Dmitri Medvedev et ses rêves d’émancipation

 La nature des relations idéologiques et de pouvoir entre Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine semble incontestablement frappée du sceau de la complexité pour qui regarde de l’extérieur. Loin de n’être qu’une simple marionnette le président russe s’essaye régulièrement à quelques affirmations de puissance. Le sort que la justice russe s’apprête à réserver à un ancien haut dignitaire du pays devant prochainement servir de test et d’illustration à cette émancipation rêvée du président russe.

 

Vu de l’extérieur le couple formé par Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine semble fonctionner à sens unique. Le second, bien qu’officiellement premier ministre, décide et le premier, en théorie président, exécute. Là semble être l’évidence de ces rapports de nécessité entre un ancien président, Poutine ; qui constitutionnellement ne pouvait immédiatement briguer un nouveau mandat de président, et Medvedev qui cherchait un mentor politique apte à accélérer son ascension politique. Poutine jouant dans ce quasi adoubement, qui à valeur de mandat d’attente pour lui, le rôle que Eltsine avait pu jouer dans sa propre carrière politique, lorsqu’en 1999 il était allé chercher un obscur bureaucrate pour le porter à la présidence.

Et pourtant à y regarder de plus près Medvedev ne semble pas tant que ça sous la coupe de Poutine et de son clan. Les deux hommes ne se superposent qu’avec retenue sur le plan des idées. Bien qu’effacé, tout autant que Poutine semblait secret, Medvedev ne renonce jamais à signifier ses divergences de points de vue avec l’ancien président russe, aujourd’hui premier ministre.

Car fondamentalement il semble qu’est en train de se rejouer au travers de ces deux hommes l’éternel écartèlement russe entre l’orient et l’occident. Thème déjà obsessionnel de l’intelligentsia russe du XIX ème siècle tout comme de l’œuvre de Dostoïevski. Il est évident qu’aux accents plutôt orientalistes et pro russes de Poutine correspond la tentation plus européenne, occidentale et « moderniste » de Medvedev.

Un cas illustre ce différent, somme toute presque formel et tatillon, les deux hommes ne cherchant que le retour de la Russie à plus de grandeur. Ce cas concerne le sort juridique que la justice et surtout le pouvoir russe entendent réserver à l’ancien oligarque le plus riche de Russie : Mikhaïl Khodorkovski. Dépouillé par le clan Poutine, les fameux Silovikis, ces anciens du FSB ou de la mairie de Saint-Pétersbourg, l’ancien patron de Ioukos vit depuis maintenant 6 ans dans une prison sibérienne.

Obsédés par l’idée de pérenniser ce que le démantèlement de Ioukos a pu leur rapporter les Silovikis (les hommes à épaulettes) ainsi que certains grands patrons russes rêvent de voir l’acharnement de la justice russe se poursuivre le plus longtemps possible sur l’ancien milliardaire.

Au contraire, Medvedev souhaitant poursuivre la modernisation de la Russie, en vue bien évidemment de la conduire vers plus de puissance internationale, ne serait pas contre une plus grande clémence, voire un arrêt des poursuites. Car selon le président russe la survie de l’arbitraire russe passe par un semblant d’ouverture sur l’occident, que concrétise ce type de clémence. En revanche le clan Poutine, les Silovikis, certains industriels de l’agroalimentaire, du pétrole ou du gaz, ne seraient pas contre un «  refermement » de la Russie sur elle-même, avec éventuellement une plus grande proximité avec la Chine. Dans ce contexte donner des gages à l’Occident leur semble inutile, voire humiliant et contre productif.

Mais problème pour les « modernistes » : le fait qu’ils sont incontestablement en minorité face aux tenants de la ligne dure et isolationnistes. En effet il est probable qu’environ 60% de l’économie soient tenus par les partisans de la ligne de Poutine.

Il faudra donc regarder avec attention le verdict de la justice russe concernant le cas Khodorkovski qui sera rendu le 15 décembre. Le jeune président russe y jouera beaucoup de sa crédibilité de prétendu chef de l’exécutif russe.

Quatre cas de figure sont dès lors possible. Une confirmation de la dureté pénale et pénitentiaire contre Khodorkovski. Affirmation de la totale victoire du clan Poutine. Un assouplissement de cette même dureté. Sorte de terrain d’entente entre les positions du président et de son premier ministre avec avantage pour le second. Un acquittement. Situation assez difficilement probable tant elle symboliserait la victoire absolue du clan réformateur. Ou alors une peine de prison avec sursis pour l’ancien milliardaire. Situation de compromis cette fois ci à l’avantage du président.

Dans tous les cas deux victimes collatérales seraient à signaler : Khodorkovski lui-même ; bien évidemment, dont le sort est constamment dépendant de jeux de pouvoir lui échappant. Et bien sur la justice russe, dont il semble si évident qu’elle aura à se prononcer en réponse aux rapports de force réels pouvant exister entre le président et son premier ministre.

En tout cas verdict le 15 décembre 2010.