De Benjamin Biolay tout récemment dans Technikart : DSK ? « Je pense qu’il est tombé dans un complot. Je le connais bien, je sais comment il est. Il a ses grandes faiblesses, mais ce n’est pas un violeur. ». Benjamin Biolay ? Mais, si… Le chanteur, ex-non-amant de Carla Bruni. Violeur, DSK, non, et surtout pas au point de laisser ses avocats négocier avec la partie adversaire un arrangement financier amiable. Violeur, oh que si, rétorquent les avocats de Nafissatou Diallo qui ont sans laissé filtrer le rapport médical semblant l’établir et réfutent tout accord négocié sous le manteau.

Dominique Strauss-Kahn comparaîtra mardi 23 août – sauf nouveau report d’audience incongru – devant les aides du procureur Cyrus Vance Jr. Audience de routine, sauf si bien sûr l’accusation classait l’affaire, abandonnait les charges. Mais son issue peut tout aussi bien laisser l’affaire en suspens, les trois parties (bureau du procureur, défense et partie civile), convenant d’un nouveau délai.
Ce qui pourrait être assorti d’une éventuelle requalification des poursuites : alors que le rapport médical précise que la cause des blessures de Nafissatou Diallo est due à une agression et un viol, le viol pourrait être « requalifié ».

Cela n’empêcherait pas Nafissatou Diallo de continuer à poursuivre DSK au civil, mais selon un calendrier qui pourrait permettre à DSK de, peut-être, revenir en France ou prendre de la distance avec les États-Unis.

Nafissatou Diallo « préparée »

Comme diverses communautés ont fait clairement savoir au procureur Cyrus Vance Jr. qu’elles trouveraient déplorable – ou plutôt honteux, scandaleux, &c. – que DSK s’en sorte sans la moindre forme de procès pénal, il convient de les ménager, soit d’obtenir que Nafissatou Diallo ne se fasse plus trop fort l’égérie de sa propre cause.
D’où, sans doute, cette convocation de la plaignante lundi après-midi (en France, on saura ce qu’il en ressortira à partir de 22 heures environ).

Selon Douglas Wigdor, l’un des avocats de Nafi Diallo, la convocation a été rédigée en termes désobligeants. Ce pourrait être un signe, a estimé Kenneth Thompson, que les charges contre DSK seront abandonnées. Ou requalifiées, en fait. Mais annoncer le pire pour sa cliente est peut-être un moyen de mobiliser, de susciter des protestations préventives.
De plus, l’abandon des charges pourrait être assortie d’un communiqué assez alambiqué, indiquant que l’enquête n’a pas apporté assez d’éléments pour assurer qu’un jury de douze personnes condamne DSK à l’unanimité et en écartant tout « doute raisonnable ». Le déballage, à moins d’un accord amiable, se produirait donc lors du procès au civil.
Si la totalité des charges est maintenue et que DSK soit condamné, il peut encourir une peine de 25 ans. Si la plupart sont abandonnées et certaines requalifiées, il peut espérer s’en tirer avec trois mois, ce qui peut se concevoir dans le cadre d’un rapport sexuel consenti mais dont tous les modalités n’auraient pas été acceptées par l’un·e des protagonistes.

On n’imagine pas vraiment DSK muni d’un gilet fluo et d’un balai chargé, sous la surveillance d’un garde, de nettoyer les trottoirs de Manhattan. Mais, après tout, qui sait ?

Tout et son contraire 

Ce qu’il y a de faramineux dans cette affaire, c’est que tout élément peut être interprété à charge ou à décharge. Ainsi du rapport médical : il atteste bien que Nafissatou Diallo dit vrai, soutiennent les uns, pas du tout, il constate soit des lésions antérieures, soit auto-infligées, affirment les autres. Cela vaut aussi pour le déroulement et l’horaire des faits, pour le comportement présumé de DSK avec diverses partenaires consentantes ou déclinant ses avances, &c.

C’est bien la preuve… de tout et de son contraire. Planet a ainsi retrouvé une photo de Tristane Banon qui, lors d’une soirée arrosée, se fait peloter la poitrine par deux confrères (Christophe Beaugrand, de TF1 ou Andrien Rohard, d’Europe 1, on ne sait trop…). Allumeuse, avancent les uns, surprise par des copains – et préférant en sourire – assurent d’autres (dont moi-même, en souvenir de quelques soirées entre journalistes, plutôt bon enfant, mais qui pourraient prêter à confusion). Entrevue avait aussi retrouvé un film X dans lequel une jeune femme ressemblant très fort à Tristane Banon figurait. Qui se ressemble… Ou pas.

Pour Le Dauphiné, le directeur de l’Intercontinental de Genève estime que ce qui s’est produit au Sofitel est très curieux. « Je ne pense pas que cela aurait été possible ici. Nos femmes de chambre (…) sont formées pour [et] savent qui il est » (non point DSK, mais toute personnalité séjournant dans l’hôtel dirigé par Michel Perret). Bah, le groupe IHG est un concurrent du groupe Accor, cela ne prouve rien. Ou au contraire : tous les grands groupes hôteliers ont plus ou moins les mêmes procédures, recrutent les mêmes profils, &c.

Une quasi-certitude : quel que soit ce qu’il ressortira de l’audience de mardi, rien ni personne n’en tirera les mêmes conclusions que sa voisine ou ne réfutera durablement ce qu’un xième élément pourra susciter de commentaires contradictoires.

Un durable marronnier

La logique voudrait que si les charges étaient abandonnées, le sieur DSK se retourne contre dame Diallo pour obtenir, au civil, réparation de son préjudice. Mais il lui faudrait alors convaincre six jurés qui s’en remettraient de fait comme en France à leur intime conviction. Si un procès pénal intervient, ce sera à l’automne. Si Nafi Diallo, ou DSK, intentent une action civile, l’audience peut être reportée une bonne année, le temps que les esprits soient calmés, et que la réputation de l’une et de l’autre soit perçue différemment.

Sur le fond, ni DSK ni Nafissatou Diallo n’étant unanimement considérés « du bon côté » pour une large majorité, l’affaire extra-judiciaire peut durer indéfiniment, quelque que puissent en être les tribulations devant des tribunaux. On peut s’attendre à ce que, chaque année pendant quelques temps, puis d’une décennie à l’autre, le sujet soit abordé par les médias sur le mode « voici un an », « voici dix ans »…

Pendant ce temps, l’artillerie et l’aviation turques bombardent des camps kurdes en Irak ; ces kurdes sont des « rebelles », mais pas tout à fait du même acabit que les insurgés libyens. Or donc, on n’entendra pas Bernard-Henri Lévy se prononcer pour eux avec autant de conviction que pour DSK. Et comme ils intéressent moins les soutiens de Nafissatou Diallo, ou ceux du « guide » panafricain de Tripoli, hormis les faibles protestations du gouvernement irakien (qui veut conserver des troupes américaines au-delà de 2012), une petite incursion de troupes turques en Irak pourrait bien passer comme une lettre à la poste.
On attendra aussi mardi pour constater si l’audience de DSK cohabitera ou non, dans la presse, avec les prolongements de l’affaire Takieddine révélés par Mediapart.
Je ne veux pas prendre les paris, mais à moins qu’Anne Sinclair ne se décide à évoquer ces conflits ou les affaires qui minent (oh, si peu…) le pouvoir français actuel, je crains qu’on parle encore davantage de DSK mardi que d’autre chose, crise financière et monétaire incluse. D’un côté, certes, on s’en lasse, mais l’affaire DSK est beaucoup moins barbante…