Aujourd’hui, je devais vous présenter Living Art, l’art numérique, de Florent Aziosmanoff, directeur de la création du centre d’art numérique Le Cube à Issy-les-Moulineaux, publié par les éditions du CNRS. Ce sera pour… plus tard. Car je me suis bien sûr empressé de m’intéresser au nouveau site des procrastrinatrices et procrastinateurs, Demaincestbienaussi (.com). Pour une fois, une fois seulement, j’aurais pris les devants. Si je n’ai plus que mes mitaines pour me moucher et sécher mes pleurs, foin de regrets, je saurai à qui m’en prendre et tout autre que moi-même l’éprouvera… à son heure !


passig_lobo_1.pngC’est fou, le nombre de trucs que j’ai sous le coude. Un exemple ? Évoquer l’exposition de François Seigneur à La Criée (Rennes), Des ordres/désordres. L’idée était d’accompagner le visuel de l’affiche de l’expo de photos de mon bureau (le meuble, la pièce), avant de passer à l’acte majeur de mon plan quinquennal : y mettre de l’ordre. L’exposition s’est achevée le 24 janvier dernier, et j’ai honte. Mieux vaut jamais que tard ? Pour les photos, c’est fait.

Au moins, j’ai un exemple concret de témoignage pour le site Demaincestbienaussi, qui ouvre ce jeudi 25 février, demain, donc. Trois ans (voire davantage ?) de report au lendemain de l’indispensable apurement de mon bureau (pour celui de mon ordinateur, comme je dispose de deux écrans, cela peut attendre…).

 

Les éditions Anabet deviennent coutumières du fait. On a un livre, un auteur à lancer ? Hop, un site pour en assurer la promotion. Pour Zones humides, de Charlotte Roche, il y eut un site homonyme éphémère. Là, pour Demain, c’est aussi bien ou comment régler ses affaires sans aucune discipline personnelle, de Kathrin Passig et Sascha Lobo, le site devrait être plus pérenne. Ne serait-ce que parce que Procrastinators Anonymous, qui a aussi vite repéré ce livre plus vite que celui de Jane B. Burka et Lenora M. Yuen, Procrastination : Why You Do It, What to Do About It (Lifelong Books), publié voici déjà un quart de siècle, semble voué à un bel avenir. En tout cas, la « littérature », ou du moins la documentation sur le sujet ne manque pas. Le site PA recense une cinquantaine d’ouvrages sur le sujet, rien qu’en langue anglaise. Aucun de sous-développement personnel. Est-ce bien sérieux ? Pour ce livre, dont il sera peut-être dit qu’il s’agit d’un précispité d’asynchronisme calendaire, l’art de vivre (Living Art ?) ne souffre d’aucune modération, et c’est déjà mieux.

 

En général, il s’agit de vous faire culpabiliser. L’apport de Passig et Lobo, qui seront peut-être à la question ce que Masters et Johnson furent au sexe, consiste à vous faire relativiser vos comportements de retardataire chronique. Perso, fidèle à ma fière devise de ne jamais reculer devant la facilité, soit de faire résolument face à la possibilité récurrente de fuir ou différer des tâches nécessaires au profit d’autres, moins urgentes, mais plus plaisantes ou moins ardues, et de profiter du vent des occasions et des opportunités, je sais sérier. La vaisselle n’attend pas, les notes de frais peuvent parfois dépasser la date de péremption. Répondre aux cartes de vœux, souhaiter des anniversaires s’accommode d’une latence d’une année (lumière, parfois). Arrêter de fumer, quand le temps manque pour aller chercher un paquet, et qu’on a largement mieux à faire, c’est immédiat. D’ailleurs, je le referai… à l’occasion. Tout vient au sonneur de l’extinction de l’ultime mégot, jusqu’au prochain, lointain si possible.

 

Ce livre, en sa traduction française, devait être disponible fin novembre 2009, puis en décembre dernier. Puis sa parution a été annoncée pour février, et il sera, aux dernières nouvelles, pour le 23 avril dans les rayons des bonnes librairies. Un vendredi. Est-ce bien raisonnable ? J’attendrais donc volontiers de l’avoir en mains pour signaler le nom de la traductrice ou du traducteur. Faire reculer l’heure du départ en « reuteuteu » dans l’espoir de mieux sauter sa voisine d’atelier, c’est mélanger les priorités. C’est un coup à s’entendre invectiver par Joseph Boulier (« Ah, Gaston, puisque vous être encore là… vous pourriez… ») tandis que Mamzelle Jeanne file vers l’ascenseur et que Longtarin va se pointer pour vous coller un pv.

 

passig_lobo_2.pngKathrin Passig et Sascha Lobo collaborent au sein moelleux de la Zentralen Intelligenz Agentur dont la devise est In Bed We Trust. De tels gens ne peuvent être totalement mauvais. Ils font prendre des vessies pour des lanternes comme leurs billevesées et calembredaines pour des carnets de tendances qui peuvent leur rapporter gros. Ils sont aussi les concepteurs du capitalisme lent (Slow Capitalism) et de l’économie visqueuse (Slime Economy). La polémologie avait ses Sun Zi et Gaston Bouthoul, la procrastination a son traité du conflit las, Passig et Lobo. Machiavel et Clausewitz à la fois de la guerre lente, leur label est plus prisé que celui de l’Arse (devenue Vigeo ?), l’agence de notation sociale de Nicole Notat, membre du conseil d’orientation de l’association En Temps réel. La boue, la glaise, elles, ne trompent pas ! Un stage de PowerPoint Karaoke à la ZIA vous coûtera bien moins cher qu’un séminaire sur l’information et ses modèles économiques d’En Temps réel. Les schémas de vrombruissage™ de leur blogue-notes, Riesen Maschine (Das BrandNeue Universum), vont enseigneront comment mettre à profit les réseaux neuronaux des autres pour ramasser la monnaie vous-même. C’est affaire d’entropie et de mise en boîte (dont votre tirelire), et depuis Lafargue et son Droit à la paresse,  on n’avait guère fait mieux. Allez, encore moins d’effort pour devenir antipreneur (comme, par exemple, Otto Bus, des Simpson, qui n’a pas attendu de passer le permis pour entreprendre les virages de sa vie…).

 

Le site (ne cliquez pas aujourd’hui, attendez demain) devrait vous donner quelques recettes pour ajourner votre séance de rétrocrastination (introspection projective, terme que je viens d’inventer). À quoi bon s’attarder sur le passé, demain sera pareil à aujourd’hui, peinard. Mettre le feu aux lacs du quotidien provoque généralement une tympanosclérose qui peut finir par infecter le labyrinthe. Je vous en aurai charitablement averti. Parole d’expert !