« Occasionally as Diallo talked, she wept, and there were moments when the tears seemed forced. » Newsweek, début du septième paragraphe. Traduction de Bruno Roger-Petit pour le Nouvel Obs’ : « Nafissatou Diallo, ses “pleurs forcés” et son mouchoir blanc : action ou vérité ? ». Décidément, comme on dit en anglais, l’affaire Strauss-Kahn restera marquée par le « double entendre ».
Comme je le consignais en commentaire de mon « DSK : Nafi Diallo, un récit détaillé », un « posteur », sur Le Post (.fr) s’est amusé à relever ce qu’il lui semble être des erreurs de traduction dans la presse française.
J’expliquais que, traducteur diplômé (mastère de traduction spécialisée) et quelque peu expérimenté (voir Google), vaguement encore en exercice (surtout bénévole), j’avais soit traduit, soit adapté au fil de l’eau, tout en rédigeant de même, cette nuit, pour publier en temps voulu.
Alerté, je me suis levé vers les 05:30 (heure de Paris) pour m’enfourner dans le sujet. Dans ce cas, même pour une publication en ligne telle Come4News, qui s’honore de ne pas traiter les faits en « brut » et évidemment pas trop en vrac, on fait en sorte de mettre en ligne vers 07:00.
Ce qui fut fait en esquivant quelques difficultés (adaptation rapide, mais pas de citation entre guillemets traduite trop par-dessus la jambe), voire en escamotant sur le moment (la fameuse phrase sur les « pleurs forcés »), et pour les traductions citées comme telles, en ne fignolant pas tout en s’efforçant de rester juste, de ne pas trahir l’original, en s’inspirant toutefois du contexte. Il subsiste peut-être des scories…
Diké (un alias), autre angliciste, qui a publié rapidement sur Le Post son appréciation des traductions de diverses tournures, n’a pas non plus relevé ces « forced tears ». Sur le moment, j’ai surtout retenu que Christopher Dickey, de Newsweek, interrogé par une chaîne de télévision, semblait assez convaincu de la sincérité de Nafissatou Diallo. L’article est cosigné, la phrase est peut-être de John Solomon, et on ne peut exclure qu’un·e « editor » (sec’ de rédac’) ait pu employer la tournure à la place d’une autre figurant dans la copie transmise.
Bruno Roger-Petit, avec un talent de chroniqueur que je salue, nous en fait tout un fromage. Je prends le pari qu’une ou un socio-ethnologue ou psycho-anthropologue ne va pas tarder à être sollicité pour traiter du langage facial ou de la gestuelle de « la femme africaine ».
Quoi qu’il en soit, le cas de « forced » est intéressant. Des pleurs affectés, de tartuffe, ou, occasionnellement, des pleurs contenus, des larmes réprimées, refoulées ? Selon le contexte, l’ordre des mots, les deux peuvent se concevoir. Je crois comme Roger-Petit que le coup du grand mouchoir blanc déployé (et non du mouchoir en papier chiffonné pour se tamponner discrètement les paupières) est peut-être étudié. Nafissatou Diallo n’est pas tout à fait fiable, et la communauté afro-américaine, ses avocats, ont sans doute dû lui suggérer des éléments de langage, des attitudes, recenser des do and don’t (ne dites pas… mais dites…) fort médités.
Ce qui ne prouve ou n’établit pas grand’ chose, ni dans un sens, ni en son contraire. Newsweek a passé trois heures en compagnie de Nafissatou Diallo, des redites ont dû être sucrées, un tri opéré. ABC News n’a peut-être pas fait que du direct, allez savoir… Si cela se trouve, le grand mouchoir blanc vient du magasin des accessoires de la chaîne. Un « forced laugh », peut-être nerveux, soit un rire du bout des lèvres, a peut-être été coupé au montage.
Mais avancer que la prestation de Nafi Diallo aboutit à un « forced landing » (atterrissage forcé) car elle en aurait fait trop me semble exagéré. Tous les larmes, toute la buée montant aux yeux de Nafissatou Diallo, tous les pleurs, ne sont pas forcément simulés, certains, par intermittences (de temps à autres), ont pu être interprétés, traduits diversement.
Traduttore, traditore
Quand elle « parle », elle pleure parfois. Comment le traduire ? En parlant ? Au cours de la conversation ? Simultanéité ou pauses entrecoupées de larmes ? Les deux, mon capitaine, peut-être. J’aurais sans doute écrit : « as Diallo talked, she wept… occasionnally her tears seemed forced ». Ce qui pourrait se traduire de diverses manières. Comme « tout en parlant… ». L’écriture journalistique obéit à une sorte de scansion désormais, à des pauses radiophoniques (pour reprendre sa respiration), et la plupart des journalistes sont à présent formés tant à l’audiovisuel qu’à l’écrit. L’un déteint sur l’autre.
Les traducteurs de presse sont généralement spécialisés, même si, certains titres prestigieux, tel Le Monde, font appel à des traducteurs (ou traductrices le plus souvent) littéraires, à des universitaires. Ainsi de Julia Kristeva, professeure émérite, qui chapeaute encore peut-être le mastère de traduction littéraire de l’Institut Charles V (Paris-Denis-Diderot). Ce n’est pas vraiment une traductrice de presse, mais elle rassure sans doute la rédaction en chef (car, au minimum, elle pèse soigneusement ses mots et tournures et peu importe si elle « foisonne », surtraduit légèrement)
Le traducteur de presse est parfois amené à traduire un fichier monté avec pour impératif de ne pas foisonner, voire de fournir pile-poil un nombre de signes équivalent à l’original.
Pour Nafissatou Diallo, je présage qu’on n’a pas réveillé une traductrice à l’aube ; enfin, si, peut-être, selon les titres, les radios ou les chaînes.
Mais de légères déformations d’une langue vers une autre peuvent entraîner des interprétations hasardeuses, voire outrées (outré, inv., en bon anglais). Et le moins qu’on puisse écrire, c’est que l’affaire Strauss-Kahn porte à un certain laisser aller. Voire pousse à faire revêtir des oripeaux commodes aux protagonistes. Le taylor de DSK est forcément rich ; les fripes ou nippes de Nafissatou Diallo seraient du prêt-à-porter de seconde main, si l’on devait en croire ses défenseurs. Commodités journalistiques et accommodements pro domo se superposent parfois.
La médialogie (ou médiologie) aborde rarement les problèmes de traduction. Je ne serais pas étonné si, à l’avenir, le traitement de l’affaire DSK modifiait cette donne. There’s food for thought there…
L’eussiez-vous cru ?
« [i]Après lecture et analyse attentive de votre article du 25.07.11 11h58 par notre équipe de modération, celui-ci a dû être retiré de la publication en raison de sa non-conformité vis-à-vis de la charte d’utilisation du[/i] Post.fr (…) [i]Le motif de retrait de votre article est : Propos publicitaire…[/i] ».
Tu parles, faire figurer le logotype de [i]Come4News[/i] sur une illustration, c’est un propos publicitaire.
Et [i]Le Monde[/i], on ne voit jamais son logo sur [i]Le Post[/i] ?
Je ne reprocherais pas à Diké de n’avoir pas fait figurer le logotype d’ABC News sur la photo car l’erreur est humaine et le « post » n’a pas été vérifié par la « rédaction ».
Laquelle, crois-je savoir, a parfois tenté de modérer son sous-traitant chargé de la modération, mais a dû renoncer. La dernière grève (pour l’emploi, et des effectifs décents) a échoué. Mais question déontologie, [i]Le Post [/i]fait (trop) souvent sourire.
En réponse à Diké, sur [i]Le Post[/i], je signalais :
« [i]Un exemple : comment traduire[/i] « unseemly » ?
[i]Vu le contexte, j’ai préféré[/i] « indécent » [i]à[/i] « déplacé » [i](ou incongru)[/i].
[i]Instinctivement, c’est[/i] « incongru » [i]qui me venait à l’esprit[/i].
[i]En presse, ils forment à éviter les mots pas trop courants.
Le traducteur a parfois la[/i] « grâce congrue » [i](adaptée aux circonstances), parfois pas. Et se trouve réduit à la portion congrue…[/i] 😉 »
Bah, c’est peut-être un commentaire publicitaire ; je le consigne ici, au moins, il ne sautera pas…
Tiens, c’est une toute première : [i]Paris-Normandie[/i] donne un petit florilège des détails scabreux (genre “[i]Suck my– I don’t want to say[/i]” où – peut être « prick » ou « dick » ou « cock » ; attention aux anglicismes à la place des américanismes, si je peux l’exprimer ainsi) dans la langue d’origine uniquement.
C’est la toute-toute première fois que je lis un aussi long passage non traduit de l’anglais (am.) vers le français dans la presse nationale ou régionale française.
[url]http://www.paris-normandie.fr/article/faits-divers/affaire-dsk-nafissatou-diallo-sort-du-silence-pour-la-premiere-fois[/url].
Que je sache, la modération du Post n’intervient pas sans avoir été alertée, et elle a alors tendance à faire siens les motifs d’abus allégués par le délateur, aussi farfelus ou surprenants soient-ils parfois.
Soit vous êtes visé personnellement, soit c’est le sujet qui a déplu.
Le mot qui revient dans la presse américaine : spitzerization.
Pour comprendre le parallèle avec DSK, voir Wikipedia :
[url]http://fr.wikipedia.org/wiki/Eliot_Spitzer[/url]
« Drague, Sexe et Karma » (DSK) circule librement également sur la toile internet; interprété par Les AS, Les Artisans du Surréalisme.
Plus d’infos:
-le morceau « DSK » par « Les AS »
http://soundcloud.com/achille_dereux-herge/01-dsk-rap-edit
-la page FaceBook « Les AS »
http://www.facebook.com/pages/Les-AS-Les-Artisans-du-Surréalisme/229347703765459
-les vidéos YouTube « Les AS »
http://www.youtube.com/user/achilledereuxherge?feature=mhee
[b]Jeff,
j’ai beaucoup aimé ton article ici même, et j’avoue avoir voulu aller le voir sur LePost mais j’ai été trop lent et il a été retiré entre temps puisque j’ai eu le superbe message qui dit que l’article était supprimé…Sans commentaires.
Comme tu l’as sans doute vu, j’ai traité les révélations de Nafissatou Diallo dès lors qu’elles sont sorties mais confidences pour confidences je ne me suis pas amusé à reprendre les interprétations des médias Européens ayant trop peur qu’ils commettent une erreur, du coup j’ai été reprendre directement le texte d’origine..rires..J’espère que je n’ai pas commis d’erreurs..sourires.
Amitiés
TOm
PS : Tiens un petit cadeau qui devrait te faire sourire, je viens de tomber dessus et juste c’est incroyable, et toujours dans notre affaire bien entendu, rires. [url]http://www.lepost.fr/article/2011/07/26/2556693_dsk-une-adolescente-de-15-ans-le-defend-en-chanson_1_0_1.html[/url][/b]
Si les medias français lisaient cet article en entier (dernier paragraph) avant de s’exciter)
[url]http://nymag.com/daily/intel/2011/07/nafissatou_diallo_the_dsk_maid.html[/url]
le plus complet etant newsweek.
pourquoi une telle rage quand d’autres affaires sont plus ahurissantes (Murdoch)ou monstreuses; on ne parle plus de l’Afghanistan! etc
Merci, Supertitom…
[img]http://www.come4news.com/images/users/2918/Post_n-est_plus_visible.png[/img]
Je devrais les collectionner, mais cela me lasse…
Tous les prétextes sont bons pour Nétino (le sous-traitant du Monde interactif et d’autres pour assurer la modération des sites).
J’en viendrai probablement à migrer sur le site du [i]Nouvel Observateur [/i](animé par un ancien de la rédaction du [i]Post[/i]).
Pour Nymag : parce que cela fait vendre, que les faits-diversiers demandent de l’espace (c’est assez passionnant à suivre quand vous êtes de la partie). Vous-même, ne lisez-vous que Le Monde diplomatique, Esprit, Les Actes de la recherche en sciences sociales, &c. ?
Jeff, les faits divers m’ennuient abyssalement; j’aime les analyses [i]pertinentes[/i], la construction de la pensée; alors plutot NYT, die Zeit, the Guardian ou le Courrier International (pour les langues qui me manquent), mais j’ai peu de temps à perdre (ce qui ne m’empeche pas d’apprecier vos ecrits)
Bonsoir,
Ce n’est pas pour vous décourager, mais il me semble que le Nouvel Obs aussi confie la modération de son site à Netino…
Cela dit, j’avais retenu de mes déboires avec Mr Netino sur Le Post qu’il travaillait en étroite collaboration avec la rédaction du site et respectait ses consignes (le client est roi), sans toujours y adhérer ou les comprendre, surtout concernant les articles publiés sur ce média – mes harceleurs s’adressaient directement à la rédaction pour exiger la suppression de mes articles, elle répercutait…
L’une de mes harceleuses, Mon-Al, s’exprime sur un autre site à propos du sujet de l’article :
[quote]à Mon-Al Portrait de Mon-AlDe djignab
La gauche africaine | 15H41 | 25/07/2011 | Permalien
Mon-Al ou l’indignation sélective et la morale à géométrie variable. Et vous,vous allez faire fortune dans quoi, en dénigrant madame Diallo? Un livre, un film?
15 VOTES
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Portrait de Mon-Al
à djignab Portrait de djignabDe Mon-Al
roturière 🙂 | 17H12 | 25/07/2011 | Permalien
Je n’ai pas « l’indignation sélective » : c’est de cette histoire que je suis en overdose ! En quoi voyez-vous que je « dénigre » Diallo ? Le sujet de l’article est l’interview donnée. Je ne fais que supposer – je commence à connaitre un peu la « presse » d’outre-atlantique, il est peu probable que cet « interview » ait été gratuit !
Point barre.
19 VOTES
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Portrait de djignab
à Mon-Al Portrait de Mon-AlDe djignab
La gauche africaine | 19H19 | 25/07/2011 | Permalien
Et vous, il est gratuit votre commentaire? Vous avancez des choses dont n’avez pas le début d’une quelconque preuve!! « Supposer » du haut de votre indignation sélective que Madame Diallo monaye son interview ce n’est ne pas dénigrer?
Vous parlez de la « presse d’outre-atlantique »: fort bien! Et celle de votre pays, elle fonctionne comment?
11 VOTES
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Portrait de Mon-Al
à djignab Portrait de djignabDe Mon-Al
roturière 🙂 | 19H31 | 25/07/2011 | Permalien
Vous vous énervez tout(e) seul(e). Je ne répondrai pas à vos provocations. Et vous ne m’entrainerez pas sur ce terrain.
12 VOTES
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Portrait de djignab
à Mon-Al Portrait de Mon-AlDe djignab
La gauche africaine | 19H42 | 25/07/2011 | Permalien
Vous êtes dans la boue!! Qui a fait des affirmations gratuites? Qui a dit que Madame Diallo veut se faire de l’argent et qu’elle a monayé son interview. Vous ne lisez pas ce que vous écrivez? Et bien assumez!!
11 VOTES
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Portrait de Plume timide
[/quote]
Elle et ses amis harceleurs ont pour habitude de faire supprimer ou censurer sous de faux prétextes tout ce qui les dérange…