Julien Dray et Julien Coupat partagent le même prénom, ont-ils, en partie, partagé le même sort ? L'un est en prison, et il a fallu des subterfuges pour prendre connaissance de son dossier d'accusat… non, bien, sûr, d'instruction, forcément d'instruction. L'autre fait les belles pages (voire aussi les fausses, tant il est autant à droite qu'à gauche) des quotidiens français comme s'il avait un livre à promouvoir ou allait, tel un Évin, ancien ministre socialiste de la Santé, recevoir un poste fort rémunérateur dans un ministère, la fonction ou les établissements publics. Deux poids, deux mesures ?

Selon que vous soyez puissant ou misérable… L'un un peu plus égal que l'autre… Existe-t-il un cas de figure, judiciaire et médiatique, Cray-Doupat ? Le FigaroLe Parisien, d'autres titres, donnent très complaisamment la parole à Julien Dray, ancien soutien de Ségolène Royal. Pas de rappel de ses subventions à des radios privées, pas d'examen de son action de parlementaire ou de responsable de collectivités territoriales, et tout juste mentionne-t-on l'élément-clef lui ayant valu d'être soupçonné d'enrichissement personnel : les comptes douteux, du fait de mouvements de fonds suspects, des associations Les Parrains de SOS-Racisme et Fidl, une organisation lycéenne.
Mieux, Le Monde choisit une photographie de Pierre Andrieu pour l'AFP où, complaisamment, on ne voit plus que le bracelet-montre métallique en-dessous du poignet de Julien Dray, rendant impossible l'identification d'une montre sans doute très bling-bling, clinquante ou non (les Patek-Philippe sont de bon goût, peu clinquantes, rarement assorties de bracelets métalliques hormis des modèles de plongée, mais elles sont tout autant bling-bling que des Rolex, mais Carlita Bruni ne s'y est pas trompée : elles font moins nouveau riche).

Montage policier, judiciaire, médiatique…

Si Coupat avait doté d'un lot le loto du bistrot de Tarnac, la police, puis la presse, enfin la justice retiendraient sans doute qu'il avait tenté d'acheter des consciences. Et les consciences, cela s'achète. Taubira, nommée à la tête d'un machin quelconque, appelle à la ratification de la nouvelle constitution française, Allègre attend son tour, Lang fait office d'ambassadeur, et Bockel, ancien militant « autogestionnaire » du Ceres (l'ancienne « gauche de la gauche du PS »), est sous-ministre. Il en est bien d'autres.

Il faut avoir été « du sérail » pour comprendre comment fonctionnent les collectivités territoriales, les établissements publics d'État, les ministères. La différence entre Julien Dray et un adjoint au maire chargé des cantines scolaires et recevant champagne et chapons à domicile est sans doute énorme. On n'achète pas Julien Dray, affirmer le contraire serait diffamatoire. On laissera donc L'Observatoire des subventions rappeler l'essentiel de l'affaire. En soulignant toutefois, pour apporter de l'eau au moulin de Julien Dray qu'il n'est pas anodin que ce soit encore une fois L'Est Républicain qui sort un dossier policier ou judiciaire et le divulgue opportunément.
Laïd Samari, ancien soutien du Comité Coluche de Belfort, proche des nébuleuses qu'on ne qualifiait pas d'alter-mondialistes autrefois, est proche, très proche de la magistrature, et de par ses fonctions de reporter fait-diversier, très au contact des sources policières. Il fait désormais figure de relais naturel des dossiers à médiatiser.
Il n'empêche que lorsque Julien Dray fait voter 627 902 euros de subvention par le Conseil régional d'Île-de-France au profit d'une opération « Révélation MTV 2006 » (il fallait bien cela pour marquer les esprits et d'ailleurs toute Francilienne, tout Francilien se souvient fort bien de ce tremplin radiophonique pour les jeunes talents musicaux), tout est clair, transparent, légal. Un peu comme le train de vie de la présidence de la République décortiqué par René Dosière ou les dépenses de tant de ministères et d'organismes épluchés par les diverses Cours des comptes.

Et effectivement, on accordera à Julien Dray le bénéfice du doute si tant était que le dossier Tracfin (la « cellule antiblanchiment » liée à la « brigade financière ») n'ait apporté que des éléments intéressant au mieux le fisc mais en aucun cas la justice. Rappelons que Julien Dray affirme qu'il n'a absolument rien dissimulé au fisc. Dans Le Parisien dimanche, sous le titre « Julien Dray parle enfin », Julien Dray évoque une machination, une vengeance ou on ne sait quoi et motivée par on ne sait qui. Il s'agit d'une « mise en scène élaborée par le rapport Tracfin, qui a su trouver un relais complaisant chez des gens peu regardants sur l’éthique de l’information. ». Bref, on ferait monter la pression en utilisant la presse en espérant que le suspect craque et finisse par lâcher ce que l'on supputait sans pouvoir le prouver. Et cela ne vous rappelle rien ?

Julien Coupat, un journaliste « plus égal que d'autres » ?

Quand un journaliste est pris en otage, l'ensemble de la profession ou presque se mobilise. Quand un journaliste d'un titre classé plus ou moins à gauche est mise en garde à vue pour livrer des informations, l'ensemble de la presse plus ou moins classée à gauche s'indigne et l'ensemble de la presse centre-droit quand le pouvoir est centre-gauche et centre-gauche quand le pouvoir est centre-droit, et une bonne partie de la presse classée plus ou moins à droite rappelle que les libertés de la presse devraient être reconnues fondamentales.
Quand Julien Coupat, qui a créé une revue naguère, se retrouve en détention provisoire, rien de tout cela, du moins immédiatement. C'est un journaliste plus égal que d'autres, donc, cela est bien « égal » pendant un bon moment à une grande partie de la presse, des chères consœurs et des chers confrères. Toutefois, Libération, le Nouvel Observateur, quelques autres titres considèrent qu'on a fait un feu à partir d'un vague fumet.

Mais Julien Dray, qui estime avoir retrouvé sa « radicalité » d'autrefois (celle de ses 20 ans, quand il militait à la LCR ? Allons donc ! Cela se verra sans doute par des actes…), va sans doute nous changer tout cela. Il souhaite une « coalition allant des modérés du MoDem à l'extrême-gauche ». Bon, mais alors, pourquoi pas l'ultra-gauche ? Ou alors, n'y aurait-il pas de fumée sans feu du côté de Julien Coupat selon Julien Dray qui s'abstient fort bien de citer son « homologue » (quant au prénom) ?

On peut comprendre que Politis, pour marquer la dernière Journée internationale de la presse, ait donné la parole à un kiosquier. L'hebo « indépendant et engagé » est l'un des seuls titres qui ne soit pas trop extrême-confidentiel (car ultra-confidenciel, c'est sans doute de la littérature clandestine, sulfureuse, subversive, terroriste, on n'en fera pas la propagande, donc) à avoir clairement réclamé la libération immédiate de Julien Coupat. On comprend mal que d'autres titres de presse continuent à laisser penser que le dossier a été mal compris, que l'enquête doit se poursuivre, la détention se prolonger, &c.

Cray-Doupat, édifiant…

Et tellement symptômatique. Au point qu'on se demande immédiatement si quelqu'un, quelque part, n'a pas décidé qu'il fallait solliciter Julien Dray pour le réhabiliter aux yeux de l'opinion. Ou si un groupe puissant, tel Hachette (implanté dans la presse, et Lagardère est au capital, aussi, de L'Humanité, à tout hasard), n'a pas sous le coude un titre de bouquin à largement diffuser dans les deux prochaines semaines. Réflexe primaire ? Hélas, oui ! Quand on voit Le Figaro déceler un « retour des maoïstes en Chine » sous la plume d'Arnaud de la Grange, son correspondant à Pékin, on en vient à se demander si la prochaine étape de MAM (la ministre de l'Intérieur en titre) sous l'impulsion de Nicolas Sarközy (le véritable ministre), ne sera pas de susciter un titre du genre « Au secours, ils reviennent ! Après la Chine, les maoïstes gangrennent Paris ». Avec tribune libre de Bernard-Henri Levi à l'appui !
On n'empêchera pourtant pas de penser qu'entre les bobos de Julien Dray et les conditions de détention de Julien Coupat, il n'y a pas qu'un apparentement abusif à établir.