Que le temps semble lointain où la télévision offrait ce qu’on faisait de mieux : une fenêtre sur le monde qui permettait de découvrir l’autre et l’ailleurs, une télévision à caractère éducatif, qui interpellait, étonnait, donnait à réfléchir et critiquait.
Minus sélection partisane et forcément non exhaustive, pour rafraîchir les mémoires encombrées des bêtises télévisuelles actuelles :
‐ Des débats avec « Droit de Réponse », émission née en 1981 et décédée en 1987, animée par Michel Polac, en direct s’il vous plaît, avec les dérapages incontrôlés et incontrôlables, des intervenants imprévisibles que cela induisait.
Ca polémiquait sec, ça s’invectivait, ça poussait des coups de gueule mémorables, ça s’insultait, ça colérait grave dans une ambiance tabagique du feu de clopes !
Une agora très démocratique avec le droit de poser des questions, les plus embarrassantes, gênantes, délicates et le droit de répondre, en prenant son temps, en ayant la possibilité de développer sa pensée.
Avez‐vous remarqué que, de nos jours, dès que quelqu’un tente de développer sa pensée, il est immédiatement interrompu par Patrick, Pascal, Jean ?
Il faut que cela aille vite, il faut exprimer, en peu de mots, des idées complexes qui, le temps étant compté, perdent leur subtilité et deviennent des idées amputées de leur sens.
Des sujets de fond, sociétaux, politiques, économiques étaient abordés et creusés jusqu’au centre de la terre, au cours de ce débat.
Feu « droit de réponse » disparût de l’antenne en 1987, à cause de plaintes de citoyens coincés, déjà très lisses et choqués ‐ oh les pauvres ! il ne leur en fallait pas beaucoup – et de membres du gouvernement de l’époque, engoncés dans la télé à Papa, qui n’ont pas accepté l’incroyable modernité de ce programme trop démocratique pour leur goût, mais avant tout, à cause d’un dessin de Wiaz montré à l’antenne à la suite du rachat de TF1 par Bouygues et qui représentait Francis Bouygues déclarant : « Une maison de maçon … un pont de maçon … une télé de merde ».
Ouille ! La vérité fait mal !
‐ Des documentaires qui feraient réagir toutes les associations de défenses de tout et de rien et les réseauteux surexcités, aptes à s’indigner pour un non et pour un oui, tels « Strip‐Tease », émission Belge née en 1985 et décédée en 2012 avec ses personnages haut en couleurs et décalés dont on dont on montrait un morceau de vie quotidienne, d’où un autre titre donné à cette émission « Strip‐tease une émission qui vous déshabille ».
Le spectateur entrait dans l’intimité de Monsieur et Madame tout le monde pas si tout le monde que cela.
Il y avait Monsieur tout le monde qui construisait, dans son jardin, une soucoupe volante pour aller on ne sait où – aucun plan de vol ‐ et consacrait presque la totalité de son salaire mensuel à cette construction pendant que maman, qui n’y voyait rien à redire, épluchait les oignons dans la cuisine.
Il y avait le truculent Monsieur tout le monde qui avait acheté un ordinateur pour créer son site internet, rien que cela et alors qu’il n’avait jamais utilisé d’ordinateur de sa vie, et tentait de le faire fonctionner après avoir introduit le CDrom d’installation à l’envers et téléphonait à la hot line où s’ensuivait une conversation surréaliste.
Il y avait Ludovic, jeune homme de 25 ans très ambitieux, qui n’avait fait aucune école de cinéma ni ne venait de ce milieu et qui voulait produire, tourner et jouer dans son premier film avec la bagatelle de 10 000 figurants. Pour arriver à ses fins il démarchait, à Cannes, les plus grands réalisateurs et acteurs et cherchait des financements qui lui étaient refusés.
Il y avait cet exclu de la société, autoproclamé « Docteur Lulu autodidacte » qui expliquait comment bien vivre avec 45 de tension, avec une clavicule plus longue que l’autre et qui recommandait de prendre ses antibiotiques avec du bon gros rouge – ça passe mieux ainsi mon Lulu ‐ !
Une forme de télé‐réalité avant l’heure.
‐ Des émissions culturelles telles « apostrophes », émission littéraire, née en 1975 et décédée en 1990, animée par Bernard Pivot. Les plus grandissimes écrivains sont passés dans cette émission : Alexandre Soljenitsyne, Vladimir Nabokov, Milan Kundera, William Styron, Umberto Eco, le sulfureux Charles Bukowski, … On découvrait des livres et on se sentait plus riche intellectuellement grâce aux passionnants échanges entre Pivot et ses invités.
‐ On se régalait des « Deschiens », des « Inconnus », du « Petit Rapporteur », qui assénaient des vérités sociétales et qui croquaient les travers de cette même société en nous faisant rire.
‐ Des programmes tels « Nulle Part Ailleurs », NPA pour les intimes, sur Banal +, avec Philippe Gildas, émission née en 1987 et décédée en 2001. On a vécu de très grands moments avec l’équipe des Nuls, Antoine de Caunes, José Garcia, Karl Zéro, Philippe Vandel et les Guignols au caoutchouc désormais très mou, et qui ne font plus rire personne.
Ca délirait un max, ça fusait de toute part, ça osait tout. Probablement l’émission la plus déjantée du PAF…
Une époque d’une richesse télévisuelle inconcevable aujourd’hui.
Cela s’est délité lentement mais sûrement.
En 2018, il subsiste quelques bonnes émissions : « Cash Investigation », qui je le crains, tant cette émission est dérangeante, ne durera pas autant que la taxe télévisuelle mariée à la taxe d’habitation que je paie annuellement, « C’dans l’air », les superbes documentaires de National Geographic, d’Histoire pour ne citer qu’eux.
Globalement, il n’y a plus de vrais débats, le consensus mou étant la règle, plus de véritables émissions culturelles, le formatage étant de mise, plus rien qui provoque intérêt et curiosité.
Aujourd’hui, les âneries déversées par toutes les chaînes‐voix de son maître sont légion.
Exemples choisis :
Chez la télé de merde du maçon, que je ne regarde jamais, des programmes débilitants :
« Secret Story », émission de télé‐réalité de secrets de polichinelles dont on se contre‐fiche avec des candidats affligeants et incapables de faire une phrase qui teint le chemin
« la méthode Cauet » et sa beauferie, sa vulgarité, son machiste, très bas de gamme
J’ai été obligée de surmonter mon dégoût pour la télé de merde du maçon et il m’en a coûté, à un point que vous ne pouvez mesurer, de regarder ces 2 émissions afin de pouvoir écrire en connaissance de cause sur ces débilités.
J’ai cru que mes lobes frontal et pariétal allaient se dissoudre.
Alors, ne me demandez pas, chers lecteurs et lectrices, de dévoiler contenus détaillés et principes existentiels de ces émissions.
Je refuse de perdre mon lobe temporal dans un exercice descriptif inutile !
Chez C8, l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna, les mots me manquent tant c’est …………………………….. – grand blanc – Joker ! Joker !
Chez la 3, « Poubelle la vie » la série XXL ‐ n’allez pas imaginer des choses déplacées – XXL parce qu’avec un nombre d’épisodes que plus personne ne peut compter, avec des situations grotesques et des acteurs si mauvais qu’on aimerait les envoyer fissa dans une école d’art dramatique.
Et chez tout le monde, pléthore de séries aux scénarios indigents qui finissent par tous se ressembler, débitées ‐ les séries pas les scénarios – vous suivez ? ‐ en un nombre de saisons et d’épisodes tels qu’il faut sacrément s’accrocher pour mémoriser l’histoire, quand il y en a réellement une, et ne pas avoir de trous de mémoire du type, c’est qui déjà celui‐là, qui fait quoi ?.
Je ne regarde aucune série à cause de cette dérive saisonnière et épisodiaire et je pleure ‐ allez, un peu de patos, ça ne coûte rien ‐ les séries d’avant parce que c’était mieux AAAAAvant, avec des histoires différentes à chaque épisode.
Il n’y avait pas besoin de suivre assidûment les séries d’antan : « les envahisseurs », « les mystères de l’ouest », « amicalement vôtre », « le prisonnier », « chapeau melon et boîtes de cuir », « x files », « le fugitif », on pouvait manquer moulte épisodes sans perdre le fil.
Et je vous épargnerai la longue liste rébarbative des films passés plus de 100 fois sur l’écran de votre poste parce que cela ne coûte plus rien, les droits étant tombés dans le domaine public. Certains de ces films sont des chefs d’œuvre mais quand on les a vu 20 fois, basta !
L’immense paradoxe est qu’il existe une multitude de chaînes et de programmes à toutes heures du jour et de la nuit par rapport à cette époque révolue – vous rendez‐vous compte qu’avec une box d’un opérateur ZYX, on a accès à plus de 100 chaînes et dans toutes les langues parlées sur cette bonne vieille terre – mais chaînes et programmes sont, sauf exception, aussi nuls les uns que les autres avec leur talk‐show où personne n’a rien à dire et où tout le monde ricane bêtement, leurs dessins animés moches comme tout, leurs bêtisiers sauce salsa, armoricaine, bechamel, et j’en passe.
Toutes les chaînes ou presque se repaissent des malheurs du monde, des catastrophes en tous genres, et on sent nos journaleux à l’affût de la « news » croustillante qui attirera le chaland lobotomisé devant sa smart TV.
Il faut du sensationnel à tout prix, il faut faire pleurer dans les bicoques. Place à l’émotion et à la sensiblerie, l’information quelle qu’elle soit, n’est plus traitée sur le fond et rarement dans la durée, elle n’est jamais mise en perspective ou rarement, seul compte l’instant présent et la « sur‐émotion » générée par le bruit du monde.
Mais soyez rassurés chères lectrices et chers lecteurs, il y a SYSTEMATIQUEMENT la cellule psy pour éponger l’émotion dégoulinante. Tout va bien dans le meilleur des mondes.
Enfin, il y a les reportages récurrents, ressassés à l’envie, dès fois que nous n’aurions pas tout compris :
Le bac, avec les angoisses de nos bacheliers boutonneux puis les résultats, avec une partie des boutonneux pleurant leur échec, vite la cellule psy, la cellule psy !
La rentrée des classes, avec les angoisses des tieutins et tieutines qui pleurent de quitter les jupettes de ManMan
Les achats de fourniture, pour la rentrée des classes, et le sacro‐saint panier moyen dont le prix augmente d’années en années
Les embouteillages et chassez‐croisés des vacances d’été avec des micro, non pas trottoirs, mais des « micro‐airesdestationnement » où on voit le citoyen, béat d’être interviewé, ravi à l’idée de passer sur l’écran plat – on a les plaisirs qu’on peut ‐ et ensuqué par la chaleur du bitume, expliquer qu’il s’arrête, parce qu’il faut se reposer avant de repartir affronter, de plus belle, la queue leu leu autoroutière.
Il y a 4 000 km de bouchons, il fait 50° mais tout va bien, je vous l’assure !
Les jouets de Noël et le « micro‐magasin » où le chaland se plaint des ruptures de stock du jouet convoité sur lequel des petits malins se sont rués, dès potron‐minet
Les soldes, on voit des fous furieux se bousculer, prêts à tuer pour être les premiers à se jeter sur la marchandise qui restera ad vitam aeternam au fond du placard
A bon entendeur ‐ bon programme !