Ce lundi, vers onze heures trente heures locales, une corvette nord-coréenne a pénétré dans les eaux territoriales de Corée du Sud. Une corvette sud-coréenne a alors procédé à des tirs de semonce pour dissuader " l’agresseur", mais ce dernier a immédiatement ouvert le feu contre le navire sud-coréen, l’obligeant à riposter. Le bateau nord-coréen, endommagé, a finalement rebroussé chemin.

Ce n’est pas la première fois que de tels incidents se produisent à cette frontière maritime non reconnue par la Corée du Nord, on se souvient en effet que le 15 juin 1999 la marine sud-coréenne avait coulé un torpilleur nord-coréen – provoquant la mort d’une trentaine de marins – et que le 29 juin 2002, un nouvel affrontement naval faisait perdre un bâtiment à chacun des deux pays.

À la suite de ce nouvel incident, Séoul a accusé Pyongyang de vouloir faire monter la pression internationale en provoquant délibérément de tels accrochages. Depuis 2008 en effet les relations entre les deux Corée n’ont cessé de se détériorer, la Corée du Nord suspendant d’ailleurs tous les accords avec son voisin du sud.

En mai 2009, le gouvernement nord-coréen faisait savoir au monde qu’il ne s’estimait plus lié par l’armistice signé à la fin de la guerre de Corée, puis procédait à un nouvel essai nucléaire (voir article : La Corée met sa menace nucléaire à exécution).

Mais en cette période de commémoration de la chute du mur de Berlin, il serait bon d’avoir une pensée pour ce pays où se dresse un autre mur, pays qui, de par sa position sur le chemin des grands mouvements de peuples dont l’Asie du Nord-est a été le théâtre au cours de l’histoire, s’est retrouvé être le champ de bataille des puissantes confédérations barbares qui se sont succédé, et celui des impérialismes asiatiques tels le japonais ou le chinois.

Le sort de la Corée ne s’est pas arrangé durant l’histoire récente, puisqu’après avoir été soumise au Japon dès 1910, elle fut scindée lors la conférence de Yalta et l’une de ses moitiés fut "offerte" par Roosevelt à Staline en remerciement pour l’intervention soviétique contre le Japon à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

  Tout le monde connaît la suite et la fameuse guerre de Corée qui vit se dresser un mur idéologique sur la frontière de 1945, mur dont les fondations sont profondément ancrées dans le sang puisque Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, qui comptait 400.000 habitants en 1950, n’en comptait plus que 80.000 à la signature de l’armistice en juillet 1953, habitants qui durent survivre dans une ville complètement dévastée. 

On peut donc se demander s’il subsiste encore un sentiment national, alors que les périodes d’unification et d’indépendance ont été si rares dans l’histoire coréenne, et que l’idéologie, l’enseignement, la culture, tout sépare désormais les deux pays depuis plus d’un demi-siècle.

La solution pour rapprocher les deux morceaux ne serait-elle pas d’enfin reconnaître pleinement la Corée du Nord qui, pour mémoire, n’est toujours pas reconnue par la France qui reste alignée sur la position des États-Unis.

Mais cette reconnaissance, si elle n’a pas pour objectif d’encourager le régime de quasi-autarcie imposé par le dictateur Kim Jong-il, pourrait ouvrir un peu plus le pays à l’aide étrangère, ce qui devrait permettre de mieux assister la population qui, depuis la contraction de l’aide fournie par l’Union soviétique et la Chine, est victime d’une disette récurrente, ce qui a déjà entraîné plusieurs émeutes « de la faim » dans les grandes villes du pays.

La Corée du Sud, qui est directement concernée par la question, est d’ailleurs favorable à la reconnaissance de son ennemi du nord et souhaite la normalisation des relations entre Pyongyang et les puissances occidentales. De nombreux experts sud-coréens verraient même dans une implication plus grande de la France, l’occasion de se libérer de la pesante tutelle américaine.

Notre gouvernement oserait-il prendre pareille décision sans se soumettre au diktat de Washington, et nos hommes politiques auraient-ils le courage de s’impliquer plus dans cette région abandonnée par la diplomatie française, pour tenter d’y semer les germes des droits de l’homme qui nous sont si chers ?

Nous l’espérons, c’est d’ailleurs peut-être le motif de l’actuelle visite de Jack Lang à Pyongyang, à moins que ce dernier ne se soit rendu en Corée du Nord que pour transmettre les exigences américaines concernant le programme nucléaire coréen.

Sources :

A. Fabre, Grande Histoire de la Corée, Favre, 1988

C. Delmas, Corée 1950, paroxysme de la guerre froide, Complexe, 1982

« La Corée », in Géopolitique, no 56, hiver 1996-97

Pierre Rigoulot, Corée du Nord, état voyou, Buchet-Chastel, 2007

Korean navies exchange fire, CNN, November 10, 2009

Corée du Nord: Jack Lang, l’envoyé spécial de la France, reçu par le chef de la diplomatie , AFP, 2009