Dans un asile au long du Danube

Depuis 1989 en Europe de l’Est s’effectue la transition entre un gouvernement communiste totalitariste et une structure fondée sur des principes démocratiques. Cette transformation est loin d’être un processus harmonieux et continu. Il arrive, parfois, que des mutations qui se veulent fondées sur la démocratie entrent en collision avec des stéréotypes archaïques, des pratiques totalitaires qui se caractérisent par la non prise en compte de la dignité humaine et la « tolérance zéro » en ce qui concerne les différences subjectives et individuelles

 

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Parler de handicap dans les pays de l’Est suscite un flot d’images, à la limite du supportable venues des orphelinats et asiles des années communistes. Uneépoque de misère, de laisser-aller et de désintégration des valeurs morales que on espère révolue. Dans l’imaginaire collectif l’Europe de l’Est est l’enfer des handicapés en tout genre.

 

 

D’ailleurs, il y a tout juste un an, un article paru dans Courrier International (« Dans l’enfer des enfants handicapés mentaux » ; 23.09.2010) traite du sujet. C’est en effet un compte rendu d’une étude du Comité Helsinki Bulgare, qui a effectué une enquête, à l’aide du parquet de Sofia, dans tous les établissements spécialisés pour enfants handicapés mentaux en Bulgarie. C’est la plus importante étude faite à ce jour sur ces institutions dans le pays.

 

J’aimerais présenter quelques points de cet article, non pas pour susciter de l’indignation, de la pitié ou une quelconque émotion gratuite, mais parce que, il me semble, qu’en tant qu’êtres humains nous nous devons de savoir ce qui se passe dans le monde dans lequel nous vivons.

 

Les résultats montrent, bien entendu, un manque d’hygiène, manque de personnel qualifié, peu ou pas de contrôles. Dans huit de ces établissements on pratique l’immobilisation physique : les enfants sont entravés, parfois à l’aide d’une camisole. C’est illégal en Bulgarie. Parfois ils restent entravés durant des mois, voire des années.

 

90 enfants ont fait l’objet d’une immobilisation chimique : on leur a administré des puissants neuroleptiques pour mieux les contrôler. Ceci sans l’intervention d’un médecin spécialisé.167 enfants ont ainsi pris des substances dangereuses pour leur santé, certains d’entre eux pendant des périodes absurdement longues.

 

 

La conclusion de ces traitements va de soi : on a constaté un taux de mortalité extrêmement élevé (238 les dix dernières années, alors que la population de ces maisons est estimée à 1000 personnes). Aucune enquête sérieuse n’a été effectuée sur ces morts, dont une grande partie aurait pu être évitée. Plus important encore, la thèse selon laquelle ces enfants sont morts à cause de leur pathologie se trouve définitivement infirmée.

 

La grande majorité de ces enfants ont été assassinés. Il s’agit d’une « criminalité institutionnelle », dit Margarita Ilieva, avocate pour le Comité Helsinki. 31 enfants sont morts de malnutrition, 84 d’épuisement, 13 suite à une mauvaise hygiène, 6 suite à des accidents (noyade, étouffement…), 2 à cause d’actes de violence, 15 pour des « raisons non – étables »…

 

Les causes ? Manque des moyens, bien entendu, mais pas seulement. Il faut savoir qu’en Europe de l’Est et même dans les pays développés de l’Ouest, le handicap mental est encore mal accepté et toléré, considéré souvent comme une honte et une disgrâce. Les enfants différents se marginalisent très vite ; pour eux il n’y a pas de place dans leur famille ni dans la société. Ils n’ont alors pas d’autre perspective que celle de survivre plus au moins longtemps dans un centre spécialisé ou ils resteront jusqu’à la fin de leurs jours, le monde extérieur leur étant extrêmement hostile. Les handicapés constituent-ils, alors, une espèce de sous – catégorie qui vit dans une société parallèle régi par des règles et des lois parallèles ?

 

 

 

 

 

4 réflexions sur « Dans un asile au long du Danube »

  1. « …La troisième catégorie d’expériences médicales visait à confirmer l’idéologie raciste nazie. Les plus cruelles furent celles que Josef Mengele mena à Auschwitz sur des jumeaux. Ce même Mengele, et Werner Fischer à Sachsenhausen, dirigèrent des expériences sérologiques sur des Tsiganes, en vue de déterminer comment les différentes «races» résistaient aux maladies contagieuses. Les recherches menées sur des squelettes et des tissus par August Hirt à l’Université de Strasbourg visaient elles à établir «l’infériorité raciale des Juifs» et une classifiaction des groupes humains. »

    Je ne dit rien. Je reste bouche bée!

  2. D’autant plus que la plupart des pensionaires de ces institutions sont des enfants issus des minorités turque et tzigane

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