Divorce Sans Consentement Mutuel – Ou le Roman de trois gifles électorales annoncées

 

Le Jacobinisme à la française ou le constat

d'un divorce

 sans consentement mutuel

 

 

          Les Français, qui l'ont bien démontré, sont bel et bien les représentants d'un peuple versatile, ce qui nous incite à nous demander si, le 21 avril 2002 et si le 5 mai 2002, ils ont bien compris le programme proposé par le candidat Chirac ? De là à penser que  les Français, qui, rappelons-le, ont choisi de ne plus opter pour l'abstention, ont reproché, lors des deux tours des Elections régionales « 2004 » au Gouvernement Raffarin, de mener une politique de Gauche[1], il n'y a qu'un pas… qu'il serait aisé de franchir…

 

          Et voila que pour confirmer cette tendance qui n'est pas si rare que cela, une déçue de la classe politique l'a franchi… A-t-elle donné ses voix au Front national ou s'en est-elle allée vers les Extrêmes ? S'est-elle tout simplement abstenue ? Non ! Elle n'a pas hésité à voter « blanc ou nul » pour les deux tours de ces Régionales « 2004 ». Alors, comment se fait-il que son suffrage exprimé dans le secret de l'isoloir ne puisse réellement pas être pris en compte par ces instituts de sondage ? Pourtant, son opinion, mais également celles des autres électeurs, seraient un éclairage ‘'nouveau'' dans l'amorce d'une analyse beaucoup plus précise sur les raisons politiques, sociales et économiques de ces votes blanc ou nul ! En écoutant cette électrice nous déclarer « s'être exprimée ainsi par écoeurement », nombreux sont ceux qui veulent être réellement entendus par ces instituts de sondage. Par ce vote sanction, qui est vraiment le constat de ce divorce sans consentement mutuel, cette électrice exige « des mesures concrètes ». « Nous sommes un pays surtaxé et le travail part à l'étranger ! Il y a trop de misère encore dans notre Pays », assène-t-elle d'un ton ferme. « Les Restos du Coeur ? Pourquoi dans un pays développé ? Des personnes dépressives, voire suicidaires à cause du chômage : on attend quoi ? », Demande-t-elle avant de conclure très dégoûtée : « nous devenons égoïstes ! ».

 

          Certes, des réformes sont indispensables. Mais, les Français sont-ils aptes à les accepter même lorsqu'elles s'avèrent nécessaires ? Ces mêmes Français sont-ils aptes à écouter, à réfléchir, à dialoguer, à négocier au préalable au lieu de brandir systématiquement la menace du recours à la grève catégorielle ?


[1]Alors qu'il reprochait au Gouvernement Jospin de mener une politique de Droite, ce qui l'a amené, comme on le sait, à sanctionner, au soir du 21 avril 2002,  le Candidat Jospin.

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          Cité par Christian Grégoire[1] dans son ouvrage, « Aux Urnes Citoyens »[2], Lionel Jospin, alors Premier Ministre, écrit dans son livre, « Le temps de répondre »[3], publié quelques semaines avant le 1er tour des Elections présidentielles « 2002 » : « Les Français sont sans doute plus mobiles socialement qu'ils ne l'étaient par le passé, les frontières de classe s'étant estompées, mais en outre,  ils sont et se vivent plus divers par leurs origines, leurs cultures… Les Français sont individualistes, souvent tentés de faire prévaloir des affinités ou des intérêts particuliers, en même temps, ils affirment un besoin de règles ».

 

          Ce qui suppose qu'une catégorie de Français privilégie la défense de ses propres intérêts catégoriels avant de privilégier le bon sens citoyen…

D'un côté, on a le syndicaliste de base, qui veut toujours plus, qui est prêt à se battre pour cela, n'hésitant pas à bloquer tout un pan entier de l'Economie nationale, n'hésitant pas à gêner bon nombre de travailleurs, ce qui contraint le Gouvernement, souvent accusé d'être « au service du Grand Patronat », de faire machine arrière…

De l'autre, on a le patron-type, non pas le petit patron, le commerçant ou l'artisan, mais le capitaine d'industrie, qui, se rangeant sous la coupe et sous l'influence de ses actionnaires, ‘'forcenés du Cac40'', ne parlera, sans aucune négociation possible, que de ‘'rentabilité'', que de ‘'nécessité de concurrence face à la Mondialisation''… pour provoquer des plans sociaux drastiques, alors que son entreprise est largement bénéficiaire… Face à lui, ce même gouvernement se retrouve totalement démuni, désarmé, puisqu'il ne sait pas comment réagir pour faire inverser la tendance et ramener le Pays vers une croissance durable…

Puis, au milieu, il y a ce Français, qui, confronté aux agissements de ces syndicalistes et du Patronat, ne sait plus à quel saint se vouer…

 

De là à considérer que le Gouvernement, totalement dépendant des puissances de l'argent, du Grand capital, des ‘'prédateurs'' et des ‘'forcenés du Cac40'', a trahi le Peuple de gauche, il n'y a vraiment qu'un pas aisément franchissable surtout lorsqu'on entend Lionel Jospin, alors Premier ministre de la Gauche plurielle, asséner, en automne 1999, à des ouvriers des Usines Michelin, victimes du plan social annoncé par leur entreprise pourtant bénéficiaire, cette phrase lourde de conséquences : « Il ne faut pas tout attendre de l'Etat et du Gouvernement »

 


[1]Christian Grégoire est Journaliste à France2 et Président du Syndicat des Journalistes & Ecrivains (S.J.E.).

[2]Publibook, Paris, 2003.

[3]Stock, Paris, 2002.

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Alors, les Français, qui s'en vont sanctionner le Gouvernement Raffarin II, qui, lui, est un Gouvernement de Droite, vous rétorqueront qu' « il a mené une politique de Gauche »...

Donc, le peuple français, qui fait preuve d'un jacobinisme fort, semble indécis dans ses choix électoraux comme le démontrent si bien Christian Grégoire[1] et Lionel Jospin[2] dans leurs ouvrages respectifs… D'aucuns pourront juger « ce peuple comme étant un peuple ingouvernable, voire ingérable ! ».

Mais cela ne veut pas dire qu'il n'est pas apte aux réformes ! Encore faudrait-il qu'on lui donne les moyens de les comprendre : pour cela, ne faudrait-il pas, de la part de tout gouvernement, de toute organisation syndicale patronale ou salariale quels qu'ils soient, un sens inné de la communication, une habilité  à négocier, une capacité d'écoute et de pédagogie ?

 

          Afin que de grandes réformes indispensables au développement durable d'une grande nation comme la nôtre puissent être réalisés, ces qualités s'avèrent nécessaires ! 

Ces élections régionales « 2004 » auront bel et bien été le constat d'un « Divorce sans consentement mutuel ».

L'on aurait pu supposer que cette gifle électorale subie par la Majorité présidentielle allait être fatale au Gouvernement Raffarin… Mais, le Président de la République ayant renouvelé sa confiance à Jean-Pierre Raffarin, il n'en fut rien… Le Gouvernement Raffarin III fut formé dès les jours qui suivirent le résultat de ce scrutin si désastreux…

Aux dires du Président Chirac, « le message donné par les Français avait été entendu »… C'était sans compter sur l'affaire de l'appartement de fonction de 600 m² mis à la disposition du tout nouveau Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Hervé Gaymard, et loué 14000 €uros par mois, aux frais de l'Etat… donc… du contribuable… Révélée le 16 février 2005 par « Le Canard Enchaîné », cette affaire fit tellement scandale, qu'elle provoqua la chute du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie… Malgré ses déclarations sur TF1 et dans la presse, Hervé Gaymard dut, le 25 février 2005,  présenter sa démission… Il fut remplacé par Thierry Breton, Président Directeur Général de France Telecom… Tous les ministres furent rappelés à l'ordre par Jean-Pierre Raffarin… Mais, le mal était fait, puisque le divorce se consommait de plus en plus…


[1]« Aux Urnes Citoyens ! », Publibook, Paris 2003 : dans cet ouvrage, Christian Grégoire analyse les raisons objectives de la débâcle du 21 avril 2002 ainsi que le score de Jean-Marie Le Pen et sa présence au second tour des élections présidentielles « 2002 ».

[2]« Le temps de répondre », Stock, Paris, 2002.

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Au fil des mois, l'affaire fut oubliée… Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy, Secrétaire Général national de l'U.M.P. et Président du Conseil Général du Département des Hauts-de-Seine, continuait d'affiner son image de ‘'Présidentiable'' en lançant quelques petites remarques à qui voulait bien l'entendre… ce qui eut l'heur de déplaire à l'entourage du couple présidentiel…

Mais, une autre échéance des plus importantes se pointait à l'horizon : les suites de l'élargissement de l'Europe…