Depuis la destitution par l’armée de Mohammad Morsi le 3 juillet dernier, la situation en Egypte va de mal en pis. Le procès intenté par les justiciers autoproclamés contre le raïs au pouvoir éphémère, pour incitation au meurtre, n’a rien d’expéditif ; il va au contraire de report en report comme un feuilleton que l’on s’ingénie à faire trainer en longueur, histoire de déverser au passage un peu de fuel pour fanatiser encore plus les foules. 

Alors qu’on reprochait au président Morsi, élu démocratiquement, sa répression sanglante des manifestants, les nouvelles autorités font bien pire désormais ; à côté les  Ikhwan  éjectés de force du pouvoir font figure d’enfants de chœur et pour cause : le maréchal Abdel Fatah al Sissi ne semble tolérer que les caresses qui vont dans le sens du poil. Vingt journalistes en ont fait les frais ces derniers temps. 

Considérés comme étant « des militants pro-frères musulmans », ils sont sur la sellette  et deux d‘entre eux, Peter Grest et Mohammad Adel Fahmy sont derrière les barreaux depuis un mois (vidéo ci-dessous) ; il est reproché à seize Egyptiens leur « appartenance à une organisation terroriste » ainsi que leur volonté de fomenter la fitna ; ils sont par ailleurs taxés de collusion avec quatre ressortissants étrangers, dont deux Britanniques, un Australien, une Néerlandaise. 

Cette dernière prénommée Rena Netjes, s’est exposée aux foudres de cette inénarrable justice post-Morsi  pour avoir diffusé, via Al Jazeera, « de fausses informations».  La tyrannie de la pensée unique dans toute sa splendeur ! 

Alors que se multiplient les arrestations à l’encontre de journalistes jugés brebis galeuses, Rena Netjes a réussi de justesse à fuir l’Egypte pour se mettre à l’abri des sanctions qu’elle encourt. Ces poursuites injustifiées, des épées de Damoclès contre le journalisme, contre la liberté d’expression en général, incarnent d’éloquents signaux en direction des Egyptiens destinés sans doute à les remettre au pas. 

D’ailleurs les antennes qui ne chantent pas les louanges du nouveau pouvoir n’ont plus droit à la parole. Après avoir supprimé la voix de la confrérie, Al jazeera a subi le même sort. De ce fait les crispations entre le Caire et Doha sont montées d’un cran. Le ministère des Affaires Etrangères égyptiennes demande à Doha l’extradition des islamistes qu’il protège sur son territoire. 

En définitive, tous les bénéfices engrangés au prix de larmes et de sang sur la place Tahrir semblent avoir volé en éclats avec le retour en force des Baltaguiya. Et surtout avec le retour qui se profile de Hosni Moubarak via la personne de Abdel Fatah al Sissi dont l’investiture à la présidence est quasi-certaine. 

Contrairement à la Tunisie qui a réussi à enclencher un processus de transition démocratique, la Terre des pharaons, en dépit de tous les gigantesques efforts déployés, continue de faire du surplace. Cette région du monde est décidément sous une emprise qui la dépasse totalement ; on a beau avoir l’impression de faire des révolutions, on se retrouve toujours ballotté au gré d’impératifs, d’intrus, pour ne jamais retomber sur ses pieds. C’est que l’enfer est pavé de bonnes intentions…

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