise un bouleversement violent», lire la suite ici.
Andeï Sakharov et Elena Bonner