Troposphère, mésosphère, stratosphère : en navette Simone ! L’industrie du tourisme spatial est en plein essor, et voici qu’un consortium britannique souligne, à l’intention des pouvoirs publics du Royaume-Uni, la nécessité de doter la Grande-Bretagne d’un port aérospatial (ou space sport). Il faut que les plus riches ou les plus dispendieux puissent s’envoyer en l’air au-delà du commun. Pour un peu, on serait tenté de dire : « qu’ils y restent ! ». Si la croissance consiste à satisfaire les envies des mieux nantis, alors, effectivement « le ciel (n’) est (plus) la limite ».
Voici quelques décennies déjà, René Dumont, Jacques Ellul, maints autres, avertissaient : les ressources sont limitées, une nouvelle forme de croissance suppose une part de décroissance.
Je ne rappellerai pas non plus les critiques que je partage quant à l’obsession d’un PBI, mode de calcul qui ne garantit en rien la « richesse » et encore moins le bien-être, surtout pas de tout un chacun…
Voilà une mission qui conviendrait parfaitement à Claude Allègre…
Il pourrait déterminer la faisabilité de doter la France et l’Outre-Mer de ports aérospatiaux desservis par des autoroutes privées à l’accès réservé aux détenteurs de billets et dotés d’héliports adjacents.
Un certain Institute of Directors pousse un « cri ». Faute de space ports, le Royaume-Uni va rater le coche, laisser passer la manne de l’émergent tourisme spatial…
Alors, d’accord, cela pourrait créer des emplois (100 000 estimés à la louche à l’horizon 2020). Soit sans doute bien davantage que le nouvel aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes tant désiré par Fillon et Ayrault. Oui, admettons, l’astronautique privée pourrait aussi favoriser des avancées technologiques permettant peut-être un jour de prélever des métaux précieux sur des astéroïdes. Bien sûr, toute recherche technologique laisse envisager des retombées positives en d’autres domaines. Mais quoi ?
Comme par hasard, ce groupe de pression veut mettre le contribuable britannique à contribution avec tout juste à peine 313 millions de livres de dotation publique… dans un premier temps sans doute et nonobstant d’éventuels dépassements budgétaires. Il est suggéré de reconvertir une base aérienne militaire ou une autre (comme le fut, en France, Vatry pour le fret).
Les coûts du billet (forcément aller-retour jusqu’à nouvel ordre) pourraient chuter, puisqu’ils l’ont déjà fait (au kilomètre parcouru, en tout cas : 20 millions d’USD pour Dennis Tito, pour un vol de 22 heures, en 2001 ; 25 pour Charles Symonyi, en 2007, mais pour 14 jours…).
Virgin Galactic n’est pas le seul sur ce marché : Blue Origin, Space Adventure, Planet Space, bientôt d’autres, font dans le suborbital, voire dans l’orbital. Les Russes proposent aussi des offres, en attendant celles des Chinois ou des Indiens.
Pour trois heures, le billet est tombé aux alentours de 150 000 euros (classe unique pour le moment), mais il faut ajouter le coût de celui vers une base privée du désert Mojave, au Nouveau-Mexique (et Virgin, qui a recueilli plus de 500 réservations, en prévoit une seconde à Abu Dhabi). Virgin vient tout juste d’ouvrir une agence à Johannesburg (Af. du Sud) et nul doute que tout Soweto s’en réjouit. Le Guide du routard des étoiles et Not So Lonely Planet devraient suivre le mouvement, créant d’autres emplois, d’autres investissements, relançant la croissance…
Heu-reux ! De même sommes-nous sommés d’être ravis d’apprendre que Vuitton (ou Hermès, ou on ne sait quelle société membre du comité Colbert ou non) va créer un laboratoire de recherches en France. Ce n’est pas pour pomper des crédits et des exemptions fiscales (de mémoire, dans les 8-9 % si les entreprises consacrent du budget à la recherche, en mercatique aussi, par exemple), mais bien sûr pour créer des produits innovants. Le sac de voyage thermos protège-tablette ?
D’autres qui se réjouissent, ce sont les assureurs. Une navette qui explose, et hop, c’est toujours du profit, du PIB, de la croissance. Tellement plus fascinant que l’échouage d’un Concordia Costa qui, dépollution aidant, fait des pépettes, du flouze, de la fraîche, des points de « progrès » économique.
Tout est à l’avenant ou presque et il n’est pas exclu que la recherche pour créer de nouveaux cosmétiques puisse avoir des retombées positives pour le médical, et je veux bien l’admettre d’emblée. Bien sûr, plus Sir Branson engrangera des bénéfices, plus ses contributions ostentatoires à des œuvres charitables seront en proportion. C’est la fameuse théorie du « trickle down » (quand les riches vont encore mieux, les pauvres sont censés aller moins mal), contredite par les statistiques, credo pourtant intangible : on l’a vu lors de la dernière campagne électorale, les riches vont fuir la France (dixit toute la droite), on ne pourra plus faire leurs poubelles.
Remarquez, avec Disneyland sur Marne et autres Puy-du-Fou, la France a de bons atouts pour créer, par exemple, un Astérix Parc spatial. Enthousiasmant ! De quoi favoriser la relance…
Je ne m’opposerai même plus à la création d’un spatioport au Larzac (sinon, à l’occasion, via l’Internet), car je n’ai plus les moyens d’aller faire masse sur place (c’était, de toute façon, sur la route des vacances, nous y avions fait halte en famille ; temps révolus). Le lit est l’opéra du pauvre, dit un proverbe italien, et les couchettes à bord de navettes spatiales ne me font pas fantasmer.
En revanche, voir qu’EADS Astrium (EADS est première européenne, troisième mondiale, détient près du tiers d’Arianespace) envisage aussi de développer le tourisme spatial risque de me faire bondir de ma couche. Même si c’est « rentable », à quel prix, aux dépens de quoi d’autre ?
Son programme indique que « les passagers pourront flotter dans les airs pendant quelques minutes et bénéficier d’une vue absolument époustouflante » au cours de la phase haute du vol durant deux heures (compter dans les 200 000 euros, soit 100 000 de l’heure). Le projet avait été mis en sommeil en 2009, je ne sais trop où il en est. Perso, l’urgence me semble plutôt être de remettre le Parthénon « sur orbite »… et surtout les Grecques et les Grecs qui l’entourent… Satellites négligeables, semble-t-il…
[i] »Oui, admettons, l’astronautique privée pourrait aussi favoriser des avancées technologiques permettant peut-être un jour de prélever des métaux précieux sur des astéroïdes »[/i] [b]heureusement que l’initiative privé supplante les « idées » des politiques dont chacun sait qu’ils s’en emparent et s’en parent comme des plumes du paon.[/b]