Le mouvement de grogne des agents des deux compagnies énergétiques françaises dure maintenant depuis cinq semaines. Le dialogue semble être rompu entre la direction qui refuse de faire plus d’efforts et les salariés qui se disent prêts à aller jusqu’au bout.

Le mouvement social qui secoue les fournisseurs d’électricité et de gaz depuis un mois et demi est représentatif du climat de l’hexagone en ce moment. L’explosion du nombre de manifestations de plus en plus extrêmes et les difficultés économiques ont eu raison de la patience des employés. Ils exigent une revalorisation de leurs salaires à hauteur de 10% ainsi qu’une prime de 1500 euros. Autre revendication importante, les agents demandent à leur direction de cesser les externalisations et le sous traitement. Ils craignent d’y voir un signe annonciateur d’un service public agonisant. 

Principal moyen de pression pour les manifestants, l’approvisionnement énergétique est victime de nombreuses attaques depuis le début de cette grève. Des coupures d’électricité ou de gaz ont eu lieu partout en France, touchant plus sévèrement les régions Nord et Ile de France. L’objectif poursuivi était d’arrêter l’alimentation de sites symboliques, bâtiments publics, locaux de partis politiques, logements d’élus ou zones industrielles. Pour de multiples raisons, négligences, pertes de contrôle des actions ou malveillances, les victimes collatérales ont été multipliées. Des quartiers d’habitations, des commerces, des entreprises ont ainsi été touchés. Exemple le plus grave de ces accidents, l’hôpital de Douai a été privé d’électricité pendant 45 minutes. 

Pour les manifestants, ce type d’actions est hélas le seul moyen de se faire entendre de la direction et des politiques. Leur souhait n’est pas de nuire à la population mais ils n’ont trouvé aucun autre moyen de pression pour faire entendre leurs revendications. Comme pour les mouvements sociaux d’autres services publics, le message est plus ou moins bien perçu par les Français. Certains comprennent et respectent le combat des salariés de l’énergie tandis que d’autres reprochent la méthode, terriblement pénalisante pour les entreprises qui traversent également une période économique et sociale difficile. 

En réponse à cette radicalisation de la grève, la direction a décidé de couper les négociations, refusant de discuter sous la menace d’actions de « sabotage ». Après avoir accepté la revalorisation des salaires à hauteur de 3%, les dirigeants des deux compagnies ont fait l’impasse sur les autres revendications. A présent, ils lancent des mesures disciplinaires et judiciaires à l’encontre d’agents ayant pris part à des coupures d’énergie.Plusieurs employés ont ainsi été convoqués au court de la semaine. Leurs collègues ont ainsi mis en place une nouvelle action sociale : après la séquestration des patrons, la séquestration des syndicalistes. Les agents accusés ont ainsi été retenus par les autres militants qui ont estimé que quelques individus ne devaient pas avoir à assumer des actions collectives. Certaines plaintes de la direction ont ainsi été annulées afin d’éviter d’entretenir les tensions. 

Les dirigeants rappellent qu’il n’est pas possible actuellement d’accéder à toutes les demandes des salariés. EDF et GDF souffrent comme d’autres secteurs de la crise économique, en particulier du fait des baisses d’activité et donc de consommation énergétique des grosses industries. La tempête Klaus a également mis en difficulté les deux groupes avec un coût estimé à environ 300 millions d’euros. 

C’est pourtant bien une question de salaires qui est à l’origine de l’explosion de colère des agents lorsqu’ils ont appris les salaires de leurs dirigeants dans la presse. Pierre Gadoneix, PDG d’EFG aurait ainsi vu son salaire passer de 760 000 à 900 000 euros en même temps que celui de Jean-François Cirelli, vice-président de GDF-Suez grimpait en flèche de 460 000 à 1 300 000 euros.    

 

Illustration : Françoise Bessières.