Ce n’est pas parce que l’accumulation de détails « sordides », récurrents, convergents, ne vaudraient pas la peine d’être portés à la connaissance du public ou parce que je serais à mon tour gagné par la nausée que je vais tenter de nous les épargner ce jour. Dominique Strauss-Kahn est peut-être un érotomane devenu aussi emblématique qu’un Georges Simenon ou un Henry Miller, mais si c’était aussi le cas de Martine Aubry, d’Eva Joly ou de Marine Le Pen, quelles conséquences devrions-nous en tirer ? Doit-on aussi, jusqu’en 2012, vous livrer à présent tous les détails d’alcôve passés – voire actuels – de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni ?



Dominique de Villepin n’en démord pas : Nicolas Sarkozy est le grand bénéficiaire de l’affaire Clearstream II qu’il a, pour se faire élire, soigneusement instrumentalisée. Il lui est aussi, ipso facto, désormais superflu de saper la candidature de Dominique Strauss-Kahn en alimentant en coulisses la presse et des relais d’opinion de révélations sur les mœurs de son plus dangereux concurrent. Mais doit-on en revenir à ce que ces machines à élire et à placer des chefs de courants aux plus hautes fonctions déterminent le choix de leurs représentants en fonction de leur vie privée ?

Peu d’entre les électrices et électeurs de demain, même si les seniors votent davantage que d’autres catégories, se souviennent de « Dents blanches ». Jean Lecanuet, ancien vrai résistant, membre de l’Opus Dei, fit sa carrière politique au sein du très chrétien MRP. Cela avant de faire figure de premier « Kennedy à la française » (appellation réattribuée ensuite à Jean-Jacques Servan-Schreiber), et de se présenter, contre De Gaulle, à la présidentielle. Va-t-on à présent soutenir qu’il s’était déclaré farouche partisan de la peine de mort lors de l’affaire Ranucci (meurtre d’une fillette) pour occulter ses propres frasques et paraître encore davantage au-dessus de tout soupçon moral ?

Selon Anne-Élizabeth Moutet, journaliste, une consœur aurait vécu un incident à caractère sexuel avec l’ancien maire de Rouen, Lecanuet, furtif épisode qu’on ne saurait mettre en parallèle avec les multiples sollicitations, parfois éventuellement suivies de consentement réel, dont il est plus que plausible que DSK fit preuve. Je n’établis aucun rapprochement abusif entre un homme accusé de viol et un autre qui, peut-être (A.-N. Moutet n’était peut-être pas la journaliste de radio qu’elle évoque, et elle n’était dans ce cas pas présente dans le bureau du maire de Rouen), avait eu une attitude plus qu’équivoque avec une jeune journaliste.

Je crois en revanche que Dominique Strauss-Kahn, s’il avait été élu président, n’aurait pas cherché à influencer les réglementations sur la censure des publications pornographiques, ni à tenter de minorer, d’adoucir la législation sur le viol, le harcèlement sexuel, &c. Non par hypocrisie, ou pour se refaire un statut « moral », mais sans doute pour ne pas donner prise à la critique et surtout par principe : le président n’a pas à sortir à tout moment et selon ses tocades des prérogatives de son domaine réservé. Inversement, même s’il était devenu un président cédant à une impulsion d’une nature obsessionnelle dont il subit à juste titre les conséquences à présent, je ne vois pas la presse française la passer sous silence. Cela sans exclure qu’une ou un Garde des Sceaux ait pu tenter, pour éviter un cataclysme, de faire en sorte que le parquet minore les charges les plus accablantes. Politique fiction…

Il y a quand même une formidable tartufferie de la part de l’UMP à camper un PS ayant perdu « la bataille de la morale ». Je ne traîne pas (ou plus), comme A.-É. Moutet, dans les rédactions, je n’ai que très peu de contacts avec d’ex-confrères, mais il m’arrive, comme à tout un chacun, de percevoir des échos crédibles émanant de sources qui ne le sont pas moins. Je ne vais pas rappeler tous les incidents d’avant la dernière présidentielle ou ultérieurs qui ont fait sourire aux dépens de Nicolas Sarkozy. C’est assez véniel : une mémorable dispute entre lui et Cécilia dans son bureau de la mairie de Neuilly, les insolites fréquents tête-à-tête avec telle fonctionnaire de police dans celui du ministère de l’Intérieur, les éventuelles rencontres antérieures au fameux dîner avec Carla Bruni…

Ce que je crois pouvoir affirmer, c’est que Dominique de Villepin n’en était pas l’instigateur : il n’avait nul besoin de l’être, personne ne m’a rapporté qu’il aurait pu en amplifier la portée.

Il est des rumeurs bien plus cruciales en France : avant l’élection de François Mitterrand, sans preuve aucune, il était véhiculé, de manière organisée, que les « socialo-communistes » allaient supprimer le PMU, tous les jeux de hasard de la Française des jeux. Non pas pour favoriser les casinos tenus par des soutiens politiques, mais par souci moral, pudibonderie à l’égard de l’argent. On a vu ce qu’il en fut par la suite.

Or voici donc que Le Monde, sous la plume de Gérard Davet (Karachigate, Woerthgate…) et Fabrice Lhomme (idem, moines de Tibéhirine, &c., passé chez Médiapart), assure que le quotidien avait réceptionné une note « signalant la présence de M. Strauss-Kahn, surpris en fâcheuse posture (…) dans un haut lieu des rencontres tarifées. ». En clair, au bois de Boulogne, côté voyeurs et échangistes ou côté travestis et belles de nuit. Il n’y a plus aucune importance à révéler cette note pour la suite du procès de DSK : la coupe est déjà largement pleine, ce n’est pas la goutte qui la fera déborder. Mais les conséquences peuvent être de l’ampleur d’un tout autre DSKgate, celui qui dépasse de loin la personne de Dominique Strauss-Kahn.

Le Monde : « C’est en parfaite connaissance de cause que M. Sarkozy (…) le propulsa à la tête du FMI. ». Ce qui ne corrobore aucunement la thèse d’un complot dont DSK serait le simple jouet et non le principal protagoniste activement impliqué si l’on s’en tient à l’acte d’accusation.

Un tel article ne vaut pas tout à fait éditorial mais c’est bien évidemment le genre d’information qui fait l’objet d’un débat en conférence de rédaction, pendant laquelle les présents sont debout, et qui implique une prise de position vent debout, au risque de soulever des bourrasques et de donner du gîte. La suite vaut tout autant prise de position : Nicolas Sarkozy profita de Clearstream II « pour retourner l’affaire (…) en sa faveur, et surtout placer ses hommes aux postes clés. ». Des hommes qui roulaient déjà pour lui, au sein des services de renseignement et de police, qui ont joué la carte sarkozyste après n’avoir pu jouer plus finement et avec succès la chiraquienne, soit obtenir les promotions convoitées.

Que ce qui se fornique aux Chandelles, à l’Overside, au No comment, clubs échangistes plus ou moins huppés, ou dans certains semi-donjons, puisse intéresser des mouches est une chose. On peut l’admettre, de même qu’il semble adéquat que les cercles de jeu, où circule beaucoup d’argent liquide, voire quelques fluides, ou quelques substances « récréatives » ou propices à évacuer le stress, fassent l’objet d’une surveillance. Idem pour les champs de course, les restaurants d’affaires, et les buvettes des parlementaires, &c. Que cela finisse dans la presse est d’une toute autre nature. Il est d’ailleurs déplorable que Jean-Luc Delarue ait fini par faire les unes en raison d’usage de stupéfiants et si peu pour les mauvais traitements infligés à des surbordonné·e·s. Les torts sont quelque peu partagés : vous sautez sur les affaires en prud’hommes ou sur la page des sports, ou sur l’horoscope en premier ?

Pas plus qu’hier je n’irai distiller des infos d’ordre privé (voire public, mais peu signifiantes) sur telle ou tel en vue de les gonfler démesurément, d’en faire des mini-scandales qui pourraient focaliser l’attention de quelques médias. En revanche, oui, le cas DSK mérite un autre type d’attention.

Il ne doit pas y avoir d’omerta à l’égard de qui traite les subalternes tels des Kleenex, et ce dans tous les domaines. Rappelons quand même que DSK ne tenait pas son épouse pour quantité négligeable, que la plupart de ses proches collaboratrices n’avaient guère à s’en plaindre au-delà de possibles petites vexations, qu’il n’était pas, que l’on sache, du genre à humilier ses subalternes en général, hommes ou femmes. Il n’a pas de gamelle du genre de celle qui traîne aux basques de Ségolène Royal (le procès avec Évelyne Pathouot et Claude Fouchier, contrebalancé par le témoignage de Jean Baubérot, historien, ancien chef de cabinet, et d’autres…). Il n’a pas été dit que DSK pillait des associations ou des comptes dissimulés pour se payer ses coûteux costumes comme il fut allégué que tel autre (Julien Dray) fut trop fashion victim et acheteur (de montres) compulsif au risque de prêter le flanc à de justes critiques.

Le DSKgate prendrait un tour fort déplaisant s’il devait inciter la presse à traquer absolument tous, et j’insiste bien, tous les membres des familles Sarkozy et Bruni-Tedeschi, et d’autres familles, pour se « racheter » de n’avoir pas été assez vigilante envers Dominique Strauss-Kahn. Dans ce cas, il faudra aussi faire toute, mais toute la lumière, sur la famille Le Pen, les proches, les associés, les collatéraux.

Non pas seulement rappeler que Pierrette Le Pen assure que l’essentiel de l’héritage des Lambert et des fonds de la Fondation Saint-Julien a fini « à l’Union des banques suisses », mais aussi aller bien au-delà. Revenir sur les déclarations de Pierrette Le Pen au sujet du père de leurs enfants : « je te mettrai à la cave et je te pisserai sur la tête », et en tirer des conclusions aussi bien senties que fumeuses au fond : comment admettre que la fille d’un tel homme ne soit pas marquée à vie par le traitement infligé à sa mère, et donc trop fragile pour diriger la France ? Et insister, rabâcher, tout retourner, vraiment tout ? Ce n’est pas sur ce terrain que la candidature de Marine Le Pen doit être estimée, jaugée, soupesée, éventuellement confortée ou dénoncée.

Déballer, déballer, encore et encore, au détriment du reste ? On ne regrettera pas trop que la presse n’ait pas, n’ait plus, les moyens de se livrer à un tel espionnage constant, permanent, de tout instant, de toute personne approchant tel ou tel candidat, telle ou telle dirigeante. Déjà, le DSKgate a détourné notre attention de la Lybie, de la Syrie, du nucléaire, de la dette des États, du devenir du système monétaire, &c. Ce fut en quelque sorte aussi un mal pour un bien puisque ce même DSKgate a remis en lumière des faits de société dont sont plus directement victimes, au quotidien, des femmes et des hommes : harcèlements, conditions de travail éprouvantes, inégalités, nécessité d’une aide judiciaire digne des enjeux, sexisme latent, conflits ethniques, &c.

Déjà, hormis fait-divers vraiment marquant, le lectorat déserte, ne s’en remet pour son information qu’à la seule télévision, et encore, distraitement. Il ne s’agit pas d’occulter toutes les turpitudes des personnes en vue, mais bien de respecter une hiérarchie de l’information qui ne privilégie pas l’accessoire aux dépens du plus crucial. Certes, le lectorat a aussi besoin de souffler, de se divertir : les émetteurs, aussi. Je ne regrette absolument ma blague potache de voici peu (« exclusivité C4N : Anne Sinclair… nue ! »). Ne serait-ce qu’en raison de sa valeur démonstrative : la page est davantage fréquentée, en deux-trois douzaines d’heures, que deux autres, sur la même affaire DSK, ayant exigé un travail largement plus ardu, tentant d’aborder des faits de société au-delà du traitement du fait-divers. CQFD. Et puis, au moins, j’ai un peu décompressé…

En revanche, il n’est pas anodin de relever que le site Atlantico a pu faire état de « fuites » policières françaises à propos de la présence de taches de sperme sur les vêtements de Nafi Diallo. Le NYPD affirme aujourd’hui que cette information était pour le moins prématurée. Al Jazeera donne la parole à un procureur (extérieur à l’affaire) qui estime qu’un « secondary transfer » (indirect, entre du sperme se trouvant préalablement présent et des effets personnels) ne pourrait être exclu. Cette fuite est-elle du même tonneau que la note produite au Monde ? Quoi qu’il en soit, le NYPD maintient son appréciation du fond de l’affaire : il n’y a pas d’élément suffisant pour interrompre la procédure.

Mais le complot, dont nous sommes à la fois les volontaires et involontaires parties prenantes (car ce genre de « détail » retient notre attention, tant comme destinataire qu’émetteur), dû sans doute plus aux circonstances qu’aux manipulations d’un vaste « groupe de l’ombre » aux contours bien flous, réussirait si la presse en venait à modifier ses priorités. En faveur du croustillant.

Ou même au contraire : s’il se produisait un retour de balancier, soit une législation ou un consensus pour ne plus faire état des charges pesant sur un mis en examen, ni même de sa mise en examen, nous serions amenés à renforcer la dite omerta. Rappelons qu’elle tient aussi aux pressions financières, au risque de perdre un procès (diverses affaires de Bakchich, cas de Denis Robert peu suivi par divers confrères, maints autres cas).

Dans The Huffington Post, l’ancien juge Lee Sarokin pose la question : « et s’il était innocent ? ». Cela ne plaiderait-il pas pour conserver un total silence en l’attente d’un procès public ? Dans ce cas, jusqu’au procès, Nafi Diallo n’aurait-elle pas risqué de passer pour une affabulatrice ? Ou, comme le fameux « homme de la rue » (une seule femme, en l’espèce) ose le présupposer, pour une Africaine hallucinée, en proie à une imagination nourrie de sorcellerie, de croyance à des sortilèges ?

Des revirements spectaculaires, cela se produit. J’ai en mémoire le cas d’un homme accusé pendant de longues semaines d’avoir été un criminel en série (trois femmes agressées dans une ville moyenne), et qui finit par bénéficier d’un non-lieu. Une petite foule hurlait sa haine, sa volonté d’exécution, de lynchage immédiat dès qu’il fut sorti par la grande porte du palais de justice local. Le présumé tueur a dû quitter son emploi, sa famille, sa ville… J’avais fait état de mes doutes sur sa culpabilité, j’étais tenu par certains pour un quasi-complice ; mais aucun lecteur n’a résilié son abonnement, ce furent juste quelques jours pénibles à passer. Servitude et petitesses journalistiques.

Le point de vue du juge Sarokin est d’ailleurs étonnant : la sérénité et l’ordre public doivent l’emporter sur d’autres considérations. « Si l’annonce [d’une arrestation] a pour objet de calmer l’émoi du public et lui faire penser que quelque violeur ou criminel en série a été arrêté… », alors, oui, il y a peut-être lieu de dévoiler une identité, sans pour autant donner d’autres détails. Je me demande encore si « l’homme au couteau » ou « l’homme au marteau » de Belfort n’avait pas été arrêté simplement pour faire retomber la tension, apaiser la population locale. En fait, les policiers nous distillaient leurs convictions : ce ne pouvait être que lui, il avait été à deux doigts de craquer et d’avouer… La justice a rendu un non-lieu une fois l’affaire un peu oubliée.

DSK n’étant pas un violeur en série confirmé, ni en puissance un fauteur de trouble de l’ordre public, fallait-il donc le mettre en détention ? Fallait-il révéler son identité ? Le DSKgate restera un cas d’école de journalisme quoi qu’il advienne, et interpellera les magistrats encore un certain temps. Moins que l’affaire Dreyfus (Bernard-Henri Lévy n’est pas un Jean Jaurès, d’abord antidreyfusard avant de se raviser, ni un Émile Zola…), certes, mais une « grande affaire » indubitablement.

Le journalisme n’est certes pas une science humaine, seulement un objet d’études et de recherches pour diverses disciplines. Mais c’est un métier sous constante influence : imaginez qu’aucun titre n’ait voulu évoquer les listings de l’affaire Clearstream II avant que la justice, saisie, n’en débatte publiquement. Haro sur cette presse vendue forcément au successeur présumé de Jacques Chirac, tollé, scandale : tels auraient sans doute été les effets les plus probables. Quoi, Plenel, du Monde, figurant sur ces listings et son titre n’en pipant mot ?

Et même – quoi ? –telle ou telle s’adonnerait au nudisme estival et la presse dissimulerait soigneusement les photos, pour éviter que des familles choquées ne lui accordent pas leurs suffrages ? Tiens donc, l’écart de fréquentation se creuse encore entre « Anne Sinclair nue » et d’autres entrées sur l’affaire DSK.

Il n’existe pas d’instance ordinale des journalistes, uniquement un tribunal prud’homal paritaire. Est journaliste qui en vit, quelle que soit sa pratique, et trouve employeur pour la ou le rémunérer via un titre inscrit à une commission ad hoc. Nous sommes censés avoir pour référence la Charte des journalistes du SNJ (qui, depuis le 11 mars, fait à peine meilleure recette qu’Anne Sinclair en moins de 24 heures). Croyez-vous que ce soit en fonction de la déontologie de la profession que les patrons de presse, amis ou adversaires de DSK, ont ou non consulté leurs chefs des ventes ? Le New York Post, titre de NYP Holdings Inc., est une filiale de News Publishing Australia Ltd. En clair : Rupert Murdoch. Je ne crois guère que l’opinion du juge Sarokin finisse par prévaloir sur celle de Rupert Murdoch dont les titres tendent à accabler DSK pour des raisons qu’on veut supposer purement commerciales.

L’ancien ordre des choses en France, soit une certaine discrétion relative à la vie privée des personnalités, résulte d’un compromis, d’un consensus grégaire. Il vaut ce qu’il vaut. Il peut être remis en question. Si cela devait conduire à passer sous le boisseau que Dassault finançait tant le Front national que d’autres formations politiques, ou à en reléguer l’information en fin de papier de bas de page, au profit des couleurs des chaussettes et des coups de canifs dans les contrats de mariage, nous n’aurons rien gagné au changement.

Didier Salavert, d’Alternative libérale, considère « que ce n’est pas à un groupe d’individus de décider de ce qui est important ou non concernant des personnalités politiques à qui l’on va confier des responsabilités énormes. ». Certes. À qui alors ? À un conseil des lecteurs plus ou moins coopté qui ferait des recommandations aux rédactions ? À des jurés tirés au sort ?

Quand on voit ce qu’il est advenu des conseils d’administration des banques et assurances mutualistes, censés représenter les déposants ou assurés, j’éprouve quelque réticence à envisager que la crédibilité des titres de presse soit renforcée par ce type d’instance. D’autant que l’Internet permet à présent l’exercice d’une sorte de contre-contre-pouvoir.

Quant à l’initiative d’Alternative libérale, soit son site « Une rose pour Ophelia », je ne sais s’il faut y voir une pompe d’adresses de courriel ou autre chose. Des fleurs virtuelles pour Nafi Diallo, pourquoi pas ? Écrire que « les médias et intellectuels français » (donc, tous les médias, tous les intellectuels) auraient fait subir à Nafi Diallo un « traitement indigne », accrédite la thèse d’un autre complot : « ils » sont tous de mèche, « toutes » vendues. Ce n’est sans doute pas l’intention du MoDem ou d’une nébuleuse centriste en accointance avec une fumeuse confédération centriste (en fait, une aile fort droitière) que de donner dans le « tous pourris », complices. Pour le FN, mieux vaudrait d’abord épousseter les toiles d’araignées, voire encore à présent balayer devant sa propre porte.

Claude Ribbe, écrivain, spécialiste de l’esclavage, a aussi lancé un comité de soutien à Nafi Diallo. « Pour exprimer ma condamnation du racisme, du sexisme et de l’islamophobie, pour montrer qu’au pays des droits de l’homme, il ne suffit pas d’être milliardaire et de se dire de gauche pour avoir toujours raison et être au-dessus des lois, pour protester contre l’impunité systématique  dont bénéficient en France ceux qui s’en prennent à des Africains ou à des Afro-descendants, &c. », je suis invité à rejoindre ce comité. Il ne m’a pas sauté aux yeux qu’il se soit produit une déferlante sexiste ou raciste, Nafi Diallo m’est a priori sympathique, je n’ai pas voté Arlette Laguiller mais, oui, sa condition est plus proche de la mienne que celle de DSK, &c. Mais je ne crois pas davantage au symbole providentiel qu’à l’homme (ou la femme) providentiel. J’aviserai si l’avocat de Nafi Diallo lance un appel à obtenir des fonds, et je ne préjuge pas de ma réflexion d’alors…

Mais d’accord. Transparence, transparence, je vais me faire une gueule transparente. Je veux donc tout savoir sur les pratiques intimes de Sabine Herold, Louis-Marie Bachelot, Laurence Petit, Nicolas Zumino (membres d’Alternative libérale). Tiens, pourquoi pas des vidéos à l’horizontale ? Et puis, tant qu’à faire, n’en restons pas là : l’investigation journalistique ne doit pas consister qu’à infiltrer les organisations, les chambres à coucher aussi ! Draguons, comme Étienne Liébig, la militante dans les réunions de section, et tentons de savoir si la candidate au conseil général est anale ou non, si on peut jouer au Jules avec son Jim…

Pauvres consœurs, pauvres confrères, incités à faire de la surenchère. Machine est un très mauvais/médiocre/bon/excellent coup au lit. Machin m’a proposé l’ondinisme ! Untel voulait que je conserve mes escarpins et vienne en bas couture !

Cela se dit parfois autour de la machine à café, surtout dans les grandes rédactions aménagées « paysager ». Une telle, un tel… Pas seulement « m’a dit que… ». Pour Jean-Jacques Bourdin (RMC) ou je ne sais qui, « la France a pris une leçon de justice à l’américaine. ». Pour Hubert Coudurier, du Télégramme, « cette transparence a au moins l’avantage d’éviter l’hypocrisie qui prévalait ». Avec qui tu couches, Hubert, au fait ? Tu as un animal de compagnie ? Donne l’adresse du vétérinaire. Des enfants ? Et à leur âge, ils se collent encore les doigts dans le nez (bon, je n’ai pas de photo pour l’établir, et je n’en sais rien du tout…). Oui, Dominique Wolton a raison : « la transparence peut être totalitaire (…) le droit de savoir peut virer au cauchemar. ».

Tout Lothario (séducteur) n’est pas un Barbe bleue en puissance. Toute Cléopâtre n’est pas une affamée de pouvoir absolu, ni une Elizabeth Bathory (folle de son corps au point de se baigner dans du sang pour en préserver la joliesse). Souhaitons que le cas DSK reste l’exception DSK. Espérons aussi que s’il doit faire évoluer certaines pratiques, nous sachions préserver un certain équilibre.