DSK, drame bourgeois. Vous en êtes las ? C’est ce qu’il vous convient de dire quand les conversations sur la pluie et la fraîcheur estivale se sont taries. Et pourtant… Pourtant, après l’insémination présumée de Rachida Dati, l’automne vous verra commenter l’accouchement de Carla Bruni : épisiotomie, déclenchement, césarienne, ligature des trompes ? Puis, on oubliera que, par exemple, les affaires DSK montrent déjà à quel point les témoignages ne valent pas preuves et que dans le doute, il est bien difficile d’en faire bénéficier coupables ou victimes…

Avant de revenir – aussi brièvement que possible – sur les rebondissements des affaires de Dominique Strauss-Kahn, un mot quand même sur les photos de Carla Bruni dans Gala. Elles sont reprises d’une exclusivité programmée avec Nice-Matin tandis que, pour celles, « volées » de Paris-Match, le Canard enchaîné commente : « Murdoch peut aller se rhabiller ! ». « Moralité », la Première dame fait semblant de vouloir poursuivre Gala pour la publication d’une photo officielle sans s’émouvoir des clichés « choc » qui se passent de mots. Jean Prouvost († 1978), l’ancien patron de Match (et Paris-Soir, France-Soir, Marie-Claire, Le Figaro, Télé 7 jours…), n’aurait pas été le dernier à s’en amuser. Commentaire des bonnes gens : « toute seule, Carla Bruni ne se lancerait pas là-dedans. ». C’est à voir, et il en est narré tout autant de Nafissatou Diallo ou de Tristane Banon, histoire d’en dire quelque chose avant de passer à une autre…
C’est pourquoi les plaintes en diffamation de Dominique Strauss-Kahn et de sa première femme, Brigitte Guillemette, contre Tristane Banon ou Anne Mansouret font encore la couverture des quotidiens et des hebdomadaires. De même, les « mises en garde » des uns (avocats de DSK) ou des autres (généralement des personnalités de l’opposition) alimentent les rubriques en cette « silly season » (celle des marronniers, des sujets rabâchés, des infos insignifiantes montées en épingle).

Tristane Banon pourrait-elle témoigner à New York ? Nafissatou Diallo envisagerait de saisir les tribunaux français…

Il y a bien sûr le drame bourgeois. Brigitte Guillemette aurait confirmé qu’Anne Mansouret lui aurait indiqué qu’elle était la maîtresse de son ex-mari, DSK, et que toute l’histoire de Tristane serait vite enterrée.
Aujourd’hui, Anne Mansouret défend la réputation de sa fille tandis que Brigitte Guillemette contre-attaque, évidemment pour protéger la sienne, Camille Strauss-Kahn, aussi, accessoirement afin de laisser entendre que des responsables socialistes, tel François Hollande, pouvaient fort bien avoir minoré à raison la portée d’un incident s’étant déroulé sans plus de témoin extérieur que le rapport « brutal », consenti ou non, de la suite 2806 du Sofitel de New York.
Xavier Graff, le « gestionnaires des risques » du groupe Accor, sera admonesté pour avoir adressé largement un courriel rédigé ainsi : « au Sofitel NY, nous avons réussi à “faire tomber” DSK. Nous espérons que l’Oclaesp arrivera à faire tomber quelques cyclistes tricheurs cet été. »
Quand même pas aux étapes où les coureurs du Tour sont hébergés dans des hôtels du groupe ?

C’est bien connu, les cyclistes se dopent « tout seuls » alors que les accusatrices de DSK ne peuvent avoir décidé d’agir seules. Mais selon que ses sympathies aillent aux coureurs ou non, aux plaignantes ou à l’accusé, chacune et chacun peut interpréter les mêmes faits, les mêmes déclarations, les mêmes témoignages, à sa façon.

Je me souviens d’avoir, à sa demande, « tapé la plaque » de la chanteuse Catherine Ribeiro, qui venait tout juste d’accoucher, en présence de son époux d’alors, Claude Démoulin († 2009), maire de Sedan à l’époque, et évidemment de leur fils nouveau-né, Jonathan. C’était pour favoriser leurs carrières respectives, disaient les unes, tout simplement pour enrichir l’album familial de Jonathan qui découvrirait plus tard que sa bobine était « dans le journal », dirent les autres. Ou inversement.

Kurrant Mobile Catering, Inc (KRMC) et Cogito Media Group prennent les devants en annonçant que tout sera révélé sur DSK en septembre : « DSK a-t-il été uniquement la victime d’une enquête policière bâclée et de fausses accusations ou s’est-il formé une conspiration internationale contre lui ? Quels sont ses ennemis aux États-Unis et dans le gouvernement français ? ». Un journaliste français, Stéphane Zagdanski, va tout nous révéler. Tout sur les liens de DSK avec Bill Clinton, Roman Polanski, Nicolas Sarkozy, Silvio Berlusconi, Marine Le Pen, Carla Bruni, et Frédéric Mitterrand… Ce sera un scandale « plus retentissant que l’affaire O.J. Simpson », assure Pierre Turgeon, son éditeur. DSK : Affairs of State, titre du bouquin à paraître (Affaires d’États, au pluriel, pour le titre français ?), démontrera sans doute le même phénomène : à partir de divers éléments, tout et son contraire peut être soutenu avec une apparence de véracité permettant de se fonder une intime conviction.

Magistrat ou simple juré « populaire », personne n’est à l’abri de se laisser emporter par le poids des mots, et sous le choc des photos, jusqu’à en tirer des conclusions.

Le Daily Mail reprend à sa sauce des « informations » (des on-dit) du Point selon lesquelles DSK aurait eu trois maîtresses différentes lors de son week-end de détente à New-York avant d’avoir une relation « consentie » (selon ses avocats) avec Nafissatou Diallo. C’est bien la preuve que… ou exactement du contraire…

Ce qui est sûr, c’est que si Carla Bruni lançait une campagne pour des dons du sperme, avec l’appui de personnalités volontaires, DSK ferait une bonne « tête » d’affiche. « Gaul gal key to DSK case », titre le New York Post en faisant preuve d’humour involontaire : une damoiselle gauloise clef de l’affaire DSK. Il s’agit bien sûr de Tristane Banon. Mais non, mais non, son témoignage est lui aussi trop fragile, estiment divers autres titres nord-américains.

Retour aux photos, et cette fois au montage faisant se confronter, à la une du Figaro, François Hollande et Tristane Banon. Schneidermann, d’Arrêt sur images, en profite pour imaginer être lui aussi entendu (il n’a jamais conversé avec Tristane Banon, mais qu’importe, il a obtenu un témoignage de seconde main de Philippe Vandel, qui, lui, aurait eu langue avec Tristane Banon ; tout comme Aurore Filippetti qui n’aurait eu vent de la chose que par un intermédiaire, Daniel Schneidermann s’estime être un sachant ne sachant pas grand’ chose, mais n’en pensant pas moins).

Ce qu’il y a de bien, quand on fait dans les médias, c’est que le nombre de lignes qu’on a pu rédiger sur les affaires DSK ou les temps d’antenne qu’on leur a consacré n’est pas décomptable d’un quota de piges ou de rémunérations. Tandis que voici que le CSA considère que tout ce que peuvent dire des socialistes doit être comptabilisé sur le temps de parole de leur parti : l’UMP a tout intérêt à se taire pour laisser s’exprimer à sa place Carla Bruni qui, elle, évidemment est au-dessus des partis.

Le groupe Accor, lui, se tait. Mais fait quand même connaître…

Or, attendez-vous (peut-être) à savoir que, pour contrebalancer le lobbying des associations des Afro-américains et de quelques groupes féministes qui veulent un procès, les avocats de Dominique Strauss-Kahn pourraient envisager de réactiver la théorie du complot : ce qui expliquerait qu’ils n’aient pas protesté lorsque Cyrus Vance Jr a repoussé la prochaine date de comparution de DSK (prévue initialement le 18 juillet dernier, repoussée au premier août) pour élargir le champ de l’enquête.

Cela pourrait constituer une sorte de « porte de sortie » pour le procureur de New York. S’être laissé abusé par une michetonneuse à la petite semaine liée à des branquignols du genre Pieds Nickelés (l’actuel mari de Nafissatou Diallo et quelques comparses) n’a rien de reluisant. Évidemment, le raisonnement ne reposerait que sur des présomptions (par exemple, les liens étroits du propriétaire de l’établissement où travaillait auparavant Nafi Diallo avec des chefs de la police de New York ; les éventuelles facilitations de la direction du Sofitel, fort difficiles à établir). Tout cela paraît très farfelu.

Mais je ne peux m’empêcher de songer à des affaires judiciaires obscures dans lesquelles, pour ne pas discréditer les enquêteurs ou les magistrats, des « coupables » fabriqués le sont resté suffisamment longtemps pour que des carrières se poursuivent et s’achèvent paisiblement.

En l’occurrence, ce rapprochement hasardeux reste une association d’idées qui, pour n’être pas fortuite, ne repose sur rien de concret. Étendre le domaine des investigations permet aussi de gagner du temps, de miser sur l’oubli, ou sur la survenance opportune d’un élément imprévu mobilisant toute l’attention des médias au moment de clore un dossier.

Je ne suis pas devin, mais je présage que les affaires DSK resteront un exemple de la fragilité des témoignages contradictoires et des embarras des autorités judiciaires empêtrées dans des affaires à forts retentissements émotionnel et autres, mobilisant des courants d’opinions antagonistes.

Les affaires DSK évacuées par l’accouchement de Carla Bruni ? La chute de Kadhafi ? Un nouveau tsunami ? On verra… ou pas. Joker !

Cela « vient de tomber » : selon les New York Daily News, Tristane Banon sera entendue par les enquêteurs américains : « Manhattan prosecutors intend to interview the French journalist who says Dominique Strauss-Kahn. ».

L’intention sera ou non suivie d’effets. Les scénaristes de la série Law & Order : SVU (New York, Unité spéciale) qui ont préparé un épisode sur les affaires Strauss-Kahn, devront ou non revoir leurs copies successives.
On ne sait qui interprétera Anne Sinclair qui, pour le Telegraph, est entrée (avec Cherie Blair, Melania Trump, Carla Bruni et à présent Wendi Deng Murdoch), dans le Tiger Wives Club (rien à voir avec le golfeur Tiger Woods dont l’épouse, la mannequin Elin Nordegren, a demandé le divorce, refusant de se tenir aux côtés de son mari, to stand by her man).
LeTelegraph oublie Isabelle Balkany, qui avait soutenu son mari lorsqu’il avait été accusé d’avoir tenté d’obtenir une fellation sous la menace d’une arme de poing et déclaré crânement « Restoux est siphonnée ; elle devrait consulter » (Marie-Claire Restoux, ex-suppléante du député-maire de Levallois-Perret, qui n’en supportait plus les avances insistantes).
Tout rapprochement avec des événements ultérieurs ne pourrait qu’être le fruit du hasard.

La futilité des médias (futile, moi ? mais j’assume total… cela me détend) et la « cadence médiatique » (expression de Michèle Sabban, amie de DSK, qui relève : « chacun y va donc de son hypothèse et imagine le scénario qu’il croit être le plus plausible, en fonction de son intimité ou non avec DSK. Et donc, en quoi mon point de vue serait moins légitime que celui d’autres ? », dans Le Post), leur valent de cinglantes critiques. Souvent méritées, justifiées. Jean-Louis Borloo se joint au concert en estimant qu’il n’est pas sûr que les affaires DSK « fassent vendre ». Certainement davantage pourtant que l’affaire Ziad Takieddine, financier de l’UMP, que Mediapart s’acharne, apparemment en vain, de faire reprendre par ses concurrents et confrères. Le « principal suspect du volet financier de l’affaire Karachi ne paie pas d’impôt sur le revenu, ni d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), alors qu’il est propriétaire d’un patrimoine estimé à près de 100 millions d’euros, dont plus de 40 millions sont localisés en France, » notent Fabrice Arfi et Karl Laske (Mediapart).

Tant que le rôle de Ziad Takieddine ne sera pas établi dans d’éventuelles négociations du groupe Accor pour s’implanter (ou se défausser) en Libye (Accor est souvent en cheville avec divers dirigeants et en Égypte, par exemple, l’ex-ministre du Logement, actuellement en prison, reste actionnaire du Sofitel Gezirah, au Caire), les deux dossiers resteront distincts. C’est en fait Abdou Belgat qui est chargé pour Accor d’éventuelles tractations avec les Libyens, quels qu’ils soient. « Plumé » en Tunisie par le clan Ben Ali plus ou moins lié à la famille Kadhafi, le groupe Accor se passera de Takieddine pour se réimplanter à Tunis, Djerba et Tozeur.

En fait, Accor avait peut-être embauché Nafissatou Diallo simplement parce que le groupe soutient les mères célibataires (ainsi l’association Solidarité féminine au Maroc) et que la future femme d’étage avait été recommandée par une association. Former des chargées de famille à ses métiers est toujours plus rentable que d’embaucher des célibataires plus volatiles. Au temps pour la théorie du complot.

Mais c’est beaucoup moins palpitant que les histoires de « qui couche avec qui ». Avouons-nous le donc, décortiquer de sombres affaires de financements, de concurrence internationale, est beaucoup plus fastidieux, tant en vue de les publier que de s’y intéresser en tant que lecteur (devant son écran, on peut toujours courir : c’est trop difficile à résumer en trois minutes d’antenne, donc le sujet passe à la trappe ou est résumé au plus court et mieux disant superficiel).

L’investissement pour rédiger un sujet léger (tel mon – totalement bidonné – « Anne Sinclair nue » sur Come4News) génère des retours (en indice de satisfaction, nombre de pages vues, &c.) sans commune mesure : n’en déplaise à Borloo, qui n’en ignore rien, mieux vaut être en connivence avec Morandini que de jouir de l’estime de Plénel. Est-ce vraiment plus gratifiant qu’un laïus sur la fragilité des témoignages, des fausses évidences ? C’est selon l’humeur du moment.

Tenez, dans le domaine des apparences : pour assurer la promotion de ses livres, Tristane Banon avait sollicité tant d’« amis » sur Facebook que nous nous en sommes trouvés de communs. Dont une journaliste qu’en fait je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam, et pas du tout bibliquement, mais qui, « amie d’amie », signalait que la page de Tristane abondait en photos semi-dénudées. Elles ont toutes disparu. Au profit de portraits en niveau de gris semi-professionnels d’apparence (car trop léchées, l’effet proximité et naturel s’estompait). Plus de sujet « Tristane Banon nue » en vue (jusqu’à nouvel ordre). Ces photos, prises « un lendemain de cantonales aussi désastreuses » (pour l’UMP), n’incitaient pas Tristane à se montrer « d’une douceur exemplaire ». Ajoutez à cela qu’elle pige pour le site Atlantico (donné proche de l’UMP). C’est bien la preuve que… Eh bien non. Pas davantage que ses trois grains de beauté alignés à la base du cou seraient la marque d’une sorcière. Vouée au bûcher des vanités.

Mais, pour le médialogue, quels que soient les devenirs des affaires DSK, la palme de leur bonne exploitation reviendra sans doute au Nouvel Observateur dont la couverture proclame « De César à DSK, Sexe pouvoir et scandales » assortie d’une photo d’Anne Sinclair et de son époux surmontant un bandeau de pied sur « les mystères de Marrakech ». En fait, il s’agit d’une sorte de publi-reportage touristique sur la ville avec laquelle Bernard-Henri Lévy, DSK et madame, voire Luc Ferry ont quelques affinités. Du très grand art !