Qui ne connait pas ce fameux magasin de meubles venu du nord de l’Europe ? Une enseigne de couleurs bleue et jaune tout comme celles du pays d’où elle vient. Ikea, le leader du meuble en kit, à monter soi-même avec les outils fournis dans les cartons d’emballage. Un endroit apprécié de toute la famille et dont le seul fait d’y aller tout seul peut être perçu comme un signe d’infidélité (dixit une des nombreuses publicités du groupe). Les noms des différentes étagères, meubles TV, accessoires de rangements, etc. à la prononciation imprononçable esquissent à chaque fois un sourire quand on essaye de les prononcer. Bref, Ikea est une institution.

 

Un groupe qui subit une grave crise d’identité depuis quelques semaines. Une image écornée par des scandales d’espionnage. Aux Etats-Unis, dans l’état de Virginie, il y a un an déjà, des salariés avaient manifesté leur colère en dénonçant des techniques managériales tyranniques dignes des champs de plantations de cotons. Manquaient,  aux responsables, des fouets pour remettre les salariés les plus oisifs au travail. En France, une nouvelle affaire peu reluisante vient de défrayer la chronique.

 

Une vaste histoire d’espionnage au sein de la filiale française. Une accusation venue du Canard Enchainé, un papier toujours très bien renseigné, mettant en cause la direction et certains services de polices et de recueillement d’informations indépendants. Le journal a même publié des mails entre le directeur de la gestion des risques et une société spécialisée dans ce domaine dont certains portants comme objet « stic », c’est-à-dire des renseignements appartenant aux services de police. Dans ces fichiers, des données consignées sur les personnes en lien avec des infractions, que ce soit du côté des victimes ou des responsables.

 

Ikea France aurait demandé des renseignements bien précis sur des personnes identifiées, notamment lors des périodes de recrutement. La personne en face de moi, est-elle syndiquée ? Quelle est sa religion ?  Quelles sont ses tendances politiques ? Des interrogations vites satisfaites grâce à l’intervention de la compagnie Sureté Internationale qui aurait, contre 80 euros, réussi à racheter des informations à la police. Cela implique qu’il y aurait des fuites chez les gardiens de la paix. Cependant les employés ne sont pas la seule cible de cette affaire d’espionnage, les clients engageant des litiges commerciaux, auraient eux aussi été épiés.

 

Bien entendu, Ikea dément formellement, il se dit partisan de « l’honnêteté, de la transparence et respectueux de la vie privée » et se dit prêt à mettre sur place un enquête interne pour débusquer les fautifs. A Brest, dans le magasin local, les 80 ouvriers ont bloqué le site pour avoir des réponses mais tout laisse croire que ce fait va encore courir longtemps.

 

Mais d’où vient Ikea ? Derrière la marque, il y a Ingmar Feodor, suédois né en 1926, devenu par la suite 11ème fortune mondiale. Dans sa jeunesse, comme dans les contes, il vend des allumettes dans la région du Smaland, l’hiver est froid et la pauvreté dans toutes les familles. Pièces après pièces, il parvient à créer Ikea, acronyme fait de son nom, de sa ferme familiale, Elmataryd et de son village natal, Agunnaryd. Les premières échoppes vendent des stylos, de la petite maroquinerie et des bijoux fantaisie puis des meubles des 1947. Des vis en tenons, l’entreprise grandie, s’implante dans le monde entier, la fortune d’Ingmar s’accroit et il finance des projets d’études de jeunes designers. Des actions louables tentant de faire oublier sa véritable nature, un aspect nauséabond de sa personnalité, ses liens affichés avec les mouvements nazis. Il est avéré qu’Ingmar a reçu des fonds des nazis pour créer Ikea, que sa famille sacralisait Hitler et qu’il faisait partie des jeunesses fascistes.

 

La prochaine fois que vous arpenterez en famille les couloirs banalisés du magasin, à la recherche d’une Billy, d’une Alang ou d’une Aspelund, gardez en tête que vous risquez d’être espionné tout comme les vendeurs.