Compte-rendu d’audiences correctionnelles dans un tribunal de grande intance de province à travers diverses affaires, avec leurs contextes, leurs causes, leurs conséquences, leurs acteurs, leurs dénouements.

 

Aujourd’hui : comment un lycéen brûlant de poursuivre ses études réduit en cendres la maison de celles qui le mettaient sur des charbons ardents.

Le contexte : avait-il lu Gide, ce garçon de 20 ans ? En tout cas, il a exprimé d’une manière brûlante la fameuse imprécation de l’auteur des «  Nourritures Terrestres » : «  Familles, je vous hais ! ».
Dans ce dossier, il est question d’un conflit de doubles générations puisqu’il met en cause ce jeune majeur, sa mère et sa grand-mère. Deux femmes qui affichent un comportement assez peu courant si l’on considère qu’il est généralement admis que les ascendants poussent les enfants à poursuivre leurs études et que ces deux-là l’incitaient plutôt à les interrompre. Mais ce sujet de conflit n’était pas le seul en cause dans cette histoire et la mésentente se situait visiblement à plusieurs niveaux entre le jeune homme et les deux femmes dont la maisons étaient voisines, dans le village où ce petit monde habitait. À tel point qu’il a fini par être fichu à la porte du domicile familial par le compagnon de sa mère. C’est dans la foulée qu’il s’est emparé d’un bidon d’essence et qu’il a incendié la demeure, les flammes se propageant ensuite à l’habitation d’à côté. La première sera détruite, la seconde fortement endommagée.

L’audience : à la barre, un jeune homme avec de petites lunettes, l’allure studieuse, qui vit…au nouveau domicile de sa maman, laquelle est d’ailleurs présente en une double qualité de victime et de soutien de son fils. Pour expliquer son geste, ce dernier fait valoir la pression qu’on exerçait alors sur lui. « Ma grand-mère, notamment, voulait absolument que je trouve un travail et surtout que je ramène un salaire » déclare cet élève de terminale qui prépare un bac pro en comptabilité et qui s’apprête à entrer à la fac.

Le président évoquera une «  Grand-mère Dalton » mais fera également état, s’agissant du prévenu, d’un « garçon exigeant, égoïste, ne voulant rien entendre. » De quoi attiser effectivement les braises de rancoeurs réciproques évolutives et finalement embraser une frustration qui couvait et enflait un peu plus chaque jour.

Geste spontané, que cet incendie volontaire ? Le procureur y voit un acte délibéré, en tout cas, tandis que le défenseur du lycéen fait valoir la personnalité assagie de son client et son désir de poursuivre son cursus.

« Je vous donne une chance de devenir un mec bien » conclura le juge en infligeant à l’incendiaire une peine d’un an de prison avec sursis.

 

Échos de barres : en bonus quelques petites phrases captées au fil des audiences

Sobrement : 66 ans, c’est un âge raisonnable pour être raisonnable, non ?

– Ben oui.

– 2,98 g, c’est beaucoup, n’est-ce-pas ?

– Dites moi…vous avez bu avant de venir à l’audience ?

– Un chocolat !

 

Pas un saint : le président à un prévenu à qui il est reproché d’avoir dérobé des objets sacrés dans une église : votre casier est aussi épais que les évangiles !

 

De la fuite dans les idées : un feu rouge grillé puis un refus d’obtempérer ? L’automobiliste a de quoi s’expliquer :

– J’étais pressé de me rendre à l’hôpital : j’avais le bras en écharpe…

Et puis : le temps que j’engueule le camion devant moi et le feu était passé au rouge !

Et enfin, pourquoi ne pas s’être soumis aux injonctions des policiers qui lui signifiaient de s’arrêter ? Rien de plus simple : «  Je n’ai pas trouvé de place pour me garer. Franchement, dans cette ville, c’est le boxon ! »