Dix/10 au Duplex : 20 sur 20 d’art contemporain

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En haut, fumoir, en bas, dollars, pépètes, pas de cigarettes, mais ouisqui et grandes pépées. Le collectif Dix/10, au Duplex (bar du Marais de Paris), avait hissé le baril de pétrole à son nouveau niveau marchand. Pas aussi élevé que celui du carburant acheminé aux zones d’opération en Afghanistan,  mais quand même à celui de la mezzanine…


Les productions du groupe Dix/10 sont vendues au tarif de l’objet qu’elles représentent. Mais il y a des exceptions puisqu’en matière de valeur, certaines choses ne se monnayent pas.  Ainsi de la page « réservée à une dédicace personnalisée sous forme de dessin original » de la future monographie Vingt-sept ans sur le front de l’art (parution prévue vers septembre ou octobre 2010) en tirage de tête (à défaut de votre bobine partout, votre nom sur cette page 30×40 sur papier velin).
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Lundi 11 janvier 2010, à la vesprée tombée, au Duplex (rue Michel Lecompte, Paris), quelques ultratopiques précisions ont été fournies sur ce projet. « L’émission de Bonds du Trésor Dix10 est destinée à soutenir l’édition de l’ouvrage de quelque 200 pages qui retracera par des photographies les multiples interventions artistiques du groupe… ». Le Bon, d’une valeur de 300 euros, donne « le loisir » – ce n’est donc pas une obligation ordinaire – d’emporter une œuvre d’un montant (mais sans encadrement) équivalent parmi les œuvres Dix10. « Chaque amateur souscripteur dont le nom figurera dans les remerciements se voit réserver une dédicace personnalisée sous forme de dessin original… ».

M’est avis que le projet peut encore évoluer sans, nonobstant, que ces dispositions soient modifiées. Cochon de fournisseur qui s’en dédit.

 

L’art lié à la consommation, au consumérisme, est notamment illustré par Cyril Anguélidis, Jean-Jacques Tachdjian, et bien sûr par 10|10 (ou 10Dix, ou Dix10, et par les temps inflationnistes qui courent, il est quand même rassurant de voir un tel ratio rester constant). Denis Robert est aux flux immatériels financiers ce que 10 sur Dix est aux produits usuels dont ils savent faire exception à l’occasion. Inversement, vous imaginerez bien quelque chose me dispensant de me creuser la cervelle. Un truc bien senti, du genre Dix sur 10 est aux quatre tétons du pis de la France ce que les dessous d’Aubade sont à la poule au pot d’Agnès B, mais en moins ras des pâquerettes. On a beau parler sous, thune, pépettes, baril d’Ariel ou autre, l’examen-fenêtre nous le révèle, c’est de l’art, quand même !

 

Je ne sais si Casanova (Giacomo Girolamo de Seingalt), inventeur de la loterie sous Necker (ou pas loin de son troisième ministère), pour financer l’École militaire (d’application d’artillerie et du génie ?), dédicaçait ou non des assignats de sa fabrication tel un Picasso conscient que ses chèques au restaurant ne seraient jamais encaissés. Pure divagation. Je sais en revanche que le Duplex est campé face à la seule demeure parisienne subsistante de l’œuvre de Claude Nicolas Ledoux – contemporain des deux cités supra – dans la capitale française. Lieu lourd d’histoire et contrée de contrastes, le Duplex vit, nous confie J-.J. Dow Jones, ami de Joël, le tenancier-cabaretier, « le tout premier emplacement d’entre les vingt distributeurs automatiques d’œuvres d’art, chacune valant cinq francs de l’époque, que nous avions alors installés ». Peut-être n’était-ce pas le tout premier, car j’ai interprété de mémoire,  mais il est sûr que le Duplex est entré en sa trentième année. Je dois cette précision aux historiens de l’Art et l’acte architectural réunis.

Revenons à nos mamelles, soit à notre ouvrage. « Attendez-vous – en fait, il me tutoie, mais je ne sais trop comment employer cette tournure à la deuxième personne, Ndlr  à un sacré gros pavé, il compte déjà 250 pages car depuis 1990, on avait rien sorti de tel, alors qu’on existe depuis le début des années 1980, » poursuivait Dow Jones. Notez que le prix reste inchangé, tandis que le foliotage galope, il a ainsi progressé d’un cinquième en quelques mois, et que sera-ce à parution ? Je vous laisse augurer…

 

Roma Napoli, pour sa part, nous confia des choses confidentielles sur le fait de rester sur son séant six heures d’affilée dans un théâtre berlinois (la ville, aucun rapport avec le format de l’album, autre théâtre d’intervention) et sur le bon usage de l’intrait de marron d’indes. Mais il faut savoir tirer un trait sur ces détails intimes du jaillissement créatif. Discrétion, motus, retenue, n’ayons pas l’indécence de nous brûler en dévoilant une exclusivité qui nous chatouille la langue, ce serait déplacé.

 

Charlotte de *** ayant ramené sa fraise les mains vides, il fallut se contenter de tacos et de chips,  mais on ne peut goûter du zampone de fromage de tête au saindoux chaque soir.  En revanche, des pots de confiture au blé (germé ? pas sûr, bio, cela va de soi) et à l’oseille sont restés sur place à la disposition des acquéreurs. Notre photo en fait foi.

Mais il me fut aussi signalé depuis que SAR la princesse de *** s’en serait coincé un sous le vertugadin. On ne saurait jamais trop se méfier de cette noblesse d’empire et la remise au goût du jour de ce bourrelet, même siglé Lagerfeld, assorti aux chopinas Ferragamo ou Caovilla, dissimule de bien coupables intentions. Or donc, dépêchez-vous, il n’y en aura peut-être pas pour tout le monde. Ainsi que le narrait Charles Timoléon de Sigogne (en ses Œuvres satiriques, 1607) « Qui ne se prendroit dans le piège / Lors qu’un vertugadin pipeur / Et des patins hauts de liège / Cachent taille et pot aux oseilles ? ». Et j’oserai ajouter : « Cherchez une nouvelle proye /  Où repaître vos appétits / Ces hameçons d’or et de soye / N’attrapent que les apprentis ».

 

Des représentations acrylique sur verre de dollars en or, avers type tête d’indien 1909, sont aussi proposées, initiative saluée par notre confrère Numismatique & Change.

 

Parmi les privilégiés de ce vernissage, il fut relevé la présence de SE Kam Fong, accompagné du romancier Douglas Coupland, au bras de l’exquise Brianna « Bree » Jyang en fourreau de Meaux à sequins fantaisie Van Cleef & Arpels. La pétillante Monique Ranou, fidèle entre les fidèles, était encore une fois de la partie, s’étant échappée, avec l’auteur de jPod, prix étranger du Label doré Succulence, de chez Drouant.

 

La fameuse plaque émaillée aLice SD, le petit buvard qui fait des merveilles, et quelques pièces rapportées issues de collections privées, côtoient les œuvres plus récentes. Un service voiturier pour Caddie™ est proposé. On peut aussi bien sûr se rendre en ligne sur le site pour d’autres avantageuses  et insolites emplettes…  Relevons qu’il s’agit du dernier site de la zone euro qui accepte encore les chèques libellés en krona islandaise. Encore une généreuse initiative – qu’il convient de saluer – de nos amis de Dix|10 en faveur des infortunés insulaires nordiques ! Spéculateurs de tout autre pays, Rachida Dati et autres Julien Dray du monde entier, unissez vos doigts à vos Mont Blanc, et souscrivez ! Encore un événement choc éthique et non toc et faux chic, merci, merci Dix|10 !

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !