DSK : coupable ou semi-coupable, c’est idem…

À propos des charges pesant sur Dominique Strauss-Kahn, des organisations féministes ont – à juste titre – relevé une tendance dans la société française (et la presse) : la présumée victime ne suscite pas une avalanche de commentaires sympathiques à son égard, les faits décrits par l’acte d’accusation ne soulèvent pas une forte indignation générale. Ce qui est certain, c’est que même si l’affaire finissait par se réduire, aux yeux de l’opinion française, à une « simple » histoire d’attentat à la pudeur, exit DSK pour un bon moment de la scène mondiale.

La police de New-York a-t-elle senti « le bon coup de pub » et gonflé une histoire d’attentat à la pudeur, possiblement aggravée par des gestes et propos déplacés, et ne voulant se déjuger, maintenu mordicus les charges les plus incriminantes ?
C’est peut-être ce que plaideront les avocats de DSK qui pourraient tenter, s’ils ne peuvent écarter toutes les charges, d’en écarter certaines pour minorer la portée des moins pénalement graves.

Ce qui semble sûr, c’est qu’à la lecture de la presse américaine, la victime, prénommée « Ophelia » (de son état-civil Nafissatou Diallo), qui ne serait plus d’origine guinéenne mais sénégalaise, n’est pas à la veille de retirer sa plainte. Le New York Daily News, qui ne calque certes pas la ligne éditoriale du NYT (Times), plutôt celle du NYP (Post), vient de retrouver le frère de la dite Ophelia. Elle porte un foulard « islamique » (ou tout simplement un fichu, allez savoir…) hors service, n’a jamais posé le moindre problème à son voisinage, élève correctement une fillette de neuf ans. Un grand-frère de 43 ans, Blake, gérant d’un bar (ou cafe ? au sens américain du terme, ce peut aussi être un restaurant) de Harlem (quartier devenu presque chic), n’a pas cédé aux possibles sollicitations de sortir l’album familial. Il considère qu’en Amérique, DSK « ne va pas s’en tirer comme cela ». La justice passera, et c’est pourquoi « nous aimons l’Amérique, » déclare-t-il.

Une chose est sûre. Aux États-Unis, si quelqu’un entre dans votre chambre d’hôtel et que vous sortez nu de la douche (ce qui peut se concevoir), vous avez intérêt à vous draper immédiatement dans une serviette de toilette et ne pas risquer une proposition verbale salace, quel que soit le sexe de l’intrus(e) et le vôtre. Dans tous les cas de figure, le “Dirty Old Man” (vieux dégueu ou vieux libidineux) qu’est DSK aux yeux d’une large partie de l’opinion américaine, ne s’en sortira pas indemne. « Elle m’a téléphoné (…) elle pleurait tout le temps ! » résume son frère qui aurait été son confident une heure après les faits. Que Camille Strauss-Kahn, qui, selon la presse américaine, aurait été présente dans la salle d’audience, puisse ou non témoigner que l’incident ait pu être très bref en raison d’horaires serrés ne changera guère la donne. L’avocat de la plaignante pourrait certes passer une sorte d’arrangement avec ceux de DSK pour ne pas éreinter leur client, mais jamais le bientôt ex-directeur général du FMI ne s’en sortira judiciairement indemne, à mon humble avis.

On a évoqué le cas Polanski. Rappelons que la plaignante avait retiré sa plainte contre le réalisateur. Certes, elle était mineure au moment des faits, circonstance aggravante, mais ce n’est pas ce seul fait qui a motivé la continuation des poursuites. Il a été « de surcroît » stipulé (further alleged) que la jeune fille était mineure, mais l’essentiel restait qu’elle « n’était l’épouse du défendant », lequel avait commis « lewdly (…) a lewd and lascivious act upon and with the body an certain parts and members thereof… ».

Un commentateur, Toby Young, a évoqué le livre de Tom Wolfe,Le Bûcher des vanités. Pour le système judiciaire de New York, un cas comme celui de DSK, estime-t-il, c’est « Biscuit City ! » (du nanan, un régal, l’aubaine). « C’est la cerise sur le gâteau pour les fonctionnaires mal payés des services de l’Attorney. ». Et pour Jeffrey Shapiro, donc ! Jeffrey Shapiro est l’avocat d’Ophelia qui, en sus, est « veuve ». Et sa cliente « ne peut rentrer chez elle, ne peut se rendre à son travail ! ». De plus, selon NBC, du sperme aurait été trouvé sur les lieux (la suite 2806 du Sofitel). Attendez-vous à savoir qu’aucun détail, même le plus infime. La caution d’un million de dollars ? Elle a été virée par Anne Sinclair sur le compte d’Ira Judelson, l’intermédiaire chargé de la caution, qui joue au basketball avec des greffiers et des magistrats. On donne les détails sur la taille de la cellule de DSK, sur son menu du jour. Linda Fairstein, l’ancienne procureure de la section des « Sex Crimes » du district de Manhattan, considère qu’il va longuement être question de la « condition émotionnelle » de la victime. Là, formidables débats en vue : Jeffrey J. Shapiro s’adjoindra peut-être une ou des pointures de la renommée de Benjamin Brafman, l’avocat de DSK. Déjà, ABC News a interrogé un psy pour évoquer l’obsession sexuelle (« ses transgressions passées et ses deux précédents mariages peuvent évoquer un désordre sexuel ») du prévenu DSK.

Brigitte Guillemette, seconde épouse de DSK, peut bien supposer, à propos du déjeuner avec leur fille, Camille, que la police de New York a falsifié l’horaire présumé de l’agression, le « problème de braguette » (« zipper problem », pour Vanity Fair), l’emportera.

La France étant cette fois du « bon côté » en Libye, le mouvement Tea Party et d’autres ne vont sans doute pas redoubler de virulence contre l’« infâme violeur », mais DSK ne sera pas épargné. En fait, c’est plutôt au FMI que la droite américaine (et Fox News) s’en prend à cette occasion. En revanche, on s’interroge dans l’Amérique profonde : la condition sociale d’Ophelia a-t-elle incité DSK a user du (en français dans le texte) « droit de cuissage » ? Comme l’écrit Michelle Miller, de CBS, ce n’est que le début du « cirque médiatique ». Stay tuned! Et puis, Arnold Schwarzenegger vient de divorcer de Maria Shriver. Aucun rapport ? L’ennui, c’est que ses « turpides » passées remontent à la surface, au mauvais moment pour DSK. Comptez sur la presse pour trouver d’autres cas similaires, qui fourniront peut-être une sorte de « toile de fond » au cas DSK.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

12 réflexions sur « DSK : coupable ou semi-coupable, c’est idem… »

  1. Une chose me semble à peu près évidente. Rien ne remonte de sérieux sur la présumée fréquentation du club parisien fort exclusif « Les Chandelles ». C’est un endroit très sélectif (par rapport aux autres, sans doute le plus fermé, mais n’importe qui peut s’y rendre en étant à peu près bien mis… et joliment accompagné…).
    Cela tient d’une part à la discrétion du milieu. Mais dans un cas pareil, si DSK avait vraiment été un habitué régulier, vu les circonstances, il en filtrerait déjà quelque chose. Pas forcément « en clair ».
    Ensuite, pratiquement non pas « tout le monde », mais « tout le beau monde » (ou presque) est passé une fois aux Chandelles : il y a certains habitués célèbres, visiteurs récurrents, qui ne s’en cachent absolument pas (et auxquels on fout à très juste titre la paix), au moins pour une certaine période de leur existence. Et puis des tas de gens qui, plus ou moins en goguette, accompagnés par des ami·e·s, vont payer assez cher (s’ils ne sont invités) pour « voir ». Et la plupart se contentent de voir. En voyeurs occasionnels.
    Il y a certains clubs échangistes qui, certains soirs, sont quasiment envahis par une nuée (limitée cependant, à l’accueil, s’il y a trop de monde à l’intérieur, on refuse l’entrée) de voyeuses et voyeurs qui défilent, prennent un verre, avant de repartir, sans avoir le moins du monde participé. D’autres, moins réputés, sont quasiment déserts.
    Si toutes celles et ceux qui ont remonté ou descendu la rue Saint-Denis, ou traîné un peu à Pigalle, étaient clients, les bars de relâche (pas ceux travaillant au bouchon, ceux où ces dames font la pause) ne serviraient que du champagne millésimé à 2 000 euros le col, comme dans les boîtes ultra-huppées de la Côte d’Azur.
    En sus, si DSK était un harceleur impulsif, il aurait été viré de ce genre de clubs.
    Je ne crois guère à l’hypothèse qu’il ait été un habitué (ou alors, cela remonterait à un temps certain…) de ce genre d’endroits.

  2. Lassitude à Paris avec l’affaire Clearstream dont le procès en appel n’apporte aucun élément nouveau…

    DSK y est cité comme « victime », et non des moindres…

    Belle ironie de l’histoire que sa chute à New-York…

    Je rappelle qu’en 1994, « on » me faisait agresser dans tous mes déplacements par des milices très colorées, dont l’une d’individus d’origine africaine.

    Mes collègues de travail étaient également incités à me harceler et m’agresser par des pervers qui leur soutenaient que je n’étais qu’une « pute », et qu’ils ne couraient en conséquence aucun risque à me maltraiter, car « le viol d’une pute n’est pas un viol ».

    J’étais ingénieur, une « sale pute de femme ingénieur volant la place des hommes dans le travail ».

  3. Sur une certaine photo :

    [url]http://observers.france24.com/fr/content/20110513-mort-ben-laden-photo-situation-room-retouchee-maison-blanche-tungstene-logiciel
    [/url]

    [url]http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=11144[/url]

    [url]http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2011/05/10/maison-blanche-et-clinton-disparut-de-la-photo-cnn/[/url]

    A méditer…

  4. On s’apitoie sur le « calvaire » du pauvre homme :

    [url]http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/l-affaire-dsk/20110517.OBS3339/affaire-dsk-l-organisation-mediatique-d-une-mise-a-mort-par-jean-daniel.html[/url]

    Pauvre chou…

    Sauf les surveillances constantes et autres exactions dont je suis victime depuis des années, je me serais peut-être exilée aux USA – dans un pays civilisé, quoi… un endroit où j’aurais pu vivre.

    Française vivant en France, j’aurai passé la majeure partie de mon existence à me battre pour éviter d’être prostituée contre mon gré, et me maintenir en vie envers et contre tout – ou tous.

    Pour RVR et ses amis, rien de tout ce que j’ai pu subir n’est anormal, puisqu’il est avéré que j’étais bien ingénieur alors que je n’ai toujours été qu’une femme…

  5. Ras le bol de DSK. On ne parle plus que de ce milliardaire libidineux comme si il n’y avait pas de personnes en réelles difficultés sans les avoir cherchées. Il y a des choses plus importantes pour le pays que ce monsieur. Sa famille est triste ? comme toutes les familles dans ces circonstances, leur cas n’est pas plus dramatique parce qu’ils sont connus. Par ailleurs, on parle de temps en temps de L. Fabius pour le remplacer comme candidat. Excellente idée de remplacer l’homme qui vit « la main à la braguette » par celui qui a les mains rouges du sang contaminé. Vite, vite, que ces formidables socialistes arrivent au pouvoir.

  6. [quote]Ensuite, pratiquement non pas « tout le monde », mais « tout le beau monde » (ou presque) est passé une fois aux Chandelles[/quote]

    Je ne savais même pas que ce « lieu » existait et je doute que les quelques 60 millions de français soient au courant que ce Club existe 😀

  7. Pour Tartine :
    Ben, dans le microcosme parisien, si. J’ai d’ailleurs été plusieurs fois étonné, à Paris, d’entendre des gens que je ne pensais pas du tout au courant de son existence, dire l’être (qu’ils aient ou non fréquenté ou visité une fois).
    Il y a aussi divers établissements lyonnais un peu connus.
    Sinon, c’est plutôt « demeures campagnardes » (propriétés un peu à l’écart, en province, transformées en clubs ou saunas).
    Mais je vous l’accorde : je n’avais jamais entendu parler de cet établissement avant de m’installer à Paris.
    Ce qui est surprenant, c’est que, dans un premier temps, il est simplement fait état de la possibilité que DSK ait connu cet établissement. Plus cela enfle, et à la fin, on a des gens qui donnent l’impression qu’il y passait le plus clair (ou obscur) de ses soirées. La source est unique : un seul et unique bouquin faisant état d’une photo (hypothétique) de DSK sortant de cet établissement.
    On est vraiment très, très loin d’un équivalent masculin d’une Ilona Staller, dite la Cicciolina [url]http://fr.wikipedia.org/wiki/Cicciolina
    [/url]
    Notons que Le Canard s’exprime assez maladroitement :
    « [i]Les gazettes françaises ont couvert les agissements du satyre DSK… Ah bon, lesquels ? DSK courait les jupons et les boîtes échangistes. La belle affaire ! C’est sa vie privée, et elle n’en fait pas un violeur en puissance. [/i](…) [i]Pour[/i] Le Canard, [i]l’information s’arrête toujours à la porte de la chambre à coucher.[/i] » Si on savait que DSK courait les jupons, pour les boîtes échangistes, non, pas vraiment.
    Pour Tristane Banon, j’ai découvert comme la plupart.
    Si « on » avait su, avant l’histoire du Sofitel, tant qu’elle-même ne tenait pas à l’évoquer, « on » n’en aurait pas parlé, et c’est bien ainsi. Après les histoires qui ont couru sur Chirac, il y en a eu, plutôt moins, sur Sarkozy. Mais jamais aucune histoire de tentative de viol.

  8. On doit exiger de nos élus, de nos élites, de ceux qui nous dirigent une vie privée exemplaire. Comme je le disais sous un autre article :

    [i]… Un homme politique a moyennement une vie privée. Si ces : travers, manies, addictions diverses, vices, violence, manque de moralité peut porter atteinte à son rôle de dirigeant d’un pays, on doit tout divulguer. Je rappelle tout de même que le harcèlement est un délit. S’il veut avoir une vraie vie privée, qu’il ne devienne pas un homme public, un chef d’État ou un haut fonctionnaire avec de telles responsabilités. Et c’est valable pour tous les politiciens, hommes et femmes. Les américaines en font trop, nous pas assez.[/i]

    Mettre un être dépravée aux commandes d’un pays n’est pas imaginable. Donc même si la dépravation fait partie de la vie privée, je ne pourrais voter pour un tel candidat, femme ou homme.

    Le monde intérieur se reflète dans le monde extérieur, personne n’échappe à çà.

  9. Lu par ailleurs :
    « [i]En Suisse, selon une étude mandatée par le Bureau fédéral de l’égalité et le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), effectuée en 2007, 28% des femmes et 10% d’hommes estimaient avoir vécu une situation de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail.[/i] »
    Même sans attentat à la pudeur caractérisé, cela peut être vraiment traumatisant si les sollicitations sont répétitives : insomnies, dépression, gaffes et légères fautes professionnelles induites, &c. Le cas le plus grave que j’ai pu avoir à connaître à entraîné, chez homme (véritablement pourchassé par un autre qui était son supérieur), une maladie invalidante, incapacitante.

  10. Sur Le Post, des internautes se plaignent d’être censurés chaque fois qu’ils évoquent « Les secrets d’un présidentiable », sorti en mai 2010.

    En voici un :

    [url]http://www.lepost.fr/article/2011/05/18/2498860_est-ce-que-le-livre-les-secrets-d-un-presidentiable-en-mai-2010-avait-ete-attaque-en-diffamation.html[/url]

    Pour le reste, il serait souhaitable que cette affaire mette fin à certaines hypocrisies.

    La mention « vie privée » est quand même bien plus souvent utilisée que celle de « secret défense » pour couvrir ou étouffer les affaires les plus graves, mais bizarrement, elle n’excite pas les journalistes français comme la seconde…

    En ce qui me concerne, la prostitution a été envisagée comme une « punition », après que j’aie refusé de travailler pour le crime organisé. Ce n’est qu’une variante de la condamnation à mort.

    Dans certains milieux, ou pour certaines missions, « on » emploie préférentiellement des femmes en sachant pertinemment qu’en cas de problème, il sera très facile de les éliminer ou de tout étouffer en les attaquant en ce qu’elles sont femmes. Le harcèlement sexuel, les agressions de cette nature font toujours RIRE aux dépens de la victime, tandis qu’elles bénéficient aux agresseurs : prestige, avantages matériels, avancement social… En France, un pays ridicule dont les dirigeants ne gouvernent pas le monde… Et pour cause ! On connaît bien leurs faiblesses…

  11. merci Jef pour votre article,je suis bien informé avec cela et en plus,très bien écrit!

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